Je me déplace très peu en concert, c’est un fait. Mais quand l’affiche me parle réellement, les kilomètres à engloutir ne me dérangent pas. Alors quand a été annoncée la première édition de l’Helvete Underground Festival à Genève, dont l’affiche comportait la triplette Rorcal, Bölzer et surtout Darkspace, la décision ne s’est pas faite attendre. Quelques dizaines d’euros plus loin, j’étais en possession du précieux sésame qui allait enfin me faire accéder à un rêve vieux de plusieurs années : voir le trio cosmonaute sur scène. Leurs manifestations étant très rares (pas plus de trois ou quatres lives par an), c’était une occasion à ne pas louper, surtout après la sortie de leur dernier opus.
Je passerai rapidement sur le voyage en lui-même qui fut un véritable parcours du combattant, l’efficacité de la SNCF n’étant plus à prouver. Après moult péripéties assez coûteuses, tant en temps qu’en argent, c’est passablement maussade que je foule le sol helvète pour la première fois de ma vie. Des banques, des voitures de luxe, le temps de poser le sac à dos et me voilà en route pour la salle de la Gravière. Une petite structure à l’ambiance assez chaleureuse, dotée de deux salles entre lesquelles les groupes jongleront toute la soirée. Les deux « expositions » présentées sont en réalité de taille très modestes, mais les pattes graphiques de Julien Anet et Anaïs Galiana ont participé, même de façon modeste, à l’ambiance générale du festival. Quelques minutes de retard sur le running-order, et les premiers larsens se font déjà entendre.
Et le premier groupe à jouer ce soir est
Eggs of Gomorrh, entité Suisse que je ne connaissais ni en noir, ni en blanc avant de fouler les terres helvètes. Curieux, d’autant qu’ils jouent dans la petite salle ou l’on peut trouver le bar, je reste accoudé en attendant ma pinte, histoire de voir ce que ces gaillards ont à proposer à un parterre assez clairsemé. Veste à patches, masques à gaz, mimiques de guerrier… On pourrait résumer la prestation à cette phrase balancée par mon voisin de comptoir : «Ouais, c’est comme du Revenge mais en nul ». Le son brouillon n’a pas aidé à apprécier la prestation du combo, perdue dans des riffs incompréhensibles et des hurlements hystériques d’un chanteur visiblement très énervé. Pas moyen d’isoler un riff qui soit accrocheur ou une rythmique un peu plus brise-nuque dans ce maelstrom sonore. Rapidement lassé par la prestation, je décide de rejoindre mes collègues à l’extérieur.
Après un petit battement, et un petit tour au stand de merch (globalement bien fourni et à des tarifs plus qu’intéressants une fois la conversion effectuée), c’est au tour de
Schammasch de prendre possession de la salle principale, parfumée à l’encens. Sensible à cette dernière, qui me monte rapidement à la tête, je n’ai pas pu assister à l’intégralité de la prestation du groupe – petite nature, si vous voulez, mais je ne voulais pas prendre le risque de tomber dans les pommes avant de voir la tête d’affiche de la soirée. Concernant la prestation du combo, le groupe est chauffé à blanc et doté d’un son assez excellent, laissant percevoir les riffs très lumineux et les compositions tortueuses du combo. Le tout servi par un jeu de lumière impeccable, là ou d’habitude j’ai tendance à trouver les spots anedotiques. Une excellente impression pour une salle très réceptive, moi qui ne connaissais absolument pas le groupe (seulement leurs artworks, par Metastazis), leur set m’aura donné envie de me pencher sur leurs sorties.
Je n’ai pas assisté à la prestation de
Tardigrada, trop occupé que j’étais à lier connaissance avec les helvètes et les quelques français ayant fait le déplacement pour le festival. Par contre, je me suis rué à l’intérieur de la grande salle pour pouvoir prendre la baffe
Rorcal. Sur disque, le groupe m’avait littéralement écrasé par sa puissance et ses rythmiques, j’étais très curieux de voir ce qu’il en était sur scène. Ambiance à la Celeste, puisque la salle est plongée dans le noir quasi-complet, à peine éclairée par un spot rouge derrière les musiciens et quelques bougies, tout aussi rouges, dans des candélabres du plus bel effet. Le son, extrêmement fort (ceux qui n’avaient pas de bouchons ont vite reculé), a mis un peu de temps à s’ajuster, restant toujours aussi compact : on peinait à entendre les blasts de batterie tant les guitares étaient mises en avant et la distorsion était poussée au maximum. Rorcal alterne parties pachydermiques et passages blastés avec une aisance déconcertante, porté par un hurleur qui s’époumone – et pourtant, il aura fallu tendre l’oreille pour discerner sa voix. N’hésitant pas à entrecouper les titres de parties en larsen complètement bruitistes ou de chants quasi-lyriques samplés, Rorcal est parvenu à instaurer une ambiance mortifère dans la grande salle de le Gravière. Peu de gens osaient bouger tant le combo fut impressionnant, en présence physique comme musicale. Inutile de dire que le bol d’air frais à l’extérieur fut salutaire.
