Les railleries à propos Abigail Williams n’ont plus lieu d’être (« blackcore MySpace » depuis l’EP
Legend), le deuxième album
In The Absence Of Light melting-pot brut de black metal scandinave ou encore les tournées en première partie d’Immolation, Deicide et Mayhem ont su gommer l’ancienne image handicapante du groupe. Autant dire que
Becoming enfoncera le clou. La tête pensante Ken Sorceron a mûri et malgré une apparition « express » dans Aborted (l’EP
Coronary Reconstruction), le bonhomme ne cache pas ses affinités pour des styles moins « extrêmes » et plus particulièrement « post », citant Isis, Neurosis ou encore Godspeed You Black Emperor dans ses nouvelles influences. Toujours accompagné de son acolyte Ian Jekelis (ex-Abysmal Dawn) à la guitare lead (les deux piliers de la bande), ce troisième opus marque le retour du batteur fondateur Zach Gibson (ex-The Black Dahlia Murder, ex-Gutrot) en tant que musicien « studio ».
Nettement plus sobre que ses aînés,
In The Absence Of Light laissait déjà entrevoir quelques pistes expérimentales et progressives pour la suite… Mais certainement pas à ce point. La première écoute de
Becoming laissera les anciens adeptes plutôt stupéfaits. Malgré mes tares dans ce genre, mes collègues chroniqueurs confirmeront, Abigail Williams s’essaye donc ici au post-black, sur les terres des fameux Wolves In The Throne Room et autres Krallice. Etant en ce moment dans une phase boulimique de « post-rock » et d’« ambient », c’est avec certaine délectation que de nourrir mes tympans de ce pavé
Becoming. Des titres de plus de 10 minutes exposant une musique mystique planante et ponctuée de passages furieux rappelant les racines black metal de la sorcière de Salem. Je ne saurais trop conseiller une écoute au casque pour découvrir la richesse des compositions et les innombrables arrangements parsemés. Des structures complexes difficiles à dompter, des arpèges acoustiques fondus aux riffs intenses black ou dissonants, quelques nappes de claviers discrètes soutenant la chose… Le travail de Ken et Ian est bien perceptible. Le duo ne s’arrête pas là, puisqu’il enregistrera, mixera et s’occupera du mastering lui-même. Une production « maison » et « crasseuse » dans le studio de Michael Keene (The Faceless) sans artifice (aucune retouche ou triggers aux dires de Ken) qui « match » parfaitement avec la musique proposée. Car ô joie, enfin une batterie avec un semblant de naturel et de subtilité ! Le jeu sur les cymbales et les différents patterns rythmiques larguent loin derrière le travail antérieur. Resté personnellement sur
Miasma de The Black Dahlia Murder (une prestation médiocre) Zach Gibson reste ici assez méconnaissable. On redemande une batterie de cet acabit.
Abigail Williams a désormais embrassé l’émotion, aspect fondamental qui manquait au synthétique (mais néanmoins efficace)
In The Shadow Of A Thousand Suns. Touchés par ce mélange entre une beauté reposante (la transition éthérée de « Elestial » et « Infinite Fields Of Mind » ou le violon tiré du « Dernier des Mohicans » sur « Beyond The Veil ») et cette noirceur poisseuse rappelant parfois Withered (la sludge « Elestial » particulièrement). Ajoutez à cela les quelques riffs mélodiques enivrants d’en-temps qui demeurent toujours bien présents (« Radiance », « Elestial » ou le final poignant de « Infinite Fields Of Mind ») afin de percer notre sensibilité protégée. Quant au chant de Ken, à la façon des expérimentations via les instruments, le bonhomme alternera entre cris torturés, voix gutturale puissante ou encore quelques murmures inquiétants. Sa meilleure prestation. Les longueurs et les passages trop convenus de
In The Absence Of Light s’effacent ainsi. Nous sommes littéralement absorbés par le rendu final de
Becoming. Abigail Williams a réussi un coup de maître, une once d’émotion en plus ou d’audace et je pense que l’on atteignait l’excellence.
Abigail Williams se renouvelle à chaque album. Certaines mauvaises langues pourront cracher sur le fait que le groupe surfe sur les mouvances du moment. Sauf que sur
Becoming, les Américains sortent des sentiers battus et ne s’imposent clairement plus de limites. Un black metal riche, touchant et osé : la première sortie majeure de cette année 2012. Si le groupe continue en ce sens, leur quatrième œuvre risque de marquer au fer chaud la scène.
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