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GRIFFON

Interview

GRIFFON Entretien avec Aharon (chanteur), Sinaï (guitariste, compositeur) (2024)
GRIFFON est une formation parisienne de Black Metal créée il y a un peu plus de 10 ans par Aharon (chant) et Sinaï (guitare, composition). Leurs débuts les voient classiquement (mais qualitativement) aborder des thématiques principalement liées au paganisme (l’EP « Wig Ah Wag »), et à son remplacement par le monothéisme (le 1er album « Har HaKarmel »). Puis, le duo s’intéresse à la relation entre le pouvoir et la religion avec son 2ème album « Ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς », avant d’aborder celle entre le pouvoir et le peuple (« De Republica », leur 3ème album sorti en début d’année).
Si vous êtes lecteur assidu de Thrashocore, vous devez les connaître par les chroniques de Jean-Clint ainsi que par les live reports (show anniversaire avec BELORE et Motocultor) ; il est maintenant temps qu’on leur donne la parole dans nos colonnes (et il se trouve qu’ils avaient une annonce importante à faire).



1/ Vous étiez très associés à la scène Black Pagan à vos débuts (plusieurs concerts avec NYDVIND et BELENOS, participation au Ragnard Rock Festival 2016 et au Cernunnos Pagan Fest 2017, présence sur la compile Antumnos, etc.). Vous en sentez-vous encore proche aujourd’hui ?

Sinaï : Les thèmes abordés dans le premier EP et premier album étaient liés au paganisme et musicalement on avait quelques similarités avec le genre Black Pagan.
Les thèmes ont évolué et la musique aussi, donc on ne l’est plus. Personnellement je n’ai jamais été proche de cette scène mais Aharon l’est plus.

Aharon : C’est une vaste question. Avant de commencer GRIFFON, j’étais un grand fan de la scène Black/Pagan française. Entendez par là : BELENOS, HIMINBJORG, BRAN BARR, NYDVIND, HEOL TELWEN (RIP), LES CHANTS DE NIHIL. Ça tranchait radicalement avec la scène “parisienne” des TEMPLE OF BAAL, MERRIMACK, ANTAEUS, AOSOTH et consorts. Il y avait un côté beaucoup plus mélo qui me plaisait. Ça tranchait également radicalement par son aspect raw à ce que proposait la scène Pagan Metal grand public à l’époque (on est autour de 2010). Quand j’ai commencé GRIFFON avec Sinaï, j’étais dans l’optique de faire du Black Metal dans ce sillon. J’ai beaucoup fait pour cette scène. J’ai organisé la compile Antumnos, j’ai fait jouer une bonne partie des groupes précités à Paris, le tout sans compter les quelques dates en France avec BELENOS, NYDVIND, LCDN. Comme le dit Sinaï, le groupe a énormément évolué, au point de sortir des sentiers battus proposés par le style. Le chant clair par exemple, on n’est plus du tout sur ce qu’on pouvait proposer, comme dans le premier album pour l’outro de « La Cité est Perdue ». C’était du “BELENOS” (les chants clairs qui font « OOooooooh » noyés sur les arpèges). Depuis deux albums, je pense que l’on n’est plus vraiment à notre place sur ce genre d’affiche. J’ai même du mal à réellement voir des groupes avec qui je pourrais partager une affiche en étant pleinement cohérent musicalement.

En tout cas, on n’aurait plus trop notre place sur une affiche type Cernunnos / Ragnard Rock. Concernant cette scène, j’ai l’impression qu’elle est relativement en essor en ce moment. Il y a de nouveau des évènements typiques qui s’organisent dans cette veine. Je trouve ça bien.

2/ Aharon disait que « le Black Pagan, ça ne doit pas se contenter de mélodies bateaux avec une guitare foireuse, le tout saupoudré de paroles parlant de vikings ». C’est vrai que votre concept est plus poussé, avec des morceaux travaillés et des textes recherchés. L’EP faisait la part belle aux mythes & légendes avant que vous ne questionniez à travers l’album la place de l’homme face aux religions et aux croyances qu’il a créées. Cela est davantage basé sur des faits historiques et marque l’objectif de « transmission de savoirs » de GRIFFON. En plus de cette raison d’être, qu’est-ce qui vous anime quand vous branchez micro et guitare ?

