Blutumhang - The Fires Of Domination
Chronique
Blutumhang The Fires Of Domination
Comme toujours avec ce genre d’obscur projet sorti des bas fonds grouillant de l’underground Black Metal, les présentations d’usage risquent de vite tourner court dans la mesure ou je n’ai pas beaucoup d’informations à vous partager… Tout ce que je sais c’est que Blutumhang (et pas Bloodhound Gang hein) est un duo relativement récent (c’est en tout cas ce que laisse supposer leur bien maigre discographie) originaire de Norvège dans lequel on retrouve notamment un certain Granheim connu sous le pseudonyme de The Astral Serpent par tous ceux ayant déjà posés leurs oreilles sur la musique de Crucifixion Bell, Fåvnesbane, Perverse, Viridescent Funeral ou bien encore Wolfswut.
Aussi la première sortie du groupe n’est ni une démo ni même un EP mais bel et bien ce premier album intitulé The Fires Of Domination paru en juillet 2021 sur Nithstang Productions (Ancient Necromancy, Talmas, Grógaldr, Ceremonial Crypt Desecration...) au format cassette avant un pressage vinyle proposé en fin d’année dernière par le label Kaldeskard, une structure américano-norvégienne qui en plus de The Fires Of Domination a également sorti le premier album d’Øksehovud dont on parlera très bientôt.
Ce qui tout d’abord m’a fait tiquer à la découverte de ce premier album c’est évidemment cette pochette couleur crème qui d’une certaine manière tranche avec ce que l’on a l’habitude de voir dans le milieu. Certes, ces entrelacs et cette typographie laissent peu de place aux devinettes mais avouez quand même que cela change de ces sempiternels illustrations en noir et blanc qui pourtant fonctionnent toujours extrêmement bien chez moi ? Cette intrigante photo n’est pas non plus étrangère à l’intérêt porté à The Fires Of Domination. Il se dégage en effet de cette image presque anecdotique (cette porte en bois entrouverte, ce linteau de travers, ce mur de terre, cet étrange accoutrement...) quelque chose d’aride, de mystérieux et de lointain qui interroge et fascine tout autant. Bref, il ne m’en fallait pas davantage pour que je me risque à une première écoute...
Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on est rapidement happé dans l’univers dérangé et bruyant des Norvégiens grâce à "Hatred Of Absolution", une introduction surréaliste où se superpose dans un maelström cacophonique cordes classiques aux couleurs grandiloquentes et aristocratiques (au moins jusqu’à 1:04) puis beaucoup plus modestes (façon ghetto de Varsovie) et hurlements infernaux venus nous agresser de toute part... Une très étrange entrée en matière que le duo va d’ailleurs réitérer le temps d’un "Eternal Fires Of Domination" servant cette fois-ci d’interlude. Le groupe y délaisse alors les cordes pour un chant féminin ancestral interprété dans une langue étrangère que je n’arrive pas à déchiffrer auquel vont se superposer une fois de plus ces hurlements inhumains et particulièrement saturés. Non, c’est évident, ces garçons ne sont définitivement pas très nets...
Servi naturellement par une production famélique et lointaine (sans être complètement à la rue), les quatre compositions restantes ("The Treacherous Whore", "Dignities Denied", "Disgust & Dominance" et "The Fateful Hands Of Fury") s’orientent sans grande surprise vers un Black Metal primitif prenant racine, Norvège oblige, en territoire scandinave. De fait, on ne peut pas dire qu’en dehors de "Hatred Of Absolution" et "Eternal Fires Of Domination" évoqués un petit peu plus haut, la musique des deux norvégiens soit d’une grande originalité. Toutefois cela n’a encore une fois pas beaucoup d’importance surtout que derrière ce classicisme pour le moins évident, le groupe ne cache pas pour autant son envie de se démarquer du reste des simples "suiveurs" et ainsi de cultiver son propre petit univers. Outre cet artwork qui soulève donc quelques interrogations et ces deux titres surprenants servants d’introduction et d’interlude, cela passe également par des compositions un peu plus ambitieuses que la moyenne puisque celles-ci n’hésitent pas à prendre le temps de se développer sur des formats relativement allongés (entre cinq et huit minutes). Si on aurait pu craindre une certaine forme de redondance à force de blasts aliénants, de riffs décharnés répétés à outrance et de mélodies entêtantes (éléments distinctifs que l’on va naturellement retrouver ici), on remarque rapidement qu’il n’en est rien puisque Blutumhang réussi par des changements de rythmes ou de mélodies à varier les plaisirs et ainsi conserver l’attention de l’auditeur tout au long de ce voyage intense, tortueux et majestueux. De ces riffs décadents qu’il va faire tourner inlassablement à cette batterie particulièrement dynamique et expressive (bel usage des cymbales) en passant par ces hurlements lointains et fantomatiques, ces quelques samples habilement sélectionnés ou bien encore ces mélodies subtiles mais envoutantes exécutées au synthétiseur, Blutumhang va nourrir des atmosphères à la fois majestueuses et typiquement scandinaves et en même temps terriblement arides et desséchées dans lesquelles, peu importe le ressenti, on va prendre plaisir à se perdre et à s’immerger.
Fidèle à une certaine esthétique Black Metal, ce premier album de Blutumhang surprend sans pour autant véritablement surprendre. Ancré en effet dans une tradition typiquement scandinave (Norvège et Finlande en premier lieu), The Fires Of Domination use de codes connus de tous les amateurs de Black Metal et qui en 2022 (ou plutôt 2021, année de la sortie de ce disque) on finit d’étonner depuis déjà belle lurette… Pour autant, le duo a su y apporter une petite touche plus personnelle par le biais de titres originaux et de constructions relativement ambitieuses à la fois variées (que ce soit dans leurs atmosphères, leurs dynamiques ou leurs déroulements) et terriblement efficaces. Bref, c’est ce que l’on appelle une entrée en matière particulièrement convaincante.
| AxGxB 17 Février 2022 - 909 lectures |
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