Violet Cold - Empire of Love
Chronique
Violet Cold Empire of Love
Décontenançant et désarçonnant, voilà les deux traits de caractère de cet album, intitulé Empire of Love, mais que l’on peut également accoler à Violet Cold. Formé en deux mille treize et provenant d’Azerbaïdjan, Violet Cold est le projet du musicien Emin Guliyev qui s’occupe de tout et est bien adepte du do it yourself. Comme souvent, lorsqu’il s’agit d’un projet d’un seul musicien, et avec les facilités accrues pour avoir son propre home studio, l’homme est très prolifique ayant une trentaine de singles à son actif, sept EP, quelque splits et compilations et, surtout, déjà dix albums à son actif, Empire of Love étant le dixième. Une discographie assez pléthorique et qui sert souvent de terrain d’exploration pour l’Azéri, tant il aime sortir des sentiers battus. L’on ne va pas se mentir, c’est évidemment cette pochette qui a attiré mon attention et qui reprend le croissant et l’étoile à cinq branches, symboles de l'Islam, sur fond de drapeau arc-en-ciel. C’est un moyen, pour Emin Guliyev, d’affirmer et d’afficher son soutien aux communautés lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles particulièrement oppressées dans son pays mais également un joli pied de nez à la fraternité viriliste du metal qui se sentira offensée par un tel choix de pochette et, surtout, de message.
Et la musique dans tout cela? Et bien l’on a à faire ici à un post black metal assez singulier, il faut l’avouer. Bien évidemment, cette base post black metal va laisser grandement la place à ces plans caractéristiques du genre, avec des guitares assez immersives et souvent noyées dans de la reverb et du delay, et les passages qui sont plutôt dans un registre blackgaze sont également nombreux, je pense notamment à ceux de We Met During The Revolution ou sur le plus mélancolique Togetherness. L’Azéri joue évidemment sur les contrastes entre moments chargés et d’autres plus aériens, avec des lignes mélodiques tantôt mélancoliques, tantôt lumineuses. C’est même un registre assez complet car outre des leads, des passages à l’e-bow, il y a pas mal de soli, voire même certains au tapping comme sur Shegnificant. Il y a d’ailleurs ce côté murs de guitares avec un son bien englobant, très immersif, où les nappes de claviers atmosphériques s’entremêlent bien aux lignes de guitares. Il y a évidemment des passages très beaux et qui laissent assez rêveurs, et l’on n’est pas loin de penser aux côtés cajoleurs d’Alcest par moments.
Sauf que Violet Cold est loin d’être une copie carbone des références en la matière, tant il y a ici une personnalité propre qui se dégage aisément et qui va sans doute laisser sur le carreau pas mal d’auditeurs, pour peu qu’ils aient franchi le pas de la pochette. Emin Guliyev étant un touche à tout, il ne se fixe ainsi aucunes limites et est donc capable d’inclure pas mal de choses dans sa musique, mais en passant dans un spectre assez large. L’on a évidemment des éléments folkloriques propres au Caucase que ce soient sur l’introductif Cradle, avec un oud et des violons qui vous renvoient directement vers les montagnes azéries, que sur l’instrumental Working Class, avec ici une atmosphère plus dansante, ou bien encore sur Togetherness, et même sur Life Dimensions avec ses chants religieux. Cela reste classique si je puis dire et cela se marie bien avec la musique. L’on sera sans doute plus surpris et même sortis de notre zone de confort avec l’ajout d’éléments electro sur d’autres titres. Et c’est là que cela risque de faire grincer des dents, je pense notamment à ce passage trap sur Be Like Magic ou ces passages avec du vocodeur et des effets sur le voix sur We Met During The Revolution ou bien encore ce passage trip-hop sur Life Dimensions.
Il faudra donc avoir le coeur bien accroché par moment car l’on a souvent des surprises au détour d’un break ou d’un couplet, tant l’on peut souvent passer du coq à l’âne dans le même titre. Pourtant, si l’on touche un peu à tout assez souvent, que l’on peut être dérouté, cela reste tout à fait digeste et la teneur post black metal demeure évidemment dominante. Mais Emin Guliyev ne s’interdit rien et c’est cela qui rend cet album captivant. Et lorsque je dis rien, je pense aussi à cette coloration pop que l’on retrouve assez fréquemment dans la première partie de l’album, la seconde étant plutôt instrumentale. Cela passe notamment par ces chants clairs très mélodiques et très pop comme sur le titre Pride. C’est la même chose pour le chant féminin qui revient de temps à autres, mais j’ai surtout le titre Shegnificant en tête. Mais c’est toujours contrebalancé par du chant black metal bien écorché, où s’exprime plutôt une forme de rancoeur ou de colère. C’est là encore une preuve de l'importance des contrastes à tous les niveaux dans la musique de Violet Cold. Dans tous les cas, il y a non seulement un aspect englobant de tout ceci, mais aussi une certaine richesse et une coloration volontairement positive ici qui ne sont pas loin de me faire penser aux travaux de Devin Townsend. Je trouve des similarités aussi bien dans le rendu que dans la manière d’aborder les choses, et même dans la production, qui sont évidentes entre le Canadien et l’Azéri.
Aussi avons-nous avec cet Empire of Love un album vraiment passionnant, même s’il est loin d’être parfait, mais qui dégage une personnalité propre et un sentiment de bien-être, voire d’épanouissement. Il y a un travail remarquable accomplit ici, tant dans l’écriture des titres que dans les arrangements, que l’on ne peut que se laisser prendre au jeu. Évidemment, il y a des passages assez déconcertants par moment, qu’il faut prendre le temps de tout assimiler tant c’est riche et virevoltant, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle et le voyage entre petits moments de nostalgie et d’autres emplis d’émotions aussi bien enchanteresses que ternes. Cet album ne plaira pas à tout le monde, j’en suis conscient, sans doute que son aspect un peu trop sucré sera insupportable pour beaucoup, mais pour autant il y a là une originalité et une certaine prise de risques, et surtout un côté positif, ou en tout cas très émotionnel, qui méritent amplement le détour.
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