Avec ses membres issus de Loth, X-Vision et DCA, j’ai d’abord vu en Bishop l’occasion d’aborder une scène dont je n’ai que très peu parlée ici : celle de Metz, pourtant fondamentale dans mon éducation musicale. Je pourrais en effet vous causer des heures de mes pérégrinations à la Face cachée (un des meilleurs disquaires de France, dont le gérant est aussi en charge du label Specific Recordings sortant la version vinyle de ce premier album), les moments forts vécus aux Trinitaires, l’Eurofoot Café, la péniche La Lucarne (raaaah, ce concert de DCA et Words of Concrete), de mes écoutes fondatrices de Dead for a Minute,
The Austrasian Goat ou encore Shall Not Kill.
Mais cela serait sans doute fatiguant pour vous, ainsi que ferait passer au second plan la bonne surprise qu’est ce premier jet de Bishop, oubliant démos et Eps pour passer directement l’épreuve du longue-durée. Un choix qui s’explique rapidement, tant ce disque paraît avoir été réfléchi du début à la fin en proposant un mélange particulier entre sonorités industrielles, influences black metal et tempérament marqué par un post-metal des plus sombres et extrêmes.
Un style inscrit dans un certain air du temps, mais plus difficile à cerner qu’on peut le penser. Clairement, son goût pour le mystère (pas de noms de morceaux, pas de nom d’album), ses racines lointainement hardcore ainsi qu’une atmosphère urbaine et esthétique peuvent renvoyer au
Hexis,
Vous Autres,
This Gift Is A Curse ou encore
Celeste, soit une mouvance « blackened » dont on a été tellement gavé qu’on se retrouve à la vomir. Mais Bishop – ouf ! – s’enfuit toujours, fonce à toute vitesse (aidé d’un batteur qui oblige les autres instruments à oublier leurs points de côté tant il est vif) dans ses tempos, enchaînements et emprunts. Il suffit d’écouter le début du troisième titre pour se rendre compte que les relents post-indus-turbo-black-core ne sont que des outils pour construire autre chose : un propos que les Messins souhaitent le plus sale, ambiancé et vindicatif possible.
En effet, il y a dans tout cela un caractère acide et guerrier, un imaginaire qui me rappelle les Proton Burst, les
Fange (ces paroles ivres de chaos) ou encore la première période aigre et rouillée de
Dirge. Cette voix rageuse et humaine, ces paroles répétitives prises dans leur haine et appelant des temps noirs et rouges, ces illustrations renvoyant à des cauchemars S.F. de vie extra-terrestre infiltrant l’humanité… Bishop, malgré des habits laissant croire qu’il s’inscrit fermement dans un genre codifié, possède déjà une forte personnalité, n’oubliant jamais le plaisir-premier qu’il y a à marteler derrière ses peintures industrielles et charbonneuses.
Certes, on pourra regretter que ce noir est encore un peu vert par endroits, des transitions grossières entre certaines parties (le premier titre, retrouvant maladroitement ses appuis après un déluge de violence) ou une musique polymorphe qu’on aimerait voir se condenser, à l’image de ce dernier morceau opérant un virage post-black réussi bien qu’à-part après trois compositions aussi denses que cohérentes. Il n’empêche que Bishop transforme ici avec talent ses handicaps en atouts en assumant son côté underground, de sa production ample et rêche à la fois à un appétit de chaque instant qui empêche de s’ennuyer le long de ses trente-sept minutes. En quête d’une œuvre inédite, étonnante et entêtante bien qu’imparfaite ? Ne cherchez pas plus loin !
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