Sinaï : Ce qui m’anime, c’est de faire de la musique et faire quelque chose de beau avec mes amis. La musique est pour moi très importante à tout niveau. La transmission était secondaire. Je ne guide pas les thèmes même si j’ai mon mot à dire. Aujourd’hui la transmission est importante pour moi également. Partager quelque chose qui est de l'ordre de l’héritage est important surtout lorsque la norme est à la superficialité.

Aharon : J’avais au départ des objectifs sans doute moins ambitieux que maintenant dans les textes. Néanmoins, dès le début, la transmission d’une identité propre me semblait importante. C’était pour moi un moyen de rester sincère dans ce qu’on voulait être notre démarche artistique. Pomper des concepts nordiques me paraissait complètement hors sol dans notre cas. Entre-temps, beaucoup de groupes ont poussé les potards beaucoup plus loin sur la question de l’identité, si bien que maintenant pour avoir un groupe de Black Metal il faut avoir un “concept”. Je ne vais pas me faire le détracteur de ça, j’en suis assez friand. PAYDRETZ qui propose un Black Metal exclusivement sur les insurrections vendéennes, ASCETE qui fait sur le Périgord, bref, une bonne partie des signatures du label Antiq, je suis plutôt client de ce genre de choses.
Cependant, dans notre cas, on n’a pas vraiment l’envie de se coller une thématique de groupe. Les gens ont tendance à dire qu’on fait du Black Metal tiré de l’histoire, ce qui me fait un peu tiquer. Certes, j’ai une passion pour deux choses que je ne cache pas : le fait religieux et la politique. C’est assez normal de voir ces deux notions dans nos textes. Pour autant, je n’ai pas l’envie de proposer ça comme étant un “thème du groupe” figé dans le marbre. Je suis dirigé uniquement par ce qui m’anime au moment de l’écriture.

3/ Vous donnez également très tôt de l’importance à la forme, en adoptant une approche poétique de vos paroles. Ainsi, en plus du soin apporté aux rimes, « L’Arbre Blanc » par exemple, est rédigé en dizains avec césure à l’hémistiche. Qu’est-ce qui vous a lancé dans ce type d’écriture ?

Sinaï : C’est une idée de Aharon.

Aharon : Et c’était une idée à la con d’ailleurs. Sans doute par snobisme, je m’obligeais à écrire en alexandrins. Ça a été le cas sur le premier EP, le premier album et le split. Alors c’est sans doute très joli sur le papier, mais sur un morceau ça ne se prête pas forcément à la musicalité du riff. Ce n’est pas trop gênant de faire ça sur du Black Metal un peu classique, où le chant peut se poser un peu comme il veut sur un riff qui se répète, genre du true ou du Black ambiant. Mais nous, avec les morceaux qui ont des synchros, des ruptures, du contrepoint, c’est essentiel d’avoir le chant qui colle à une rythmique précise pour faire péter des moments particuliers, et au contraire être en retrait pour laisser la guitare dans un certain moment. Maintenant j’écris les morceaux avec la musique dans les oreilles et des idées de placement précis en tête. Je me dis par exemple : “ce passage, il faut 4 syllabes ici, 2 mesures rien, puis 3 syllabes”, et je teste plusieurs choses jusqu’à être satisfait du résultat.

4/ L'Arche d'alliance, « Aron ha'Edout » en hébreu, est le coffre qui, selon la Bible, contient les Tables de la Loi données à Moïse sur le mont « Sinaï ». Pour Aharon, je pense encore à « Aaron », en hébreu « Aharone », frère de Moïse. Tient-on là l’une des origines de vos noms de scène ? Si non, d’où proviennent-ils ?

