Progressivement et sans faire de bruit outre-mesure GRIFFON est en train de devenir un nom qui compte au sein de la scène parisienne comme nationale, tant son Black Metal teinté d’histoire et de politique se révèle gagner en goût comme en plaisir avec le temps qui passe. Si on a pu voir cela avec le très bon
« ὸ θεός ὸ βασιλεύς (O Theos, O Basileus) » aux accents gréco-romains on peut légitimement penser que cela sera également le cas pour « De Republica », qui en six morceaux raconte des évènements importants qui ont fait la république telle qu’on la connaît aujourd’hui... entre insurrections, figures historiques et changements constitutionnels. Pour le reste rien de neuf musicalement et c’est tant mieux vu que l'animal fabuleux n’a jamais semblé aussi en forme et inspiré qu’il ne l’est aujourd’hui, tant ce troisième opus est clairement le meilleur jamais sorti par ses soins. Et s’il manque toujours encore un petit truc pour en faire un disque indispensable il faut clairement souligner la progression régulière de ses créateurs, qui à chaque publication voient l’écriture être plus affûtée et l’attractivité plus immédiate et constante, et on va être directement embarqué dès les premières notes de « L’homme du Tarn » (surnom donné à Jean Jaurès) absolument redoutable.
Car outre qu'il soit le morceau le plus long de cette galette le combo va proposer quelque chose de très ambitieux en multipliant les cassures, arrangements et atmosphères douces... même si dans un premier temps il va rester sur un terrain bien balisé où blasts et rapidité dévastatrice vont être mis sur le devant de la scène. Pourtant après cela on va voir l’apparition de claviers étonnants de prime abord mais finalement totalement raccord, vu que l’ensemble va se calmer avec ce chant clair anti-guerre et ces arpèges doux et froids où la voix se fait chuchotée et parlée en reprenant un discours du fondateur du journal "L’humanité". Plein d’espoir malgré l’imminence du premier conflit mondial, dense et surprenant à la fois ce titre étonnant de prime abord se révèle à la fois classique et original et surtout jamais bourratif malgré sa multitude d’influences et de couches musicales, preuve que ses créateurs arrivent à être fluides et qu’ils ont clairement gagné en expérience. Il est facile en effet de tomber dans l’indigeste quand on multiplie les rythmes et plans électriques, acoustiques et symphoniques... et pourtant ici comme avec les compositions qui vont suivre, cela n’arrive jamais et heureusement car il aurait été dommage que cet ambitieux projet soit plombé par du superflu. Si l’histoire de France va être mise majoritairement à l’honneur il y’aura aussi un passage par Rome pour « The Ides Of March » qui nous narre l’assassinat de Jules César en 44 avant Jésus-Christ et la fin de la République romaine en Europe, évènement qui marquera ainsi la fin de quinze siècles de monarchie. A la fois mélodique et violente dans son exécution cette plage joue là encore la carte émotionnelle en sortant tout l’attirail de violence et mélancolie, mais cette fois via une écriture plus directe et rentre-dedans... ce qui ne va pas empêcher d’avoir droit aux arpèges apaisants et en reverb’ dans le néant, ainsi qu’à l’alternance entre brutalité et plans plus lourds bien énervés... pour un résultat impeccable où le grand-écart est roi.
Et après ce détour vers l’antiquité on va faire un bond vers les 27, 28 et 29 juillet 1830 appelés les "Trois Glorieuses" qui furent particulièrement sanglantes, et musicalement cela se ressent vu que la brutalité y est plus intense et se greffe parfaitement à des surprenantes ambiances d’orchestre symphonique dignes d’un blockbuster où le recueillement est aussi de mise. Etonnant au départ avec ces instruments classiques on est emporté par toutes les émotions où l’on sent le souffle révolutionnaire qui eut lieu durant ces trois journées mais aussi le côté mortifère et répressif qui en a suivi, et qui ainsi collent bien aux accents électriques et débridés et dont la suite (« A l’insurrection) va reprendre ces mêmes éléments. Car finalement la thématique et la construction vont être assez semblables, il faut dire que là c’est la Commune de Paris en 1871 qui est évoquée avec toute la panoplie déjà entendue jusqu’à présent entre la virulence directe de l’entité et l’aide d’un grand orchestre pour ajouter à la dimension dramatique... tout ça avec l’apport d’un redoutable solo mélodique, comme pour dire que la partie est terminée et qu’on compte les morts des deux côtés. D’ailleurs pour continuer sur ce ressenti « La loi de la nation » va arriver sur les chapeaux de roues avec sa rétorique consacrée à la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’Etat, où une longue introduction glaciale aux arpèges jouant dans le vide retentit pour mettre en condition avant l’arrivée de plans très bridés qui ne s’excitent au maximum que vers le mid-tempo. En effet nulle trace d’explosions de rapidité ne se font entendre vu que rythmiquement ça va miser sur une technique renforcée et aucune accélération endiablée, créant ainsi une plage à part du fait de son absence de rage débridée mais qui reste en total raccord avec le reste. D’ailleurs ça sera également le cas pour « De Republica » qui clôt les hostilités et qui offre un condensé de tout ce qui a été proposé jusque-là avec la même intensité aussi bien virulente que grandiloquente, où la variété est présente, permettant ainsi de terminer dignement les débats après trente-sept minutes menées de haute lutte et dont on ressort avec satisfaction.
S’il est évident que malgré cette durée assez courte il va falloir du temps et de la patience pour bien assimiler chaque note et détails présents ici, pour le reste on ne va pas faire la fine bouche et apprécier totalement le résultat à la hauteur des espérances et ce malgré certaines réticences légitimes à l’annonce du projet. S’il fait preuve de technicité mais sans jamais trop en faire et se montre à cheval entre classicisme et originalité, ce long-format dévoile un groupe en pleine confiance et qui se donne les moyens de ses ambitions en continuant son petit bonhomme de chemin au sein de la scène hexagonale, où il se place dans une position différente des incontournables qui la composent. Du coup même si ça ne sera pas la galette qui marquera l’année il y’a quand même plein d’arguments à découvrir si on prend la peine de se pencher dessus d’une façon attentive, car ça n’est pas en dilettante qu’on l’appréciera à sa juste valeur. Preuve s’il le fallait de la qualité intrinsèque de cette œuvre un peu déroutante de prime abord mais dont le sérieux, le travail et la vaillance font rapidement oublier cela, preuve de la réussite des mecs qui s’imposent un peu plus au sein du pays sans tapage inutile, un signe qui ne trompe pas sur leur authenticité et sincère à une vision intègre de la musique pratiquée ici.
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