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Top Of The World Tour

Live report

Top Of The World Tour Dream Theater + Devin Townsend
Le 25 Avril 2022 à Paris, France
DT & DT. Dream Theater et Devin Townsend. Deux fruits d'un même arbre planté dans les veines de mon adolescence, soutenant encore fermement ma vie d'adulte. Impossible pour moi, comme pour le petit groupe de « die-hards » des New Yorkais fièrement représenté par Your Majesty, branche française du fan-club réunie dès 17h dans un rade voisin du Palais des Sports, de rater cette grande messe du metal progressif. Ce groupe qui a tant joué avec nos émotions – pour diverses raisons que nous évoquerons au détour de moult conversations qui se poursuivront dans la file d'attente pour entrer dans le concert – semble vivre une seconde jeunesse avec A View From The Top Of The World (2021), quinzième album amplement célébré par votre serviteur sur votre webzine préféré il y a quelques mois. Cet événement était non seulement l'occasion pour moi de retrouver cet excellent opus auquel le recul n'a fait aucun tort, tant celui-ci tourne toujours avec une relative permanence dans ma platine, mais aussi de renouer avec les sensations exquises du concert de metal, tristement interrompues par une certaine pandémie mondiale qui tend à rendre maladivement paranoïaque. J'ai tant redouté que cette date n'ait pas lieu, alors que bon nombre de combos plus frileux déplaçaient ou annulaient leur venue...

Mais une nouvelle fois, Dream Theater ne m'a pas trahi. En traversant l'Atlantique en cette fin de mois d'avril pour honorer en Angleterre les premières dates de son « Top Of The World Tour », les New-Yorkais, composés de John Petrucci (guitare), Jordan Rudess (claviers), John Myung (basse), Mike Mangini (batterie) et James LaBrie (voix) tenaient déjà leur promesse. C'est donc avec un immense soulagement doublé d'une profonde hâte de voir les extraits du nouvel album portés pour la première fois sur les planches ainsi qu'une sélection de titres aux petits oignons (j'avais évidemment pris connaissance de la setlist à l'avance) que j'emboîte le pas à mon frère venu gentiment accompagner son obsessionnel frangin dans la salle de concert. Quant à Devin Townsend, c'est bien plus qu'une première partie, plutôt une énorme cerise sur un gâteau déjà très appétissant. C'est simple, ce « Top Of The World Tour » est l'occasion pour moi de rendre hommage aux deux projets m'ayant le plus fidèlement accompagné. Le Canadien tourne avec Stephen Platt (guitare), James Leach (basse) et Darby Todd (batterie), qui a enregistré les parties batterie de son futur album Lightwork, probablement pour la fin d'année 2022.

19h40, l'homme de Vancouver, comme il se présente à nous, commence les hostilités devant une salle à l'audience impressionnante pour lui, nous confesse-t-il après avoir rigoureusement exécuté « Failure », mais encore clairsemée. Ici, les jeunes côtoient les moins jeunes mais toutes ces générations arborent un t-shirt marqué du sceau de Majesty et attendent fiévreusement leurs idoles. Je me sens chez moi. Mais alors que le début du show était annoncé pour 20h, heureusement que mon trouble obsessionnel compulsif pour les horaires ne m'a pas trahi, lui non plus! Je m'en serais voulu à mort de rater ne serait-ce qu'une seconde du spectacle que nous réserve le Canadien, même malgré ce son un peu brouillon de début de set qui s'est amélioré au fur et à mesure de l'heure dont le divin chauve nous a gratifié. Qu'importe, sa présence magnétique et son charisme évident font le reste : je retrouve cette aura absolue sur laquelle les années ne semblent avoir aucune prise. Avec une setlist équilibrée mais résolument orientée heavy, comme il la présente lui-même au détour de l'une des nombreuses blaguounettes bien senties, notre céleste chauve a tout compris. Je réponds derechef aux ordres de Ziltoïd et de son « Planet Smasher » dès que résonne l'excellentissime « By Your Command ». Il y a de quoi arracher des cervicales rouillées par l'absence prolongée de « headbanging » lorsque le quatuor martelle les « palm mutes » de ce rouleau compresseur venu d'une autre galaxie. Mes vertèbres n'étaient pas au bout de leur peine : voilà que Devin Townsend enchaîne avec quelques perles issues de son « large répertoire ». Lorsque les premières notes martiales d'« Aftermath » (Strapping Young Lad) viennent foudroyer le Palais des Sports, c'est toute mon adolescence qui me revient dans la figure et je ne résiste pas à l'envie de lancer un pogo... malgré les quelques sympathiques hères qui daignent me suivre dans mon délire, ce fut globalement un échec monumental. La foule restera relativement calme ce soir. Pas moi. Je suis déjà...