Sinaï : Aharon avait choisi son surnom quand on a commencé le groupe. Je devais/voulais en trouver un qui ne soit pas lié aux démons (ce qui était plutôt une norme à l’époque). Je l’ai trouvé en écoutant une chanson de BEHEMOTH (« The Satanist »). Il fait référence à un lieu réel, lié à l’ancien testament et à la Justice. Des choses que j’affectionne.

Aharon : On n’a pas connu la période du début du Black Metal en France où il fallait avoir un pseudo ridicule pour être dans la scène. Néanmoins, ça fait partie du folklore.

5/ Au fil de vos sorties, votre Black Metal a été successivement qualifiée de Pagan, médiéval/néo-classique, symphonique, grandiloquent et épique, puis dramatique et cinématique récemment ; avec le côté mélodique en fil conducteur. Dans tous les cas, les chroniqueurs s’accordent pour reconnaître que votre son est propre, professionnel, bien produit. Et mis à part une personne qui a cru à tort que vous aviez pompé UADA et une autre qui a commenté « plus commun et aseptisé tu meurs » à propos de « Souviens-toi, Karbala », je n’ai rien lu de négatif sur votre son. N’êtes-vous pas plus challengés que ça au niveau musical (je ne parle pas des détracteurs « politiques ») ?

Sinaï : Notre son a évolué avec nos moyens, notre technique, nos connaissances et notre expérience. J’ai composé un morceau qui ressemble à celui de UADA. Ils ne m’ont pas pompé et je ne les ai pas pompés. D’ailleurs j’aurais directement pompé MGŁA si je voulais bien faire.
Les gens ont leur avis sur notre musique, ça ne m’intéresse plus. Je ne suis pas challengé mais j’aime découvrir de nouvelles choses et j'essaie de le faire bien pour ne pas avoir de regret une fois le projet abouti.
Et pour les détracteurs politiques, j’en ai encore moins à faire.

6/ Des références à THULCANDRA, DISSECTION et MISANTHROPE ont été utilisées pour décrire votre musique. Qu’en pensez-vous ?

Sinaï : Aucune. Mais il y a un quelques mélodies qui peuvent laisser penser à une inspiration de DISSECTION je pense

7/ On lit parmi les chroniques que GRIFFON peut plaire à des personnes qui n’écoutent pas de Black Metal. D’ailleurs, Sinaï écrivait après la sortie de « Ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς » : « Artistiquement parlant je dirais que nous faisons du Metal extrême mélodique avec de grosses inspirations Black Metal ». Mais dans des interviews du début d’année, Aharon revendique quand même l’appellation Black Metal, et Sinaï revient sur le sujet en affirmant « On fait donc du Black Métal de plus en plus orienté Black Métal mélodique avec des influences classiques ». Dans tous les cas, votre concept est loin du Black sataniste originel. Est-ce que cela a néanmoins une importance pour vous de définir votre style ?

Sinaï : Nous ne sommes pas, que ce soit musicalement ou dans les paroles, liés au Black Metal satanique. C’est pour ça que je le précise. C’est un autre genre avec d’autres codes, que j’apprécie et respecte beaucoup.
La plus grosse influence reste tout de même le milieu Black Metal au sens large. Le tempo, le type de superposition des guitares, le type de chant et les thèmes, etc.
Ça ne m’intéresse plus de me définir dans un style.

8/ Tedd Luger du groupe WYRMS a confectionné la pochette et/ou réalisé la mise en page d’« Har HaKarmel », d’« Atra Music » (le split avec DARKENHÖLD), de « Ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς » ainsi que de la collaboration avec son groupe WYRMS intitulée « Les plaies du Trône », chanson qu’il a composée avec vous. Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’est-ce qui vous a amené à un tel « partenariat » ?

Sinaï : Tedd est un ami avec qui on a joué et collaboré. Je ne sais plus comment est venu le fait de faire un morceau ensemble mais c’est venu simplement.

Aharon : Personnellement je suis un grand fan de WYRMS.

Sinaï : C’est un bon musicien, un très bon compositeur et un très bon graphiste. C’était un plaisir et le morceau est plutôt réussi même si ce n’est pas un “banger” comme on dit.

