Lifelover - Konkurs
Chronique
Lifelover Konkurs
C'est bien connu, le DSBM (a.k.a. Depressive Suicidal Black Metal pour ce qui est du patronyme stylistique complet et vendant du rêve...) est raillé de toute part. Par les vrais, les puristes quoi, les gros durs qui ont des grosses couilles et qui accusent le genre de tous les maux et surtout d'être écouté uniquement par des pisseuses bonnes qu'à chialer.
Cependant, être une pisseuse, c'est quand même drôlement cool parfois surtout si on se penche sur les bons groupes du genre. Silencer, Bethlehem ou encore Shining ont su prouver que le genre pouvait être intense, prenant et provoquer des émotions plus que palpables. Dans ce sous-genre qui compte finalement assez peu de groupes faisant l'unanimité, on s'attardera donc sur un des plus intéressants puisqu'il mélange allègrement le Black Metal plombé au post-rock le plus aérien. Alors là, je vous vois venir à grand coups de « Attention, ça sent fort la forêt ». Sauf que pas du tout : d'ailleurs si on devait implanter « Konkurs » dans un décor, il serait bien évidemment urbain, policé et diaboliquement neutre. Tout l'univers des suédois tient là-dedans, dans des barres HLM nordiques et des pilules de Benzodiazépines.
En fait, Lifelover est très générationnel. On situera sans problème n'importe quel pauvre type désabusé dans la modernité du monde sur cet opus baigné d'une couleur résolument citadine. La dureté des instruments, le cisèlement des mélodies : tout est incroyablement calculé sur cet opus qui inspire clairement une redondance massive faisant le sel de la musique. Et ça tourne en boucle, encore et encore jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la fin. Ces rythmiques binaires (« Brand ») sèches et âpres instaurent une première couche de lassitude en proposant à l'auditeur des cycles simples, toujours au même tempo ou presque, qui seront la base volontairement peu variée de tout l'album.
Là-dessus, la troupe rajoute une basse bien souvent chantante et mélancolique (« Original ») qui chaussera joyeusement la paire de guitares d'un soulier trop serré. D'abord, vous observerez des guitares distordues jouant des riffs répétitifs plutôt lents. Et puis, il y a les autres guitares, en clair celles-ci, qui proposent bien souvent des accords ou des mélodies dissonantes tout en étant très touchantes. Pour faire simple, elles sont des accentuations de la musique qui soulignent un peu plus la tristesse de l’œuvre. Enfin, B. et ses petits camarades se fendent également de quelques samples assez déstabilisants (« Konvulsion » et sa polka aux allures de fête triste) et bien évidemment du piano, instrument ô combien fondamental chez Lifelover. Oh, pas de surenchère, le tout reste très brut puisque seul quelques notes viennent saupoudrer les titres (« Mental Central Dialog ») mais seigneur, quelles notes...
Après l'écoute de ce disque, on ne peut vraiment pas dire qu'on pète la forme. Écouter « Konkurs », c'est comme observer la tristesse d'un point de vue tellement neutre qu'il en est presque inhumain. Inhumains, un peu comme les timbres des chanteurs qui hurlent, gémissent, chuchotent, pleurent ou bavassent toutes leurs psychopathologies dans des éclairs de lucidité. C'est tellement froid que ça brûle la peau et c'est tellement dépressif que ça annihilerait presque les sentiments. Malgré sa violence musicale finalement toute relative par rapport à d'autres groupes de Black Metal, nous avons ici un disque bien plus traumatisant que la moyenne. Rarement la musique n'aura autant suinté le malheur et c'est bel et bien cette violence là – bien plus sournoise et virulente – qu'il faudra retenir en fin de course.
Oppressant comme une cage en verre (les larsens sur « Twich » qui viennent littéralement paralyser l'auditeur) et aussi tristement réaliste, Lifelover nous balance la véritable dépression en plein dans la gueule. Pas de romantisme fantasmé ou désabusé ici : du net, du précis, des ordonnances, des villes, des revolvers et des suicides au gaz. La tristesse de nos sociétés et de la condition humaine se trouve ici sublimée dans une version si évidente qu'il est impossible de la nier. D'ailleurs, l'artwork ou encore le logo du groupe accentuent cette sobriété taillée à grand coups de burin et bien évidemment destinée à illustrer le côté concret des sentiments développés.
« Konkurs » est indiscutablement un must-have ultime. On s'en fiche que vous soyez portés ou non sur le Black Metal, ou sur le DSBM, ou même sur le Metal en général... Ce disque est de toute façon bien plus puissant que toutes les frontières stylistiques et il y a fort à parier qu'il vous collera au mur dès les premières notes. « Konkurs » is the new black.
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