Au théâtre ce soir... Non, ce n’est pas le retour de l’émission télévisée que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, mais le programme d’un festival de Black Metal,
IN THEATRUM DENONIUM, dont c’était la quatrième édition en ce 2 mars 2019. La singularité de ce festival réside principalement dans son cadre unique, le magnifique théâtre de la ville, seul bâtiment d’inspiration vénitienne au nord de Paris, réputé pour la qualité de son acoustique. Il m’était enfin possible cette année de me rendre à Denain, de surcroît avec une affiche qui avait de quoi me satisfaire, pour un prix plus qu’abordable. Le festival était sold-out depuis plusieurs semaines déjà, prouvant l’engouement du public local et même parfois bien au-delà. Il fallut donc patienter un peu pour pénétrer dans la majestueuse enceinte, d’autant que les nombreux bénévoles sont avenants et n’hésitent pas à échanger quelques mots avec le public à son arrivée. Une fois à l’intérieur, la circulation est un peu difficile, escaliers, couloirs et recoins où sont installés stands de merchandising et les points bars/restaurations (bonne bière artisanale provenant d’une brasserie locale à 2,5 € le demi). Toute sortie étant définitive - à l’exception d’un fumoir improvisé avec des barrières sur le trottoir - tout le monde s’entasse comme il le peut à l’intérieur entre les sets. C’est un petit peu pénible mais tout à fait gérable sur une seule journée. Une trvebola était organisée en fin de soirée avec, à la clef, trois lots dont le premier consistait en une guitare. Il se murmure que personne n'a réclamé le troisième lot consistant en un CD d'AU CHAMP DES MORTS...
C’est avec une dizaine de minutes de retard qu’a commencé le set du seul groupe français de la journée,
AU CHAMP DES MORTS. Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je n’ai pas aimé du tout. Entre un front-man tentant de capitaliser sur son passé de membre d’ANEXORIA NERVOSA mais qui aurait dû se contenter de conserver une place de gratteux tant son chant laisse à désirer, un batteur poseur qui ne quitte pas ses lunettes de soleil et essaie de capter toute l’attention, une bassiste au jeu pauvre et scolaire et à la voix mal ajustée et un guitariste qui s’échine désespérément dans l’indifférence générale, on n’est pas loin du camouflet. Mais non, Stéphane Bayle en rajoute des caisses avec des interventions frôlant le ridicule, la voix brisée par des sanglots de pacotille aussi sincères que des larmes de crocodile. Une expression de la douleur factice qui ne trompera pas grand monde à entendre les commentaires autour de moi et qui souffrira encore plus de la comparaison a posteriori, par ce qu’en matière d’incarnation de la souffrance, le maître incontesté, Colin Van Eeckhout, traîne dans les parages. Une prestation sauvée du naufrage par la qualité du son et des quelques fulgurances de certaines compositions qui m’avaient malgré tout séduite sur piste. Même la cover d’IMMORTAL,
Blashyrkh, peinera à faire sensation…
Denain avait l’insigne honneur d’accueillir
DARKSPACE pour la première date de sa première tournée nommée Expanding the Void. S’il y a bien un groupe que l’on a envie de voir dans ces conditions optimales, c’est DARKSPACE. Mise en scène sobre, à la limite de la rigidité, show-light sublime (ah ! ces rayons centrifuges partant du dos de Zorgh placée au centre de la scène) et ce son, ce son !!! Au départ, un poil faible (j’enlève même mes bouchons durant le premier titre) puis gagnant rapidement en volume et en intensité, l’excellent son du théâtre restitue avec rigueur l’atmosphère cosmique de l’œuvre magistrale des Suisses. Délicieuses plongées ambient, avalanches de riffs martiaux d’une redoutable efficacité, vocalises assurées avec brio mais sans crânerie, tous les ingrédients étaient réunis pour une heure de plaisir intense, jusqu’à se sentir happé, enveloppé, absorbé par la musique unique de DARKSPACE où comment avoir la sensation de se retrouver au sommet d’une montagne par une sombre nuit d’orage. Il m’a été difficile de quitter Zorgh des yeux, même si croiser son regard totalement noir (elle porte des lentilles couvrant intégralement l’œil) est assez intimidant : son excellent jeu au doigt sur un magnifique instrument arachnéen, cette tension palpable, et de temps en temps, ses lents mouvements chaloupés du corps à la limite du sensuel : je serais un homme… pfiou ! Jusqu’à présent, voir le trio suisse restait un évènement. Aujourd’hui, le groupe semble prendre goût à la scène et se fait moins rare sur les planches pour notre plus grande joie. Il n’en demeure pas moins que chaque prestation produit son petit effet, celle-ci n’a pas dérogé à la règle. Vivement samedi prochain pour une heure et demie de set dans le cadre du festival A THOUSAND LOST CIVILIZATIONS.