9/ Votre logo évolue régulièrement. Celui de Karine Galbas avec des ailes aux lettres « f » orne « Wig Ah Wag ». En septembre 2015, juste avant l’annonce de l’album, vous dévoiliez celui avec un grand « G » et un grand « N ». Clara Coolen réalise le logo qui fait plus capitale d’imprimerie, avec la jambe oblique du R qui remonte dans sa boucle ; il sera utilisé pour les 2ème et 3ème albums. Enfin, on a découvert à l’occasion du concert des 10 ans, celui avec des lettres ondulées ; peut-être sera-t-il conservé pour votre prochaine sortie. Ce n’est pas courant de changer aussi souvent, qu’est-ce qui a guidé ces choix ?

Sinaï : Le logo a évolué pour coller au visuel et thèmes du groupe. On est resté sur le dernier logo en lettres capitales car il représente bien ce qu’on fait dernièrement et notre visuel est stable maintenant. Les lettres ondulées sont utilisées seulement pour l'événement pour coller avec l’artwork.

Aharon : Oui, la police ondulée utilisée était faite pour être raccord avec le dessin fait par David Thierrée. Malgré tout, le Tyrant Fest a insisté pour utiliser cette police pour la programmation de GRIFFON. Peut-être qu’il faut qu’on en tire des conséquences ? Dans tous les cas, ça n’a pas été débattu. Le logo actuel reste celui des deux derniers albums.

10/ Un court métrage nommé « Wig Ah Wag » a été tourné pour participer au Nikon Film Festival qui proposait cette année de tourner un film de 2 minutes 20 sur le thème du feu. On y trouve la musique de GRIFFON en bande sonore. L’avez-vous visionné et si oui, qu’en pensez-vous ?

Sinaï : Je l’ai visionné, j’ai trouvé ça sympa. C’est vrai qu'entendre le morceau dans ce contexte est particulier. On va dire que ça m’a fait sourire parce que ça me rappelait moi quand j’écoutais l’EP dans la voiture quand on venait de le sortir.

Aharon : On ne connaissait pas la personne qui a réalisé le film. Il nous a très gentiment contactés pour nous demander d’utiliser le morceau. Ça ne nous a pas du tout dérangés.

11/ En 2017, vous proposiez un patch dorsal « Liliis Justitia Lapidibus Fama ». C’est la devise de votre ville de Vincennes, qui peut se traduire par : « La justice par les lis, la renommée par les pierres ». La même année, vous écriviez à propos de vos « frères chouans » de MÖHRKVLTH. La fleur de lys est le symbole de la monarchie française et les chouans étaient des contre-révolutionnaires. En 2019, vous « récidiviez » (;-)) en éditant un t-shirt « Le Lys tombé flottant au Vent ». Mais vous présentez cette année votre nouveau disque comme « Une ode à la République », vous postez « Long live the republic ! » et vous adressez à votre illustrateur Adam Burke vos plus sincères « salutations républicaines ».
Je pense que vous jouez un rôle en fonction de la thématique de vos sorties mais n’avez-vous pas peur de perdre vos auditeurs sur ce positionnement changeant, surtout si vous pensez en fait que le bon régime n’existe pas ?


Sinaï : On parle de différents thèmes, je ne pense pas que des auditeurs nous écoutent parce qu'on est plutôt pro monarchie ou pro république. Actuellement on joue sur la communication liée à la république puisque c’est le thème du dernier album.
Si le bon régime existait, tout serait simple effectivement. Je trouve ça bien de parler de ces différents régimes sans les caricaturer et en les illustrant avec des évènements marquants.