« Far from here… we'll light away
So unclear… we'll find the way »

Avec « Regulator », certainement mon morceau préféré de Devin Townsend, je pars encore plus loin, aux limites de ne plus pouvoir revenir. Et ce n'est pas « Deadhead » et les quelques larmes libératrices que tire ce morceau de mes yeux déjà bien embués par la joie infinie de sortir de ce tunnel de deux ans qui pourra me faire atterrir ni même apaiser la fureur qui bout à l'intérieur de moi. À tel point que je me force à faire redescendre la pression pour pouvoir profiter pleinement de la suite. Pour ça, je peux compter sur Devin Townsend, qui a semble-t-il entendu ma demande et déverse les limbes apaisante d'un « Deep Peace » de circonstance, non sans une habile référence aux événements récents, dans un Dôme qui s'est bien rempli, avec un son stabilisé... avant d'achever sa démonstration de force par deux titres carabinés, notamment un « More! » bien fringuant qui vient judicieusement souligner le ton général d'une setlist certes concentrée mais quasiment parfaite.

Setlist :
1. « Failure »
2. « Kingdom »
3. « By Your Command »
4. « Aftermath »
5. « Regulator »
6. « Deadhead »
7. « Deep Peace »
8. « March of the Poozers »
9. « More! »

Bien vite, les bribes aliénantes de « The Alien » viennent à nouveau agiter les cœurs qui battent à l'unisson au Palais des Sports. Fort heureusement, je ne suis toujours pas calmé. Ce morceau qui a récemment remporté un Grammy Award pour la meilleure performance metal fait évidemment la fierté de Dream Theater avec sa signature rythmique en 17/8 (!) et s'impose comme la tête de gondole de leur très réussi A View From The Top Of The World (2021). Reste que le son une nouvelle fois brouillon du début de set ne lui rend que partiellement hommage. Comme pour leur première partie de luxe, celui-ci s'améliorera au fil du concert. Mais avant la première intervention de James LaBrie, Jordan Rudess (claviers) semble un peu noyé sous l'avalanche de notes envoyée par John Petrucci (guitares). Cela n'entame en rien l'enthousiasme des fans de toutes les générations présents en nombre, maintenant resserrés dans une fosse certes calme mais religieusement agrippée aux virtuoses qui viennent déverser leur complexe machinerie. Prête à entonner comme un seul homme chaque couplet et chaque refrain du groupe avec une dévotion certes très intérieure, mais bouillonnante, cette foule exulte. Une fois de plus, je me sens chez moi. Surtout lorsque « 6:00 », premier morceau du groupe sur lesquelles mes innocentes oreilles s'étaient posées au début des années 2000 vient me rappeler à ma condition de gamin impatient dès six heures du matin à Noël. En invoquant leur classique Awake (1994) de cette façon, Dream Theater vient réunir ces générations et même arracher un sourire aux vieux briscards parés de ces t-shirts vintage qu'ils portent comme une seconde peau depuis les débuts du groupe.

