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Pink Floyd - The Dark Side Of The Moon

Chronique

Pink Floyd The Dark Side Of The Moon


Allez, respire. Pink Floyd sur Thrashocore, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? La pression monte. Comme l'orgue hammond et la cymbale charleston qui palpitent dans « On The Run ». Je me sens investi d'une mission sainte, envahi par la même foi que Bartolomé de las Casas amarrant aux Amériques au XVIe siècle. Armé de la confiance de mes estimés collègues, j'ai un territoire entier à défricher. En tout cas, j'étais un très lointain embryon lorsque The Dark Side Of The Moon a vu le jour le premier mars 1973. Loin, très loin des effluves colorées de l'époque qui mettait au monde ce chapitre de l'histoire de la musique. Un an après l'avoir dévoilé en partie dans un concert intitulé « The Dark Side Of The Moon : A Piece for Assorted Lunatics » donné au Rainbow Theater, les membres d'un quatuor de rock expérimental britannique qui commençaient à se faire une place de choix parmi les têtes d'affiche de l'époque entrent à l'Abbey Road Studio pour en fignoler l'ossature à l'aide de l'ingénieur du son Alan Parsons. Roger Waters (basse), devenu leader du groupe après le licenciement de Syd Barret en 1968, David Gilmour (guitare, voix), recruté pour le remplacer, Nick Mason (batterie) et Richard Wright (claviers, voix) se mettent d'accords pour habiller cet ensemble prometteur de paroles qui gravitent autour d'un concept central : les choses qui rendent les gens fous.



Le temps, l'argent, la vieillesse et la mort forment ainsi la face cachée de la lune. L'opus est divisé en deux parties : les cinq premiers titres tracent l'itinéraire d'une vie humaine, de l'apparition des battements de cœurs et de la respiration qui évoquent la naissance (« Speak To Me », « Breathe »), au temps qui passe sans s'arrêter sur la route (« On The Run », « Time ») pour mener vers son inéluctable fin (« The Great Gig In The Sky »). La deuxième partie en dévoile les déviances: l'avarice (« Money »), les conflits (« Us And Them »), le succès qui monte à la tête (« Brain Damage »)... pour finir sur une douce conclusion universelle (« Eclipse »), qui renvoie à l'empathie que le parolier Roger Waters témoigne à l’espèce humaine, malgré les défauts qu'il lui prête dans ses vers touchants. C’est aussi ce que symbolisent les couleurs du prisme modifié par la pyramide qui orne cette pochette totalement iconique, signée Storm Thorgerson et Aubrey Powell. Dire que le Surfeur d'Argent, entité cosmique estampillée Marvel créée par un autre génie descendu des étoiles, Jack Kirby, aurait pu y figurer! L'idée a été vite abandonnée, laissant à cette pochette épurée son attraction légendaire qui faisait implicitement émerger la vision d'une époque où le pacifisme, la tolérance et le progressisme explosaient du ventre de la pop culture. Pourtant, c'est bien l'une de ces forces, les thématiques de cet album n'ont pas pris une ride, contribuant à en faire un instant sur lequel le temps n'a aucune prise. En tout cas, après le virage rock progressif amorcé dès Meddle (1971), le groupe entendait surfer à son tour sur la vague du succès qui leur tendait les bras à l'époque. C'est une véritable déferlante qui les attend.



Mais qui suis-je, au juste, pour oser parler d'un tel disque ? J'ai modestement découvert le groupe dans mon adolescence, grâce à mon père. Je profite du fait qu'il lira certainement cette chronique pour lui rendre l'un de ses nombreux mérites : amateur de blues et de voix atypiques, il s'était mis en tête de nous faire découvrir le rock 'n roll, à mon frère et moi (il est particulièrement têtu). Alors que nous étions en vadrouille familiale en Angleterre (certainement du côté de York) et sortions de notre « fish 'n chips » quotidien, un disquaire faisait des heures supplémentaires pour rester ouvert en soirée. Avec la bénédiction de ma mère, nous avons exploré ses rayons dans ce qui fut l'un de ces moments magiques et insouciants, ces quelques minutes de l'existence qui nous marquent à jamais. En a résulté l'un de ces multiples achats compulsifs de compact-discs. Dans la récolte de mon père, figuraient plusieurs « produits locaux » : l'objet de cette chronique, Atom Heart Mother (1970) et le double album The Wall (1978), gentiment achetés à notre intention (il est aussi particulièrement généreux). C'est ainsi que l'une des cinquante millions de copies de The Dark Side Of The Moon s'est mise à tourner dans l'autoradio de notre bétaillère familiale. Il m'a fallu un peu de temps et de maturité supplémentaires pour que cet album se transforme à son tour en un autre instant de bonheur pur.