Aharon : Le point central des sujets abordés par le groupe se concentre sur la manière dont le pouvoir s'organise au sein de l'humanité. Je préfère envisager les choses dans une perspective de temps long. Cela permet de mieux apprécier les dynamiques en jeu et de constater que les “révolutions” et les évènements historiques n’influent en réalité qu’en marge. Depuis Philippe le Bel, le royaume de France s‘était peu à peu émancipé de la papauté et l'État s'est réformé sous les Capétiens en s'inspirant du droit romain, ouvrant la voie à l'avènement de la République.
En revanche, j’ai un malin plaisir à perdre les petits malins qui voudraient faire émerger un propos politique dans mes paroles, et Dieu sait qu’il y en a eu. Je me félicite de les voir galérer dans leur entreprise. Pour répondre à ta question, je n’ai pas peur de perdre les auditeurs.

12/ Quelques mots sur le « De Republica » de Cicéron et celui de Jean Bodin en guise de présentation de votre récente livraison ?

Aharon : Cicéron et Bodin chacun à son époque œuvrent à mettre en place un domaine public, c'est-à-dire à faire échapper le pouvoir individuel personnel pour créer un État de droit et un droit public. C’est le fondement même des thématiques de l’album. L’avidité humaine du dirigeant, le gouvernant, qui nuit à la bonne opération de la chose publique, l’État.

13/ Bien que « De Republica » ne soit pas un album idéologique, vous dites ne pas être neutres. Cela me fait me demander s’il est nécessaire de partager les mêmes opinions politiques au sein de GRIFFON pour être alignés sur l’approche ?

Aharon : Non clairement pas, et ce n’est effectivement pas le cas. Mais nous avons des nombreux points de convergences qui nous permettent de discuter en bonne intelligence. D’ailleurs, nous avons la particularité de fréquenter tous deux des gens venant de tous les horizons.

Sinaï : Je dis pour ma part, ne pas être neutre. Parce que rien que d'aborder des thèmes sans tomber dans les clichés, ça induit déjà une manière de penser.
Je ne pense pas qu’on ait tous les mêmes opinions politiques dans le groupe. Mais je ne trouve pas que les thèmes sont clivants et induisent des conflits. Il n’y a pas de prise de risque et il y a un recul assez important pour rester assez neutre et réfléchi. L’important c’est d’illustrer des événements par les mots, le visuel et la musique. Tout ça pour faire quelque chose de beau qui a un minimum de sens.

14/ Le Black Metal glorifie traditionnellement la guerre. Je prendrais pour exemple MARDUK ou bien encore NARGAROTH avec son fameux « Black Metal ist Krieg » (« Le Black Metal c’est la guerre » en allemand). Vous prenez tout un mouvement à contre-pied en vous affranchissant de ces codes et en mettant à l’honneur Jean Jaurès et son engagement pour le pacifisme. Est-ce que cela vous a valu des reproches de « trve » Black métalleux ?

Sinaï : Je crois qu’il y a une différence entre glorifier la confrontation, une forme de violence, un état émotionnel, la puissance ; et à la guerre en tant que telle. Personne n’aimerait être en guerre, mais d’après moi, les gens aimeraient se battre : pour montrer leur puissance, pour se libérer, pour défendre des valeurs etc. Je ne pense pas qu’on soit à contre-pied de ces groupes vu qu’on n'utilise pas les mêmes codes. C’est juste différent. Si on utilisait les mêmes codes avec le thème opposé, ça pourrait l’être.
On parle d’un événement particulier qui a causé des millions de morts. Je ne connais personne qui glorifie cette guerre, qui n'a rien apporté. Glorifier le courage et les valeurs, oui, mais l’évènement en soi, non.
Jean Jaurès est un personnage politique courageux qui est validé par l’ensemble de la nation, tout bord politique confondu. Donc je trouve que l’approche de ces thèmes-là n'est pas clivante du tout.
Je n’ai reçu aucun reproche vis-à-vis du thème et de Jean Jaurès. Les quelques reproches sont liés au Socialisme mais c’est surtout parce qu’ils ont vu le mot sans essayer de comprendre ce que ça signifiait à cette période.

