King Dude - Sex
Chronique
King Dude Sex
Je n’en étais pourtant pas à ma première rencontre avec lui au cours de cet automne 2016. Oh non ! J’étais déjà tombée dans le panneau, gourdasse que je suis, malgré les avertissements de mon entourage, inquiet de me voir fondre comme neige au soleil dès que la voix du bellâtre effleurait mes oreilles pourtant peu enclines à traîner en dehors de leur zone de confort musical. Mais c’est qu’il est quand même foutrement attirant l’animal dès qu’il s’empare de son manche (de guitare) et susurre langoureusement des mots sans équivoque. Faut dire aussi que, de l’assurance, de l’arrogance même, il en a à revendre. Déjà, paie ton humilité, Monsieur Thomas Jefferson Cowgill. K-I-N-G D-U-D-E ? T’es sérieux ? Rien que ça ? Le mec s’autoproclame unilatéralement monarque parmi les hommes, comme si ça ne lui suffisait pas d’être le presque homonyme d’un illustre président ! Je pensais, un peu déconfite, qu’il pouvait bien se le permettre. Le Roi Mec est pire qu’une nuée de sirènes devant le bateau d’Ulysse, dont je n’ai vraisemblablement pas les capacités de résistance. Je me remémorais, presque honteuse, les quelques fois où je m’étais retrouvée face à lui : un clignement de paupières caressant, un sourire narquois mais néanmoins ravageur, un humour irrésistible en toute décontraction et autodérision, la sueur perlant à son front, résultat : la pâmoison. Le constat était sans appel, j’avais affaire à un cador parmi les cadors, un séducteur charismatique au charme ravageur. Et il en use de son incroyable magnétisme, il en abuse même, quitte à agacer prodigieusement (bande de jaloux !). Sauf que, sauf que … Son sex-appeal ne fait pas le poids face à son talent. Mon pied, je ne le prends pas en dévorant des yeux T.J. Cowgill, mais bien en me délectant de la musique et surtout de la voix de KING DUDE ! Son plus bel organe se niche au fond de sa gorge. Invisible, donc. Plus de débat possible. Sa voix de crooner diabolique, identifiable au premier mot, il lui fait faire ce qu’il veut, lui octroie les pleins pouvoirs, de puissants pouvoirs. Je ne suis finalement pas une vieille nigaude libidineuse (vous y avez cru aussi, avouez-le), l’honneur est sauf, mais une amoureuse de la musique composée avec une foi ardente et des textes écrits avec le cœur. Oui, je m’en fiche de cette sensualité bestiale qu’il dégage incontestablement. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer ! Pardonnez-moi, mais il me semblait difficile de passer sous silence cet aspect non négligeable de la « personnalité » de KING DUDE. Sur ce, j’arrête d’écrire des conneries…Ce ne sera qu’une demie-CALC !
… Oublié Raison et Sentiments, bonjour Amour charnel et Satan ! KING DUDE nous rappelait donc en 2016 avec ce sixième album que sexe et religion, c’est une affaire qui dure depuis des temps immémoriaux, du genre « je t’aime, moi non plus » et quoi de mieux que le Rock au sens le plus laaaaaarge possible pour l’illustrer ? Quelle culture musicale est encore aujourd’hui vouée aux gémonies, jugée contraire aux bonnes mœurs (on en revient toujours là) et donc forcément adulée par les adorateurs du Malin ? Alors oui, il est question de sexe (soyons fous, d’amour aussi, à ce qu’il paraît, parfois, ça fait bon ménage) et de Maître Lucifer dans cet album. Qui mieux que KING DUDE pour se charger de cette mission de dévangélisation, lui qui assura un temps les fonctions d’ambassadeur de l’organisation « Greater Church of Lucifer » ? Lui qui, après s’être éloigné du Blackened Death Metal de BOOK OF BLACK EARTH et du Hardcore de TEEN CTHULHU de sa prime jeunesse, s’est affranchi des limites et des carcans, faisant figure d’électron libre, satellite lointain mais ô combien légitime de la galaxie metallico-diabolique, en s’acoquinant notamment avec les camarades de chez Ván Records (THE RUINS OF BEVERAST, URFAUST, (DOLCH) et CARONTE) ?
Mais les fondamentaux resteront toujours les fondamentaux. Biberonné, nourri, gavé de Rock (qu’il soit Dark, Gothique ou Dieu sait quoi d’autre), de Blues, de (Neo)Folk, de Post-Punk et même de Country, KING DUDE avec Sex, et plus qu’aucun autre de ses albums - la barre était pourtant déjà très haute avec Songs of Flesh & Blood - In The Key of Light - synthétise toutes les facettes d’un vaste courant musical qui n’en finit pas d’engendrer une descendance nombreuse, aux multiples visages, mais sur lesquels on devine singulièrement les mêmes traits, les mêmes expressions. D’une cohérence indiscutable, Sex se compose pourtant d’onze titres, autant d’histoires, autant d’ambiances en proposant une rétrospective de l’Americana musicale dans ce qu’elle a produit de meilleur ces soixante dernières années, dans toute sa richesse et sa diversité. L’Amérique, justement… Sex n’est pas (qu’)une invitation à se retrouver au plumard, les quatre fers en l’air (cependant ça peut marcher), c’est aussi un laissez-passer pour une traversée du Nord au Sud et d’Est en Ouest d’un pays tour à tour conspué ou adulé. Oh, on bourlingue avec KING DUDE ! Ce n’est pas l’Amérique des fast-food et des parcs d’attraction, mais celle que l’on traverse au volant d’une décapotable, cheveux au vent et Ray-Ban sur le nez, celle de ces motels miteux à l’hygiène douteuse abandonnés sur le bord des routes désertes, celle de ces mégalopoles où règnent solitude et dépravation, celle de ces coupe-gorges de la Nouvelle-Orléans entre piété et magie noire, celle des grands rassemblements hippies des années 1970. Grand prince, KING DUDE nous fait plonger dans le film de cette Amérique complexe, bourrée de contradictions, tiraillée entre bondieuseries et culte de la liberté outrancière, dont il aurait composé la bande originale, dans une version pas très catholique d’un Chemin de Croix en onze stations.
KING DUDE est un artiste unique, de la race des seigneurs, qui, après des décennies et un nombre incalculable de versions de la « chanson canaille », la dépoussière sans la dénaturer, lui donne un nouveau souffle, entre fraîcheur et sulfure ("I Wanna Die At 69"). Avec du talent, beaucoup de talent, indéniablement, quand il s’agit de créer une atmosphère intimiste avec quelques accords d’une simplicité confondante et quelques arrangements soignés ("The Leather One") ou de transmettre une émotion sincère et touchante avec le mot juste et une voix à tomber par terre ("Shine Your Light"). KING DUDE est peut-être un touche-à-tout d’une rare insolence, mais il parvient, quoiqu’on en dise, quoiqu’on en pense, à atteindre avec Sex une certaine idée de l’universel et de l’intemporel de la culture rock américaine, à laquelle il offre une magnifique déclaration d’amour.
| ERZEWYN 9 Février 2022 - 1490 lectures |
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