C'est pourtant bien ce qu'il est devenu, des années plus tard. Comme une bonne partie des cinquante millions de clients qui le savourent comme tel aujourd'hui, je le place au panthéon de la musique, au-delà de ses genres et de ses barrières. Pourtant, il me paraît nécessaire de gratter un peu le vernis pour apprécier pleinement le rock particulier du combo, qui n'est pas tout à fait aussi facile d'accès que celui des autres légendes de l'époque. En effet, Pink Floyd prend son temps. N'impose aucune limite à sa créativité, dans une décennie qui ruisselle par tous les pores de nouvelles idées, quitte à développer des atmosphères parfois nébuleuses. En témoigne le morceau-fleuve « Echoes », de l'album précédent Meddle (1971) et ses 24 minutes expérimentales ou encore les élucubrations liturgiques totalement perchées du morceau « Atom Heart Mother » de l'album du même nom (1970). Il y a bien des choses qui expliquent pourquoi ce The Dark Side Of The Moon s'est imposé comme un classique intergalactique, le troisième album le plus vendu de tous les temps. En premier lieu, les Londoniens polissent leur musique, qui devient sur leur huitième full-length une synthèse parfaite entre des effluves maîtrisées de psychédélisme et des riffs de rock atmosphérique captivants. Le premier ingrédient offre systématiquement une aura magique au second. Le saupoudrage délicat de lignes de chants très touchantes, portées par ses deux vocalistes aux tessitures jumelles, David Gilmour et Richard Wright, lui ajoute une classe étincelante : Pink Floyd n'est jamais bavard, délivrant en quelques mots bien sentis des messages à la portée universelle.

D’autant plus que la musique légendaire qui accompagne ses douces prises de parole ouvre en grand les portes de l'imagination. On passe par tous les états, comme celui du fugitif qui court comme un dératé pour fuir l’ombre menaçante d’un hélicoptère dans « On The Run », instrumental au tempo enlevé qui fait écho à l'aviophobie du claviériste Richard Wright. Je me vois rendre mon dernier soupir en assistant au « Great Gig In The Sky » dans les étoiles, porté par la voix extraordinaire de Clare Torry, qui se fend ici d’une improvisation totale, capturée en deux prises par Alan Parsons. Ses accents soul possédés offrent une intensité organique incroyable à ce morceau multidimensionnel et contribuent eux aussi à forger la légende de cet album. Tout comme le mid-tempo implacable qui l'accompagne avec son pattern de batterie carabiné, ses petits breaks fulgurants, ses petits touchés de ride merveilleux. La phrase que prononce Gerry O'Driscoll, concierge des studios d'Abbey Road, avec un accent irlandais à couper au couteau, sonne un comme leitmotiv ultime:

« And I am not frightened of dying. Any time will do, I don't mind. Why should I be frightened of dying ? There's no reason for it, you've gotta go sometime. »

Accompagnée de quelques accords de piano dramatique, ce morceau devient un éclat de génie pur, un zeste de beauté absolue. Et bien sûr, à chaque fois que je touche mon salaire, le sampler qui retentit au début de « Money » résonne dans ma tête. Tout comme ses paroles, suffisamment accrocheuses pour être tatouées à vie dans mon inconscient :

« Money! Get away
You get a good job with good pay and you're okay
Money! It's a gas
Grab that cash with both hands and make a stash
New car, caviar, four star daydream
Think I'll buy me a football team »

