Peut-être connaissez-vous Noothgrush comme un des noms à citer quand on parle de sludge historique, celui des années 90 où se côtoient Grief, Eyehategod, Buzzoven, Dystopia et compagnie. Un nom que je laisse pourtant à part, les Ricains ne m’ayant jamais particulièrement convaincu au-delà d’une esthétique qu’ils ont aidé à forger, leur sludge me semblant anecdotique en comparaison de celui plus nocif ou extrême pratiqué par d’autres formations de la même époque.
Pourtant, il y a eu une époque où Noothgrush était tout sauf cette formation de sludge parmi d’autres, où ce qu’il jouait était tout sauf transparent. Une époque dont on peut remercier le label Fuck Yoga de donner une existence digne de ce nom par une réédition aux formats CD et vinyle : celle qui n’aura duré le temps que d’une démo, créée peu après la naissance du groupe en 1994.
En effet, qui aura découvert la bande avec ses EPs mis ensemble au sein de diverses compilations –
Erode the Person et
Failing Early, Failing Often – trouvera ici un sentiment d’étrange familiarité, dans ces quarante-quatre minutes d’une musique qui, si elle contient déjà certains éléments que Noothgrush développera plus tard (cf. « Deterioration » qui sera présente dans une version remaniée dans différentes créations des Californiens), s’inscrit dans un style tout autre que ce qui lui succédera. Comment décrire ce que jouait alors le groupe, lui qui deviendra si sludge qu’il ne donnera pas la sensation d’avoir une identité propre ? Ce son lo-fi typique d’une démo qui devient étrangement squelettique et enveloppant, du doom réduit à son plus simple appareil ; ce chant qui oscille entre les plaintes canoniques d’Ozzy Osbourne et celles plus contemporaines de Layne Staley ; cette atmosphère préhistorique et brumeuse où un projet jeune essaye d’être aussi vieux que possible… Si les démos peuvent être marquées par une recherche de son propre son, alors celle-ci fait de cette errance un univers en soi, flottant au-dessus de plusieurs genres sans l’appuyer outre-mesure.
Une modestie d’apparence qui est une force, l’image d’un monde alternatif où le grunge et le doom se marieraient pour la meilleure évocation du pire découlant de ces riffs ternes et répétitifs, de cette voix noyée dans les flots des autres instruments, de cette poussière qui paraît habillée chaque mélodie déjà fossilisée. On note pourtant de nombreuses variations malgré une unicité de thème, comme les relents orientaux de « Dungeon » ou la basse vrombissante de « Failure ». Enfin, impossible de passer sous silence les vingt-deux minutes de « 8D8 » s’étalant à ne plus finir d’expérimentations et de collages, pour un résultat psychédélique terminant d’emporter dans le vent des âges ce doom metal osseux et rongé au point d’en paraître aérien.
Cependant, même si la tentation de voir ici une démo aussi incroyable que méconnue et grande, Noothgrush possède bien quelques défauts de jeunesse, à commencer par des compositions un peu hasardeuses (« Life Shatters into Pieces of Anguish ») ainsi que des prolongations qui peuvent ennuyer (« 8D8 » étant hypnotisante ou trop lénifiante selon les occasions). Il n’empêche que son ambiance particulière, finalement plus proche de groupes ayant fait de l’ennui leur opioïde (des flashs de
The Gault ou
Atriarch surviennent durant l’écoute), ainsi que des réussites telles que « Dungeon » (valant à elle seule l’achat de cette réédition) font de cette première sortie exhumée une petite pépite capable d’étonner positivement même les plus récalcitrants au groupe d’Oakland. J’en sais quelque chose.
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