Aharon : Concernant les retours, je pensais effectivement qu’on se prendrait plus de critiques venant de communautés de puristes que tu cites. Mais l’album est vraiment bien accueilli et je n’ai pas vraiment reçu ou vu des messages de critiques comme on pouvait être témoin avant. Il faut dire que le milieu a bien changé du fait d’internet et l’explosion démographique de tous les projets. Désormais, la musique est tellement sectorisée que le public n’écoute plus qu’exclusivement que les groupes qui les intéresse en ignorant complètement ce qui ne lui parle pas. Il n’y a plus besoin pas d’aller chier sur les plates-bandes des autres pour se sentir exister. C’est en soi un peu plus sain que quand on a commencé dans cette scène où tout le monde se regardait en chiens de faïence. Même les concerts, il y a maintenant des sous-scènes dans la scène, ce qui fait que finalement plus personne ne se croise et n’a à subir la musique qui ne lui parle pas. Ça calme pas mal les ardeurs.

15/ Pour un de vos t-shirts réalisés par M-C Illustration, on voit Notre-Dame surplombée par la tête de Jean Jaurès. Cela m’a paru surprenant quand le député socialiste est connu pour son anticléricalisme contre le pouvoir politique et social de l'Église (même s’il respectait la foi personnelle). Je comprends que cela puisse être considéré comme deux symboles de la France et que ce sont des références évidentes à votre dernier album mais est-ce que cette association n’est quand même pas un peu « curieuse » ?

Sinaï : Je trouve cette illustration réussie pour cela. Associer des symboles qui s’accordent et s’opposent, tout en rappelant les différents thèmes de l’album.

Aharon : Pour ma part, je ne trouve pas que Jean Jaurès soit vraiment opposé à Notre-Dame (Religion). Je crois plutôt que cet anticléricalisme lié à la loi de 1905 est à la fois bénéfique pour le peuple et pour les croyants, et donc pour les religions. Et quand bien même ce serait antinomique, ce que je ne pense pas, ça représente deux aspects qui illustrent ce qui nous semble important dans notre musique. Si ça peut en froisser certains, ça les regarde. On ne fait pas de musique pour plaire.

16/ La 3ème piste de « De Republica » se nomme « À l’insurrection ». SETH vient de sortir également un nouvel album, qui prend la Révolution française comme décor, et un de ses titres est intitulé « Insurrection ». C’est une sacrée similitude ; est-ce l’époque qui veut ça ?

Sinaï : Je n’ai pas écouté et je ne sais pas vraiment comment ils abordent ces thèmes-là (NdlR : voir l’interview pour les intéressés). Mais j’imagine que ce vocabulaire est commun quand on cherche à parler de cette période. C’est une “sacrée” similitude comme tu dis.

Aharon : Bien que les thématiques ne soient pas non plus les mêmes, je pense que ça dit quand même quelque chose sur l’ambiance du moment. On ne s’est pas consulté avec SETH, si c’est la question.

17/ La 2ème chanson de votre nouvel album est intitulée « The Ides of March ». Les « ides de mars » correspondent au 15 mars dans le calendrier romain et c’était un jour festif dédié au dieu Mars. Il se trouve par ailleurs que Jules César fut assassiné aux ides de mars (de l’année - 44), raison pour laquelle vous avez choisi ce titre étroitement lié au concept de « De Republica ». Car au lieu de restaurer la République, le meurtre de Jules César a accéléré la fin de ce système et a finalement instauré l'Empire avec Auguste. IRON MAIDEN a également un morceau appelé « The Ides of March ». C’est un instrumental donc il n’est a priori pas évident de savoir s’il fait référence à la fête ou à l’événement historique, bien que l’on puisse pencher pour l’assassinat comme il figure sur l’album « Killers ». Aviez-vous cela en tête quand vous avez écrit votre « The Ides of March » (clin d'œil ou hasard) ?

Aharon : Pas du tout. J’ai découvert le morceau d’IRON MAIDEN après figure-toi. Ce n’est pas si étonnant vu la thématique, j’aurai même pensé que ce titre serait plus utilisé. Je valide par ailleurs toutes les références historiques que tu as pu mentionner.

18/ Witart, Macabre et Dino ont successivement tenu la basse pour vos enregistrements, avant que Sinaï ne s’en charge pour « De Republica ». Si c’est un choix, qu’est-ce qui fait qu’il préfère s’en occuper directement ?

