Clarent Blade - Return Into Forever
Chronique
Clarent Blade Return Into Forever
En lisant ces pages, vous devez bien vous rendre compte que, au fil des années, l’epic heavy metal a le vent en poupe, tant le nombre de formations et de sorties dans ce registre vont croissant depuis une bonne décennie. Il est ainsi de moins en moins rare de voir des groupes proposer des albums qui rendent hommages aux grands anciens du genre et citer ainsi des références telles que Manilla Road, Brocas Helm, Omen, voire Warlord ou bien encore Manowar. Et il est vrai qu’il est parfois difficile dans cette pléthore de disques qui sortent de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Ce d’autant lorsque la dite formation sort son premier album, ce qui est le cas ici avec Clarent Blade avec ce Return Into Forever, et sort de nulle part, ou presque. En effet, ce n’est guère surprenant de voir que Clarent Blade nous vient de Grèce, eût égard à l’amour pour le vrai metal que porte, aussi, cette scène. Par contre, lorsque je vous dis que Clarent Blade ne vient pas forcément de nulle part, c’est parce qu’il s’agit du nouveau projet d’Ayloss, l’homme derrière les excellents projets Spectral Lore et, plus récemment, Mystras, ainsi que le projets Ontrothon, Saga of the Ancient Glass et A Compedium of Curiosities. Si la formation officielle de ce groupe est de deux mille deux, la composition de ce premier album s’est étalée entre deux mille sept et cette année. Il faut voir en Clarent Blade un hommage aux anciens héros, ainsi qu’aux nouveaux, comme l’annonça fièrement le musicien à la sortie de cet album, en non un artefact d'un jeu en ligne. De bien beaux effets d’annonces, mais le résultat est-il à la hauteur de ces déclarations?
L’on est obligé de répondre par l’affirmative. Enfin, lorsque je dis "obligé", c’est juste pour souligner le talent d’Ayloss qui a réussi ici un album, qui certes est court, mais qui sait bien nous entraîner vers des sentiers glorieux. D’ailleurs, cet album comprend deux instrumentaux avec l’interlude Aeon, plutôt dans une veine dungeon synth, et la conclusion Ageless, avec de nouveaux quelques claviers et quelques guitares, l’influence de ses deux autres projets non métalliques. Cela nous donne quatre compositions plus longues et surtout clairement épiques, qui sont loin d’être linéaires et rébarbatives. Il faut même avouer que c’est on ne peut plus complet tant l’on retrouve de nombreuses parties sur chaque titre, notamment sur les plus longues pièces que sont The Book of All and None et Return to the Lands of Mystery, même si ce n’est aucunement du metal progressif. C’est juste que le Grec prend son temps pour développer ses idées et n’hésitent pas à enchaîner les riffs et à les entrecouper de breaks ou d’arpèges. En cela rien de nouveau, mais il faut admettre qu’Ayloss touche juste à chaque fois. L’on reconnait d’ailleurs sa patte dans cette collection de riffs mélodiques et loin d’être simplistes, et cela rappellera ce qu’il a fait sur les albums de Mystras, mais sans utiliser les tremolo pickings inhérents au black metal. Mais l’on reconnait très bien sa personnalité. Les leads et mélodies sont nombreuses, et l’on sent tout ce souffle épique qui émane de ces compositions. D’ailleurs, l’on notera quelques arrangements discrets aux claviers sur les titres classiques, avec des sonorités qui cadrent bien au sein de ces derniers et sans que les claviers ne prennent les devants, ce qui est une très bonne chose.
L’on aurait pu avoir peur quant à la qualité de cet album, en sachant que l’Hellène enchaîne fréquemment les sorties avec ses différents projets. Toutefois, l’on sent bien qu’il y a eu plusieurs années de travail derrière ce projet, étant donnée que la gestation de ces titres a duré cinq ans: l’on est donc assez loin de quelque chose de fait à la va vite et de bâclé. Comme dit plut haut, les titres sont vraiment bien pensés, et même s’ils s’étirent assez souvent, ils réservent toujours de bonne surprises, au détour d’une mélodie de guitares, d’un arpège glissé par-ci pour donner une ambiance plus nostalgique, ou d’une ligne de claviers qui vient apporter sa petite part dans cette forme de magie qui découle de cette musique. À cela s’ajoute de belles lignes de basse, loin de se contenter de suivre les guitares, mais qui se démarquent assez souvent, comme par exemple sur High Mage. Et puis, comment ne pas valider ce choix pour ces twin leads sur Return to the Lands of Mystery? C’est évidemment un grand oui. Dans tous les cas c’est clairement inspiré et l’on sent l’amour pour ce type de musique de la part de l’unique tête pensante de ce projet, et il y a toujours quelque chose pour tenir en haleine. Même sur les instrumentaux, il y a également ce soucis du détail et des arrangements qui donnent cette facette passéiste et cette coloration heroic fantasy à l’ensemble. Cela dit, cette volonté on la retrouve bien évidemment dans les quatre autres titres, avec une alternance entre passages véloces et d’autres plus tempérés mais volontiers plus martiaux. L’on a de quoi captiver l'attention de l’auditeur sur la durée. Si je devais prendre quelques exemples, il y a ce break nostalgique au milieu de The Book of All and None qui est de toute beauté, ou bien ce redémarrage tellement puissant sur le final de The Sword of Traitors, on ne peut plus efficace et jouissif même.
