Le marasme complet qu'a engendré ma photo mystère de Morgoth résume bien ce qu'est devenu le groupe aujourd'hui: oublié. Je n'ai moi-même appris l'existence de ces Allemands qu'il y a quelques mois après lecture d'un article dans un magazine spécialisé à l'occasion de la sortie du best-of du groupe. Et pourtant Morgoth était le groupe allemand de death le plus connu au début des années 1990. Que s'est-il donc passé?! Une sombre histoire d'évolution ratée (du moins commercialement) apparemment. En grand sentimental que je suis, cette histoire m'a mis la larme à l'oeil mais j'oubliai de me pencher sur leur courte discographie. Puis récemment, je réussis un peu par hasard (enfin surtout illégalement mais chut!) à me procurer
Cursed, le premier album du groupe. J'ai alors compris pourquoi il faisait partie des leaders de l'époque.
Le groupe se forme en 1987 et prend le nom d'un vilain méchant du
Seigneur des Anneaux de Tolkien: Morgoth, le Noir Ennemi du monde. Les membres se nomment Marc Grewe (chant et basse), Carsten Otterbach (guitare), Harold Busse (guitare) et Rüdiger Hennecke (batterie). Après une démo plus que convainquante,
Pits Of Utumno (1988), les quatre Teutons signent chez Century Media. S'ensuit deux EPs,
Resurrection Absurd (1989) et
The Eternal Fall (1990). Fin 1990, un nouveau membre arrive, Sebastian Swart, qui prend le contrôle de la basse, permettant à Marc Grewe de s'en tenir au chant. Débarque enfin un premier album,
Cursed, en 1991, qui s'avèrera la plus grande réussite du groupe avec 250 000 exemplaires vendus.
Morgoth joue du death old-school et pas le plus merdique. Le groupe évite le piège de la linéarité en nous offrant des compos inspirées aux tempos variables: les riffs mid-tempos headbangant au possible (l'énorme "Body Count", Unreal Imagination", "Isolated" et le génial "Suffer Life" à 1'43 pour ne citer qu'eux) cotoient les passages plus lents et plus pesants (le début de "Exit To Temptation" et de "Isolated", le break de "Sold Baptism" à 2'03, "Opportunity Is Gone") , sans oublier les grosses accélérations bien kiffantes (notamment sur "Body Count", "Exit To Temptation", "Suffer Life" et dès l'intro de "Unreal Imagination") qui me rappellent les premiers Sepultura. Un autre groupe vient irrémédiablement à l'esprit à l'écoute du skeud, Obituary. Tant instrumentalement (la lourdeur des riffs) que vocalement, la comparaison est inévitable, même si Morgoth se révèle plus varié. Marc Grewe a en effet une voix assez semblable à celle de John Tardy, quoique plus torturée, presque possédée.
L'attrait de
Cursed réside également dans son ambiance sombre très bien rendue qui me fait dire que les gars n'ont pas volé leur nom. L'angoissant instrumental d'ouverture, "Cursed", magistralement orchestré avec le vent froid qui souffle (on pourrait presque le sentir), ses claviers sinistres, son gong guerrier et ses samples glauques en est le parfait exemple et montre tout de suite à l'auditeur que la musique sera tout sauf festive. Le côté noir fait parfois place à la mélancolie, grâce à des soli certes très peu nombreux (quatre pour être précis, dont celui de "Isolated" aux sonorités orientales sympathiques ) mais qui révèlent un excellent feeling chez leurs compositeurs. Le point culminant de cette mélancolie est à trouver dans le dernier morceau quasi instrumental, "Darkness". Encore le souffle du vent puis quelques notes acoustiques viennent caresser nos oreilles pendant une vingtaine de secondes et on aimerait que celà dure plus longtemps tellement c'est beau (je vous l'avait dit que j'étais un sentimental!). La suite du morceau est très planante, avec un seul riff qui n'évoluera pratiquement pas mais qui sera sublimé par l'apparition d'un "faux chant" atmosphérique de toute beauté, lui même remplacé par une vraie voix, grave, qui récite lentement ses paroles avant de disparaître pour une fin en decrescendo très réussie.
A écouter cet album, on se dit que c'est vraiment dommage que l'héritage de Morgoth n'ait pas atteint les générations plus récentes. La faute sans doute à une évolution musicale radicale qui n'aura pas plu aux fans. Dès l'opus suivant,
Odium (1993), apparaissent des samples plus proches de l'indus que du death mais c'est surtout avec
Feel Sorry For The Fanatic (1996) que les Allemands vont se mettre tout le monde à dos en abandonnant complètement leur musique originelle. Le groupe splittera d'ailleurs en 1998. En tout cas, je ne peux que vous conseiller de jeter une oreille sur cet album car même si le son a un peu vieilli,
Cursed fait partie des classiques du genre.
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