S’affirmer d’autant plus, avançant avec assurance au sein du temple, tel qu’escompté quand il s’agit d’un deuxième album : comme pour
Doppelgänger, l’affaire semble vite pliée et, comme lui,
The Abyss recèle pourtant de nombreuses particularités.
Non pas au sein d’éventuelles nouveautés que Totengott, ce groupe qui a fait sien le proto-black en réalité ultrametal de Celtic Frost, rejette encore une fois avec dédain. L’ultrametal n’a pas besoin de changer ; il est ultrametal et cela suffit ! Totengott se contente d’appuyer plus fort encore, de s’affranchir un peu plus d’une parenté où l’enfant qu’il est s’assume désormais en homme seul, cf. une première cérémonie qui touche du doigt l’occultisme globalisant d’un
Head of the Demon avant que sa deuxième partie arrive avec un goût pour le blasphématoire transmis à coups de botte. Soit une plongée dans les abysses qui enfonce un peu plus cette envie de chevaucher droit devant, accentuant davantage cette inattention à ce que laissent les Espagnols derrière eux.
Osons le dire : si Celtic Frost ne démérite en rien dans le statut qu’on lui donne, il y a toujours eu cette sensation littéraire le concernant, celle similaire à un Lautréamont se rêvant homme fait monstre plus qu’il ne l’était vraiment. Une impression laissée en particulier par
Into the Pandemonium et
Monotheist qui, et cela fait partie aussi de leur intérêt, possèdent tous deux à leur manière un raffinement élevant les sentiments au rang de pensées. Rien de semblable chez ce trio bien trop occupé à faire sa fête au Père dans son monde dévasté, inepte à la lecture mais empli de mille douleurs et actes héroïques permettant de compenser n’importe quelle histoire millénaire. Le mythe, ici, se vit, au travers d’une voix brûlante, de guitares qui sont des mondes infernaux entortillés entre eux.
Voilà ce que donne à voir
The Abyss, avec encore plus de plénitude que
Doppelgänger (conservant pour lui l’émoi des premières fois et leur avide furie). Les préceptes bien appris, il les met en pratique avec ce qu’il faut d’avertissement par des orchestrations pleines de véhémence (le dernier titre et son mariage parfait lors du grand combat final, emporté par l’esprit de confrontation). Après l’acclamation est donc venu le temps de l’allégation à être : une chose que je ne serai pas prêt de critiquer chez Totengott, tant elle charrie avec elle une rudesse, une humanité au milieu des enfers qu’elle se plaît à peindre, qui en ont à répondre à ceux qui trouveront la filiation trop évidente.
Certes plus acteur que narrateur, faisant sien d’accomplir par les armes les prophéties d’un Celtic Frost omnipotent,
The Abyss n’en a pas moins une saveur de plongée vécue avec plus d’intensité qu’à l’écoute de
Doppelgänger. Un deuxième acte qui délaisse un brin les élans sauvages de son prédécesseur (attention cependant, « The Way of Sin » n’est pas là que pour dire qu’ils ne sont pas oubliés !) mais qui va plus loin dans le périple, les durées gargantuesques de « The Spell » et « Doppelgänger II: The Abyss » semblant pourtant bien trop étriquées pour cette épopée dans les abîmes.
Ce n’est pas pour rien que, peu de temps après la redécouverte de la formation – qui fut nécessaire pour me révéler ses attraits bien à elle –, les écoutes se sont enchainées et déchainées comme l’envie d’en parler sur ce site : Totengott remplit parfaitement mes attentes d’amateur d’un metal qui transmet une esthétique lui étant propre, fier, insolent, radical. Un metal qui paraît exister depuis toujours, avoir été écouté seulement depuis un peu moins longtemps, et que pourtant on ne rencontre que peu en aussi belle forme. Ce qui fait que, malgré les critiques justifiées que l’on pourra faire, prétextant que l’on est toujours plus bas que son maître quand on lui fait d’aussi appliquées révérences que
Doppelgänger et
The Abyss (bien que cette dernière, plus personnelle dans ses gestes, semble presque cacher un couteau dans son dos, prêt pour l’usurpation), malgré ces quelques longueurs toujours bien présentes, ces Espagnols me font frémir d’attente d’un troisième acte qui ne saurait arriver trop tôt !
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