Sinaï : Des problèmes internes. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Aharon : Ouais. GRIFFON reste un projet que nous avons à deux avec Sinaï. Plus on ajoute d’équations dans la balance et fatalement plus de complexité s’ajoute. Nous sommes bien actuellement avec cette configuration.

19/ Bravo pour le montage du clip « L'homme du Tarn ». Il fait défiler des articles de presse et des tournages de soldats sur le front en 1914. Ses 20 dernières secondes montrent cependant des images de guerres bien plus récentes que la Première Guerre mondiale. Est-ce pour signifier que « rien n’a changé » depuis Jaurès ?

Sinaï : Les choses ont changé mais il y aura toujours des conflits qui desservent les peuples et qui sont orchestrés par des gens peu scrupuleux, idéologie, etc. Des conflits dispensables.
L’humanité change, mais on peut voir des similitudes entre les événements d’aujourd’hui et ceux d’hier. Ce n’est pas pour autant que c’est la même chose et que rien n’a changé. Après, on n’est pas des experts en géopolitique mais c’est sans grande prise de risque qu’on peut affirmer cela.

Aharon : C’est moi qui m’en suis occupé. Je n’avais jamais fait ça et ça peut se voir par moment, mais je reste assez fier du rendu final. Disons que je me suis permis ce petit clin d’œil léger à la fin. Il faut savoir pourtant qu’à la base du morceau ce n’était pas pensé ainsi, mais je suis content du résultat.

20/ Deux mois après sa sortie sous format CD digipack, « De Republica » a dû être réimprimé, la première édition étant complètement épuisée. Cette nouvelle version est annoncée comme étant accompagnée de quelques changements et améliorations. Quels sont-ils ?

Sinaï : Des corrections au niveau du livret et de la pochette ont été faites, nous avons fait quelques erreurs et c’est corrigé.
Et oui nous avons bien vendu.

Aharon : Suffisamment pour pouvoir produire un nouvel album sans trop de souci. Sauf que bon…

21/ Aharon confiait à la fin du concert des 10 ans que « De Republica » ne marche pas trop mal ; quelle est l’ampleur du succès ?

Sinaï : complet et très réussi.

Aharon : Disons qu’à notre niveau, qui est donc celui d’un groupe amateur, l’album marche au-delà de ce qu’on pouvait imaginer. C’est vraiment très satisfaisant.

22/ En première partie de carrière, cela vous arrivait de clôturer vos sets par la reprise d’un groupe de Black Metal « classique », comme BEHEMOTH ou WATAIN. Peut-on s’attendre à vous voir réitérer cette vieille pratique ?

Sinaï : Tu as bien travaillé pour te rappeler de la reprise de BEHEMOTH. Nous avons assez de morceaux pour faire des sets complets, donc je pense que ça ne va pas se réitérer.

Aharon : Surtout qu’on ne tire pas vraiment de satisfaction de jouer un morceau qui n’est pas à nous au final. Quand bien même le morceau est bien interprété, on s’approprie d’une certaine manière la pâte de quelqu’un d’autre. Si ce n’est qu’à titre d’hommage, je ne vois pas vraiment l’intérêt de reproduire l’exercice pour nous.

23/ On a pu découvrir sur les réseaux sociaux une version au violon de « Régicide » et une autre au piano à 4 mains de « L'homme du Tarn ». Le rendu est magnifique et comme vous utilisez de nombreux samples de musique classique, est-ce que vous pourriez envisager d’avoir certains de ces instruments sur scène pour renforcer l’immersion ?

Sinaï : Non, les orchestrations sont par touche et par des instruments différents. Donc ce serait compliqué d'incorporer un violon qui jouerait 30 secondes par morceaux. Ça serait beaucoup de travail pour un rendu similaire.

Aharon : On préfère ne se réduire à aucune contrainte avec les VST (NdlR : Virtual Studio Technology, c’est-à-dire des plugins utilisés en production musicale pour ajouter des instruments) qui nous permettent plus de marge de manœuvre. Et ça réduit surtout nos coûts.