Bölzer reste pour moi un coup de cœur tardif. Le Death Metal « mythologique » du combo et ses riffs imparables a le don de me transcender. J’avais déjà repéré KzR, le chanteur, dans le public à l’extérieur, exhibant sa monomanie des swastikas qui ornent son bras gauche. J’attendais cette prestation avec impatience : curieusement, l’organisation aura choisi de faire jouer le duo dans la petite salle, celle qui possède le son le plus mauvais. Et ça n’a pas coupé. Malgré des ajustements constants, le rouleau-compresseur Bölzer n’aura pas bénéficié d’une puissance de feu acceptable : la batterie était noyée dans le son de la guitare. Qui elle, était tellement forte qu’on ne parvenait que difficilement à reconnaître les riffs du combo. Ajoutez à ça un larsen de micro qui s’invite dès que KzR s’éloignait de lui, et le résultat est sans appel : la salle se vide petit à petit, et le frontman finit par s’énerver. Après avoir été coupé trois fois par des soucis électriques, il balance, du haut de ses deux mètres, un « fuck it » magnifique avant de quitter la scène. Déception, prestation amputée d’un bon quart-d’heure, mais c’est déjà l’heure d’aller faire la queue pour le phénomène de la soirée.
Et on a bien fait de s’y prendre en avance : même une demie-heure avant le début de la prestation de
Darkspace, une dizaine de personnes attendent déjà devant les portes de la grande salle, hermétiquement fermée, curieux et impatient de voir un groupe bien trop rare en concert. Dix minutes avant le début des hostilités, la queue est devenue assez impressionnante : on devine rapidement pour qui les gens ont fait le déplacement. Mes camarades Suisses, plus sociables que moi, m'ont ainsi appris que des polonais avaient fait 20h de car pour assister à l'événement, et repartaient juste après la soirée : belle manifestation de dévotion. Les portes s'ouvrent finalement et le public court littéralement pour essayer d'attraper les meilleures places, devant la scène : étant arrivé en avance, c'est avec bonheur que je me retrouve pile sur les barrières, prêt à en prendre plein les yeux, et à voyager. Après s'être fait à peine attendre, le groupe arrive, les lumières s'éteignent, seul le stroboscope/boule à facette bleue éclaire les trois silhouettes qui se tiennent autour de lui. Et les premières notes de clavier de "Dark 3.14" résonnent, suivies immanquablement par des cris de la foule, et ce frisson, indescriptible, délicieux, parcourt tout mon corps et ne me quittera pas durant tout le concert. Le son, un peu hésitant au début, sera rapidement corrigé par la technique : impensable que la tête d'affiche n'ait pas un son correct. Darkspace concentrera sa set-list uniquement sur le dernier album, qui sera joué en intégralité après le démarrage de "3.14". Un disque que j'ai déjà eu l'occasion d'encenser sur Thrasho, et qui prend une dimension toute particulière en live : le voyage est d'autant plus prenant, d'autant plus fort que les éclairages ont été réglés au millimètre, permettant une immersion complète dans l'univers du trio. Plus rien n'existe en dehors de la salle, à peine sent on les basses nous parcourir le corps. Je me retourne de temps vers le public : certains ferment les yeux, d'autres ont le regard fixe, rivé sur la scène, d'autres ont baissé la tête et serrent les poings. A chacun sa manière de vivre Darkspace. Je me contente de les regarder, deviner Wroth au milieu de la fumée, constater par moi-même l'implacable Zorgh qui ne fléchira jamais une jambe durant toute la durée du set, et Zhaaral qui se balance d'avant en arrière au fur et à mesure qu'il égrène ses arpèges cosmiques. Et un sourire de satisfaction béate mais sincère s'affiche sur mon visage, pour ne plus le quitter. Le concert se termine sur le sample final de "4.20", éclat métallique qui résonne dans toute la salle. Lentement, le trio dépose ses instruments et quitte la scène, non sans avoir adressé un discret salut de la main au public. Public conquis, puisque les réactions et critiques à cette manifestation sont toutes dithyrambiques, dans ce que je peux en entendre et en comprendre.
Fatigué, mais heureux comme jamais d'avoir vu le groupe qui me fait vibrer depuis des années, je passe une courte nuit à l'hôtel, parvenant à peine à réaliser quel magnifique voyage ce fut. L'organisation était impeccable pour une première édition de festival, l'accueil chaleureux, et le fait que les groupes se mélangent au public était très, très appréciable - ce qui m'a d'ailleurs permis d'aller remercier Zorgh pour les albums d'une qualité constante (et toujours exceptionnelle) que Darkspace nous livre. L'Helvete Underground Festival, première édition couronnée de succès, donc (le Samedi était sold-out), à qui je souhaite une longue vie et d'aussi belles affiches à l'avenir. Programmez Darkspace à chaque fois, et soyez certains que vous me compterez dans vos rangs !
Setlist :
- Dark 3.14
- Dark 4.18
- Dark 4.19
- Dark 4.20
Les photos de ce live-report ont toutes été prises par Alejandro Santos. Elles sont visibles, parmi de nombreuses autres, à l'adresse suivante : http://imgur.com/a/AIe6D
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