La voix nonchalante qui balance ces slogans inoubliables sur une rythmique jazzy a elle aussi contribué à élever cet album vers les cimes. Tout comme cet irréel solo de saxophone de Dick Parry qui lance une envolée proto-heavy metal, avec sa ligne de basse légendaire et ses notes cultes de guitare électrique, me montrant du doigt avec autorité les riffs plus sombres qui allaient avoir mes faveurs quelques années plus tard. Plusieurs moments de cet album sont tellement emblématiques qu'ils appartiennent au patrimoine de l'humanité : ce passage en fait définitivement partie, tout comme les accords pesants qui introduisent « Time ». Ses soli poignants, son refrain aérien avec ses lignes de chants éthérées soulignées par le quatuor gospel (composé de Leslie Duncan, Barry St. John, Liza Strike et Doris Troy) me prennent par la main et m'évadent vers des cités célestes. La frappe fine et efficace de Nick Mason, avec ses patterns caractéristiques qui lient tous les morceaux entre eux vient rappeler que le groupe sait envelopper ses auditeurs dans une mélopée douce et chaleureuse qui matérialise un message réconfortant :


« Home, home again. I like to be here when I can. » 

Exactement ce que je ressens quand j'écoute cet album légendaire. Il est un petit coin de mon cerveau dans lequel j'aime aller quand je le peux, offrant à mon train de la pensée une pause salvatrice. Il faut dire que Pink Floyd fait les choses comme il faut : la nouvelle salve de saxophone sur « Us And Them » a de quoi me mettre à l'aise, m'asseyant sur un fauteuil de maître pour déguster un moment sensuel, qui coule dans ma nuque et ma colonne vertébrale comme le grand crû dans le verre à pied, comme si je pouvais m'avachir sur le coton des nuages. C'est que The Dark Side Of The Moon a une puissance évocatrice incroyable, avec ses volutes planantes de synthétiseur dans « Any Colour You Like », ses accords massifs d'orgue hammond qui dominent « Time » ou « Brain Damage » de leur perchoir, ses soli célestes gravés dans le marbre de la musique. Les samples de rire, de cris, de paroles échangées entre les quidams qui gravitent autour du groupe (Chris Adamson, Roger Manifold et Peter Watts notamment) lui font prendre vie et lui offrent une spontanéité inégalable. En ouvrant ses portes, c'est un tout un univers que l'on découvre :

« And if the dam breaks open many years too soon
And if there is no room upon the hill
And if your head explodes with dark forebodings too
I'll see you on the dark side of the moon »

Un véritable refuge. En voulant la célébrer et la mettre en scène pendant quarante-trois minutes, l'universel The Dark Side Of The Moon a donc changé l'humanité. Je pense à ces millions d'âmes à qui cet album a parlé, dans leurs états plus ou moins seconds. Je pense à ceux qui en connaissent chaque détail, chaque recoin, chaque note au point d'être capables de le réciter par cœur. Je pense aussi à ces innombrables groupes qui s'en sont inspiré et à tous ces chroniqueurs qui se sont mis à employer le terme « floydien » pour désigner les atmosphères contemplatives qui l'évoquent plus ou moins subtilement. Nous autres mortels sommes bien démunis pour désigner cette touche unique autrement que par ce mot, tant il résume à la perfection ce que ce groupe et cet album et ont apporté à la musique. Quant à moi, si vous me le permettez, je m'accorderai juste une dernière bafouille : merci papa.

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Pink Floyd
Rock progressif
1973 - EMI
notes
Chroniqueur : 10/10
Lecteurs : (8)  8.56/10
Webzines : (2)  9.25/10

plus d'infos sur
Pink Floyd
Pink Floyd
Rock progressif - 1965 † 2014 - Royaume-Uni
  

tracklist
01.   Speak To Me / Breathe  (3:57)
02.   On The Run  (3:31)
03.   Time  (7:05)
04.   The Great Gig In The Sky  (4:47)
05.   Money  (6:23)
06.   Us And Them  (7:48)
07.   Any Colour You Like  (3:25)
08.   Brain Damage  (3:50)
09.   Eclipse  (2:06)

Durée : 42:57

line up
parution
1 Mars 1973

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