24/ Vous disposez d’un Ingé son depuis votre concert de cette année à Nantes ; qu’est-ce que cela a changé ?

Aharon : Nous travaillons effectivement avec un gars super depuis quelques mois.

Sinaï : Ça nous permet d’avoir un son de meilleure qualité et de le définir au préalable.

Aharon : On l’a ajouté dans nos échanges et au final, il est devenu un membre à part entière de notre crew live.

25/ Vous venez de vous représenter le 18 août au Motocultor, le 5 octobre au Night Fest Metal XIV (à Arlon, en Belgique) et le 20 octobre au Tyrant Fest. Il semble que vous auriez aussi pour projet de monter des plateaux. Peut-on en savoir plus ? Est-ce que cela sera via la structure Ondes Noires (qui semble moins active) ?

Aharon : Ondes Noires n’existe plus officiellement. L’association a été dissoute par mes collègues lillois. Nous avons remonté avec Sinaï une structure associative pour produire GRIFFON. Il y a quelques petits plateaux en préparation effectivement. Ça devrait s’annoncer tantôt.

26/ Va-t-on revoir Aharon jouer des percussions en live ? Ou pour un prochain enregistrement ?

Sinaï : Ça m’étonnerait.

Aharon : Idem. Ça collait à certains morceaux des premiers albums, mais on ne pense plus la scène de la même manière.

27/ Vous sortez vos albums tous les 4 ans (2016/2020/2024) ; doit-on attendre le prochain pour 2028 ? Apparemment il serait moins dramatique, plus mélodique, un peu plus baroque et avec peut-être plus de piano et de clavecin. Si cela est confirmé, peut-on s’attendre à un retour vers l’ambiance d’« Atra Musica » ?

Aharon : Je préfère en parler de suite et ne pas trop faire de cachoteries. Il n’y aura très probablement pas de suite à « De Republica ». Ceci marque, par conséquent, la fin annoncée de GRIFFON. C'est bien sûr une décision difficile à prendre pour nous, le projet nous ayant occupés pendant ces dix dernières années.

Nous avons atteint un point où nous avons fait le tour de ce que nous voulions accomplir et nous n’avons plus d’envie créative avec ce projet. Peut-être allez-vous être déçus par cette annonce. Mais c’est sans doute une bonne chose. Si nous avions eu par exemple une dépendance économique aux groupes ou une contrainte autre nous forçant à continuer malgré tout, nous aurions pu sortir des albums fades, le tout sans passion ni motivation. Pensez à tous les groupes qui vous déçoivent au fil des années.

L’album « De Republica » a été vraiment bien reçu comme on le mentionnait plus haut. Pour autant, je n’ai pas envie de surfer sur une quelconque hype pour espérer faire grossir la popularité du groupe. Ce n’est pas ce qui me motive dans la musique. Je suis reconnaissant pour toutes les expériences et les souvenirs que nous avons partagés en tant que groupe, et je suis fier de tout ce que nous avons accompli ensemble avec Sinaï.

Néanmoins, nous continuerons à honorer nos engagements de concert, notamment parce que des gens veulent nous voir. Si nous considérons le projet GRIFFON comme étant fini, ce n’est pas pour autant que nous ne défendrons pas ce que nous avons créé jusque-là, dont nous sommes très fiers. Nous étudierons et serons toujours autant déterminés à jouer nos morceaux en concert. Cependant, il faut être lucide. Après avoir fait plusieurs dates, si le projet ne produit plus de musique, il sera voué à s’éteindre progressivement.

28/ On vous laisse conclure, n’hésitez pas à en profiter pour nous parler de l’actualité de vos autres groupes (à ce propos, bravo pour le concert d’A/ORATOS du 27 juin à Paris).

Sinaï : Merci pour ces questions. Bonne soirée.

Aharon : Pareil ! Merci pour tes questions et ton intérêt (et encore désolé pour le très long délai de réponse de ma part !!!)

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