Lifelover - Pulver
Chronique
Lifelover Pulver
Ma rencontre avec Lifelover s’est faite via l’intermédiaire du « Evolution of the Cult » de Dayal Patterson, chroniqué récemment par Mr Dantefever. Le nom du groupe était maintes fois passé devant mes yeux, tout comme la pochette sanguinolente de Pulver, mais sans me rappeler véritablement pourquoi, je ne m’étais jamais attardé sur leur musique. En pleine lecture du chapitre « Post-Black », qui revoilà, Lifelover et son histoire complètement dingue, accompagnée de photos du groupe où l’hémoglobine partage l’affiche avec des têtes désabusées et masquées. Ce chapitre m’a particulièrement marqué, de par ces sentiments d’autodestruction et de dépression qui planent continuellement autour des anecdotes des membres, mais aussi de par son final portant sur le décès de B. qui m’a ému, tant on ressentait l’affection qu’avait Dayal Patterson pour le musicien. Il me fut alors impossible de laisser plus longtemps de côté ce groupe, et je me mis à rechercher avidement cette pépite qu’est Pulver.
Bien qu’ayant l’histoire du groupe bien en tête, l’écoute du disque fut alors pour moi une agréable surprise, une bouffée d’air frais, au moment où je creusais inlassablement le monde du Black Metal et de ses plus violentes et obscures formations. J’en vois déjà certains sourire ou froncer des sourcils, Lifelover étant tout de même connu pour sa musique dépressive, malsaine, empreinte de noirceur, et où se mélange pêle-mêle dépression, drogues et sang à profusion. Soit, je suis bien d’accord avec vous. Néanmoins, Pulver est l’un des rares disques qui passent sans problème dans mes oreilles, peu importe le moment, l’humeur dans laquelle je me trouve, peu importe mon envie musicale.
Quand certaines formations s’échinent à vouloir sonner comme tel ou tel groupe, ou tel ou tel style, on sent chez Lifelover, et notamment sur Pulver, un groupe qui a sorti son album sans rien calculer, sans s’apposer de limites musicales ; faire de la musique avec ses tripes, expulser ses émotions négatives, et basta. La musique de Lifelover ne se veut pas sophistiquée : guitares et voix (petit anecdote, la voix a été enregistrée par () allongé sur le sol, dans son sang...) sont les deux éléments principaux, avec la basse et le piano juste derrière, ainsi que les samples. Ici, pas de blast-beat et de riffs dissonants à gogo, pas d’envolées épiques ni de charges destructrices ; du Black, le groupe garde peu d’éléments, comme sa noirceur et la voix hurlée de (). La musique du groupe emprunte à plusieurs styles, à commencer par le Rock, et va même jusqu’à chatouiller les rivages de la Pop et du Post-Punk. Hétérogène, l’album l’est au plus haut point : chaque titre possède sa propre identité, sa propre rythmique, aucune idée musicale n’est réutilisée pour un autre titre. Notre cœur et nos sensations sont ballottés tout au long de l’album, on se prend de plein fouet ce que veulent nous transmettre les Suédois, c’est-à-dire leurs émotions mises à nue. On passe par exemple de rythmiques dansantes à des mélodies à la guitare acoustique ou au piano, pour revenir à des ambiances plus lourdes, et même quasi-religieuses vers la fin de l'album. Dur de résumer la musique des Suédois tant le rendu est varié ; je pourrais aussi citer les innombrables petites idées qui font mouche, comme ces sifflements, ces passages de musique traditionnelle ou encore ces samples de comptines pour enfants. Mais bien que l’on navigue entre de nombreux styles, la constante reste le chant Black de (). Son chant hurlé donne le ton sur chaque titre : majoritairement dépressive, il nous transmet tout son mal-être, sa tristesse, sa mélancolie, on peut même le sentir hilare et cynique, ou même séducteur lorsqu’il susurre à certains moments ses paroles.
La dépression et autres émotions négatives sont palpables en continu, mais il y a aussi un peu de joie et de positivité sur cet album. On peut effectivement se sentir déboussolé en entendant ces samples de musiques traditionnelles ou de comptines pour enfants, ou même ces rythmiques dansantes et ces notes de piano ; on peut même se poser la question de savoir si c’est un effet pervers de créer ces instants dans le but de faire ressortir ceux plus déprimants et criant d’émotions négatives. Mais non, B. le dit lui-même : dans la vie, il y a des hauts et des bas, et même pour une personne qui comme lui est souvent au fond du trou, il est possible de ressentir des émotions positives. Cet album représente la vie dans toute sa noirceur mais aussi sa joie, la vie de B., et même si il ne fait pas rêver, il a le mérite d’être honnête, sans ajout d’artifices ; il ne cherche pas à tricher et à proposer quelque chose qu’il ne maîtrise pas.
La pochette est parfaite pour illustrer cet album qu’est Pulver. Dérangeante à cause du sang, mais bien loin du gore, même si l'on ressent tout de même un léger malaise. Sans cet élément, on a simplement une jeune et jolie jeune femme nue, qui prend la pose en pleine nature. Ce sang, c’est un peu la voix de () sur Pulver. Si on l’enlève, on se retrouve face à une musique qui n’est pas foncièrement négative, même si un peu brutale, triste ou angoissante à certains moments. Nul besoin de produire une musique où l’instrumental se veut sombre, cruel et effrayant pour transmettre des émotions négatives, la voix suffit, finalement. L’humain en souffrance dérange et rend mal à l’aise, surtout son malheur et son mal-être ; il dérange car on peut facilement s’identifier à lui, on a peur d’être un jour dans sa peau et ressentir ses obscures émotions.
J’imagine bien qu’à sa sortie, l’album a dû en dérouter plus d’un. Pulver est un album qui dégueule d’émotions, et dont la diversité musicale fait la force. Cet album est une pépite et est singulier, même au sein de la discographie du groupe qui s’est ensuite rapproché du DSBM pour l’influencer et s’en influencer lui-même. Post-Black, DSBM, Rock/Metal Dépressif… Dur d’apposer une étiquette sur le premier album des Suédois. Les deux membres principaux, B. et (), provenaient tous deux de la scène Black Metal, mais en proposant autre chose que du pur Black, autre chose que ces arpèges et trémolos dissonants, ces blast-beats continus et ces interludes claviers/sons ambiants/guitare acoustique, ils ont réussi à créer un album unique, et s’éloignant du style cité ci-dessus pour mieux se l’approprier. Lifelover faisait du Lifelover, point.
Cet album fait partie de mes albums de chevet, que je ressors au moins une fois toutes les deux semaines. Les Suédois, et surtout B., nous ont conté leurs déboires, sans mettre de barrière entre eux et l’auditeur, et il en ressort un album qui ne peut laisser personne indifférent.
| Anken 14 Décembre 2020 - 1769 lectures |
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