Setlist :
. 1.2
. 3.12
. 3.15
. 3.16
. 4.20
Exit la sobriété et les étoiles, place au soufre et au sang à profusion avec les Allemands de
DARKENED NOCTURN SLAUGHTERCULT, emmenés par l'indétrônable Onielar. Crânes d'animaux, pentagramme géant, crucifix inversé, cuir et clous, lumière rouge sang, on rentre dans le vif, dans le dur, dans le sale, mais avec quelle satisfaction ! Horrn, le batteur, est caché derrière une muraille de fûts et de cymbales jusqu’à par-dessus la tête qu’il malmène sans discontinuer, Velnias (guitare) et Adversarius (basse), ses acolytes, font montre d’une belle maîtrise, mais pourtant tout le monde n’a d’yeux (non, non, pas Dieu, surtout pas !) que pour Onielar, ce petit bout de femme, qu’il ne me viendrait pas à l’esprit d’aller emmerder, car cette femelle, c'est le Mal incarné. Le show est parfaitement rôdé, sans tomber dans l’ennuyeux, la setlist sans surprise avec des incontournables comme ce final sur
Nocturnal March, mais également trois extraits du prochain album
Mardom, dont quelques passages lorgnent sur le Heavy. Mais chassez le naturel, il revient au galop, DNS n’est pas là pour faire dans la dentelle, mais bien pour répandre avec vélocité fureur et blasphème sur son passage tel Attila et sa horde de Huns. J’ai souri en voyant la stupeur d’un papy ch'ti hardos (sans doute peu au fait des habitudes de la dame à l’impressionnante chevelure dorée), tantôt les deux mains sur le visage la bouche ouverte, tantôt montrant la scène d’un doigt tremblant à ses camarades quand Onielar a commencé à recracher ses gorgées de sang sur elle, puis sur le public. Une sacrée puissance de jet d’ailleurs, puisque des gouttes de sang parsemaient le sol au pied de la première rangée de sièges. DARKENED NOCTURN SLAUGHTERCULT a délivré un set sans surprise pour ceux qui les connaissent mais toujours aussi impressionnant de maîtrise et de déchaînement impie.
Setlist:
Lorsque le nom d’
AMENRA fut annoncé par l’organisation du festival, une frange du potentiel public s’est insurgée au prétexte qu’il ne s’agissait pas de Black Metal et que les Belges n’avaient pas leur place sur cette affiche… Effectivement, j’ai pu constater que des festivaliers quittaient le théâtre dès la fin du set de DNS. «
Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.» Confortablement installée au balcon, deux rangs derrière Zorgh et Zhaaral avec qui je me permettrais d’échanger fébrilement quelques mots avant le set, je me prépare à me prendre une nouvelle claque cinglante en plein visage. Parce que voilà, AMENRA, et plus particulièrement Colin, c’est une communion dans la douleur. Une douleur non feinte (suivez mon regard…), poisseuse et tenace, un membre à part entière du groupe, en osmose avec des musiciens impressionnants de maîtrise et de précision. Le théâtre de Denain a su offrir sur un plateau d’argent ce son massif (mode parpaing dans ta face), mais d’une irréprochable limpidité, ce show-light splendide, totalement raccord avec le propos, grâce à ses lumières blanches aveuglantes, parfois en flashs épileptiques, tandis que Colin, dos au public (mais pas que, se retournerait-il de plus en plus souvent ?) écorche ses cordes vocales et se débarrasse progressivement de ses vêtements. Eh merde, je vais encore me mettre à chialer…Une heure et quinze minutes d’émotion à l’état brut, une émotion contagieuse parce que sincère. Je n’ai qu’un seul petit reproche : la faiblesse du rendu de la voix de Levy Seynaeve, lorsque son growl répond aux cris de Colin, notamment sur
A Solitary Reign. AMENRA confirme, s’il en était besoin, qu’il demeure l’un des groupes les plus impressionnants sur scène. Inclassable stylistiquement, les patrons incontestés de la Church of Ra ne peuvent laisser indifférent. En tout cas, à force de les entendre et de les voir, ils ont fait de moi une fervente admiratrice de leur sombre chapelle. Voir AMENRA n’est pas un simple concert, c’est une expérience de partage et d’introspection à la fois.
Setlist:
. De dodenakker
. Razoreater
. Boden
. Plus près de toi (Closer to You)
. Diaken
. A Solitary Reign
. Terziele
. Am Kreuz
. Silver Needle. Golden Nail
IN THEATRUM DENONIUM, c’est d’abord un lieu magnifique, une organisation (et des bénévoles) sympathique et efficace, une programmation alléchante, mais aussi un format très intéressant sur une seule journée avec peu de groupes permettant de leur offrir un temps de jeu fort appréciable pour un festival (en moyenne une heure par groupe) et un son d’une rare qualité. Petite cerise sur le gâteau, profiter d’un concert assis confortablement dans un fauteuil avec une vision d’ensemble en surplomb va peut-être à l’encontre de l’état d’esprit underground du Metal extrême, mais pour qui arpente les salles des heures durant plusieurs jours d’affilée, s’apparente à un fantasme aujourd’hui assouvi.
Après l’arrêt des METALLURGICALES en 2014, festival initié par Patrick Roy, le regretté député-maire de la ville de Denain disparu en 2011, fervent défenseur du Metal à l’Assemblée Nationale, l’association FORGE NORD a repris le flambeau et a su proposer avec ce IN THEATRUM DENONIUM un nouveau concept de festival que l’on espère voir se pérenniser et auquel je participerai à nouveau avec grand plaisir.
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