Il y a d’ailleurs quelque chose d’assez pertinent dans ces compositions, c’est leur faculté de prendre du relief au fil des écoutes tant nous sommes clairement face à un grower. Et pour être franc, je n’avais pas été tant impressionné que cela à la première écoute de ce Return Into Forever, me disant qu’il était question d’un énième projet de epic heavy metal de la part d’un musicien provenant de la scène black metal. Mais en fait, c’est parce que l’on ne fait ni dans le claquant, ni dans le tape à l’œil et encore moins dans le pré-mâché ici. Et c’est en cela que les différents arrangements et la profondeur des compositions se dévoilent au fil des écoutes. C’est ainsi que l’on se prend finalement au jeu et que les qualités de la musique de Clarent Blade se dévoilent petit à petit. Il faut dire qu’Ayloss a opté pour une production assez dépouillée et sans trop d’artifices, qui sonne clairement datée, un peu comme sur les vieux Manilla Road, si je devais faire une comparaison. Et c’est clairement une des forces de cet album, qui révélera ses richesses pour qui prendra le temps d’approfondir les écoutes, et qui d’ailleurs prendra tout son sens en l’écoutant au casque. C’est ainsi que l’on découvrira bien mieux tout l’éclat de cet album, ce qui ne surprendra nullement quiconque aura déjà écouté les autres projets d’Ayloss. C’est ce qui fait ici toute la grandeur de cet opus. Et si je devais faire un parallèle, osé je dois l'avouer, pour ce qui est de cette profondeur dans le propos de Clarent Blade et dans ce soin apporté aux détails, il n’est pas rare de penser à ce qu’avait fait son compatriote Vorskaath sur l’album In Monumentum de Zemial.
Et comme Ayloss aime bien le sens du détail, il a également apporté un soin particulier pour ce qui est du chant. L’on découvre ainsi un chant clair, qui n’est certes pas extravagant, mais qui affiche une certaine fierté et une certaine noblesse dans ses lignes. Ce chant ne prend pas les devants par rapports aux instruments, ce qui ajoute un petit cachet assez sympathique à l’ensemble. À cela s’ajoute la présence assez fréquente de chœurs sur la plupart des titres et qui donne une touche assez altière à ces compositions, voire même un peu mystique. Évidemment, Ayloss venant du black metal, l’on a parfois quelques lignes de chant black metal, comme c’est le cas sur chaque titre en fait et cela passe très bien, surtout que c’est le plus souvent sur les passages les plus intenses. Et même là, ce n’est pas fait de manière inepte, mais toujours avec intelligence. C’est d’ailleurs le terme qui vient également à l'esprit lorsque l’on se penche sur les paroles de ces titres. C’est assez rare dans ce genre musical d’avoir des paroles qui mettent en avant le fait de trouver la sagesse dans les livres et de transmettre celle-ci pour les âges futurs, ou bien de refuser la circonscription pour le bien d’une élite et donc de se rebeller contre cela. Là encore, rien de nouveau pour qui connait déjà Mystras, mais cela fait plaisir de voir une formation s’extirper de certains clichés, dans un genre qui en est pourtant plus que pourvu. Et c’est cela qui fait que cet album sonne assez frais au final, que ces quelques quarante minutes s’égrènent assez rapidement et que le rendu est bien conforme aux velléités de son géniteur.
Au final, avec ce premier album de Clarent Blade, Ayloss est parvenu, une nouvelle fois serait-on tenté d’affirmer, à démontrer toute l’étendue de son talent. Return Into Forever est ainsi une belle œuvre d’epic heavy metal et l’on y retrouve cette grandeur héritée des piliers du genre, avec toutefois une personnalité affirmée et une certaine vision de cette forme de musique de la part de son auteur. Car si l’on a bien en tête quelques influences pour ce projet, l’on retiendra pourtant un caractère bien affirmé. Pour le coup, Clarent Blade ne ressemble guère aux nombreuses formation ayant émergé dans ce domaine musicale plus ou moins récemment. C’est cela qui fait le charme de ce Return Into Forever, ainsi que ses nombreuses qualités intrinsèques et surtout cette profondeur. Là où un grand nombre de groupes privilégient le carton pâte et les pastiches vulgaires, pour ne pas dire une certaine forme de vulgarité, il y a ici une réelle authenticité et une réelle ferveur. Dans tous les cas, le terme épique n’est ici nullement usurpé, clairement pas, et cet album, certes court mais sans temps morts ni d'autres plus faibles, devrait plaire à tout amateur de epic heavy metal qui sera sensible à cette réalisation honnête et loin d’être faite de plastique et de cache-misère. L’on ne peut ainsi que saluer le travail accompli par Ayloss avec ce projet, en espérant que ce ne sera pas un one-shot, car c’est assez rare de trouver des albums, et encore plus un premier album, de cette qualité.
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