S'il n'est plus la légende qu'il était alors, James LaBrie semble très en forme et se fait pas prier pour exécuter avec talent ces parties chant complexes ; d'ailleurs, sa performance tout au long du concert est restée épurée, solide, sans canard gênant. Il n'y a pas à dire, ce frontman qui sait se retirer pour laisser la place aux longs moments instrumentaux et expérimentaux qui jalonnent la musique du groupe, porte bien la sélection d'hymnes que ce groupe revigoré vient offrir à un parterre conquis. Mieux même, à l'image de Mike Mangini qui envoie ses meilleures mimiques et fait le pitre tout au long du set (comme l'éternel prof de batterie qu'il est, il compte ouvertement le tempo dans « Invisible Monster », comme pour donner un cours de rythmique), on retrouve un groupe à la complicité éclatante, qui déroule autant sa maestria incroyable que ce plaisir retrouvé de jouer ensemble après cette pause forcée de deux ans. Salvateur! Comme le fut l'exceptionnel « Endless Sacrifice » et son passage magique, hors du temps, durant lequel Jordan Rudess est allé s'emparer du légendaire keytar pour rejoindre John Petrucci dans un duel de solo iridescent. Poussé par cette litanie obsédante, nouvelle salve d'adrénaline injectée directement dans mon inconscient...

« All you've forsaken
And all that you've done
So that I could live out
This undying dream

Won't be forgotten
Or taken for granted
I'll always remember
Your endless sacrifice! »

… j'ai récidivé dans ma tentative de pogo qui fut tout de même un peu plus suivie par les joyeux comparses qui m'entouraient, dans l'euphorie de ce passage d'une efficacité redoutable. Qu'importe, Dream Theater a livré un set cohérent, équilibré dans les intentions comme dans les thématiques. Une bonne dose de violence, avec « Awaken The Master » et la guitare huit-cordes qui apporte une belle pesanteur en live ou encore le massif « Bridges In The Sky », côtoie des versets plus mélodiques, avec le céleste « About To Crash » qui a opportunément succédé à « Invisible Monster », permettant au groupe d'explorer ces méandres de la psychologie humaine chers à leur cœur. « The Count Of Tuscany » semble s'incarner comme l'être immortel ayant difficilement survécu à la périlleuse ascension mise en scène par le morceau fleuve « A View From the Top of the World » qui passe le défi du live avec brio. Son ouverture orchestrale et ses coups de boutoirs massifs ont à nouveau sollicité mes cervicales en souffrance. En terminant leur set avec trois morceaux fleuves, Dream Theater a su rester enchanteur, laissant toute la place aux changements permanents, aux respirations bienvenues, aux instants de réflexion et d'émotions qu'implique sa riche musique. Le rappel issu de Black Clouds & Silver Linings (2009) et son long passage intimiste durant lequel John Petrucci fait langoureusement chanter sa guitare hypnotise une bonne partie du public avant d'offrir un final plein de communion.

Setlist :
1. « The Alien »
2. « 6:00 »
3. « Awaken the Master »
4. « Endless Sacrifice »
5. « Bridges in the Sky »
6. « Invisible Monster »
7. « About to Crash »
8. « The Ministry of Lost Souls »
9. « A View From the Top of the World »
Rappel :
10. « The Count of Tuscany »

Impossible, encore, de pleinement exercer son esprit critique face à cet instant de plaisir intense, tant le contexte de ce concert était particulier. Les quelques problèmes de son l'ayant émaillé ne parviendront pas à me faire redescendre de ce point de vue tout en haut du monde sur lequel Dream Theater et Devin Townsend m'ont niché durant trois heures. Je finirai avec un hommage appuyé aux membres de Your Majesty qui entretiennent et font vivre cette flamme depuis de longues années, avec une dévotion et une générosité toutes deux admirables. Il me reste aussi beaucoup de gratitude à exprimer à mon frère venu offrir, outre ce précieux moment de joie intense et libératoire au bambin intenable que je suis redevenu l'espace d'une soirée, cette empathie solaire qui le caractérise.

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