Morbid Angel - Covenant
Chronique
Morbid Angel Covenant
C’est sous forme de trio que Morbid Angel enregistre Covenant. Le guitariste Richard Brunelle choisit de quitter le groupe. Il ne composait que rarement et sa vision du groupe n’était pas celle que le compositeur tout-puissant Trey Azagthoth envisageait. C’est donc en 1993 et avec un seul guitariste que le groupe compose et enregistre le successeur du mitigé mais néanmoins excellent Blessed Are The Sick. Après le « A », le « B » Morbid Angel s’attaque au « C ». Un « C » qui pourrait être synonyme de catastrophe, constipation ou encore christianisme (cherchez le(s) erreur(s)). Mais ce « C » va rimer avec culte et chef d’œuvre.
Alors que certains groupes de death s’essaient à l’expérimentation ou d’autres moyens pour essayer de se différencier de la masse, Morbid Angel va à contre-courant du style en décidant de passer à la vitesse supérieure, ce que peu de formations pouvaient faire à l’époque. Le disque débute avec « Rapture ». L’intro est directe, le son est massif et plus gras que sur l’album précédent, grâce à la production made in Morrisound. Le travail effectué par Fleming Rasmussen (producteur des trois premiers Metallica) est remarquable, les instruments sont parfaitement audibles, la basse se fait grondante, la caisse claire martèle inlassablement. Rapture est une parfaite entrée en matière qui permet de s’acclimater au climat occulte qui se dégage tout au long de l’album. Dans les grandes lignes, on a droit à un mélange des deux premiers albums, à savoir la variété des tempos d’Altars Of Madness et l’efficacité de Blessed Are The Sick. Et cette orgie infernale est agrémentée d’une ambiance qui ferait passer celle d’Altars Of Madness pour un disque de comptines de Noël. Une atmosphère tout simplement incroyable se créée au fur et à mesure de l’album. Très mystique et occulte, cet album transpire le souffre et les flammes d’un enfer insoutenable.
Le chant reste dans la continuité de ce que l’on pouvait entendre sur Blessed Are The Sick, à savoir un chant plus guttural et moins « black » que sur Altars Of Madness mais avec ce quelque chose de plus démoniaque. Les refrains font mouche à chaque fois, David Vincent est un très grand chanteur de death métal, sa voix est reconnaissable entre mille et son style inimitable. Arrive « Pain Divine », la chanson phare de l’album, un pain dans la gueule (elle était facile celle là j’avoue). Tous commence sur les chapeaux de roue et ce riff hypnotique venu de nulle part vous attrape et ne vous lâche plus pendant presque 4 minutes. Pete Sandoval se bonifie davantage et alterne entre passages lents et accélérations furieuses. L’ambiance dégagée est divinement (ah ah) diabolique, comme si cette chanson était maudite. Morbid Angel a toujours le secret pour placer LE break qui tue, qui fait du morceau une véritable ode au cornu. Soit on a droit à un riff d’une lenteur écrasante sur un rythme qui ne l’est pas moins ou bien c’est un solo magistral de Trey Azagthoth. Ceux-ci restent dans la droite lignée d’Altars Of Madness, et moins démonstratifs que sur Blessed Are The Sick. C’est eux qui renforcent et amplifient cette aura mystique sur chaque break. Une chose assez incroyable est qu’on à l’impression d’entendre la guitare se lamenter (si si) des souffrances que Trey lui inflige. Sur « World Of Shit (The Promised Land) », l’effet est tout bonnement saisissant et les guitaristes ne manqueront pas d’apprécier une technique qui reste irréprochable.
Comme je l’ai dit, la grande richesse de l’album vient de l’atmosphère que chaque titre dégage et de la variété des rythmiques tout en restant très direct et homogène. A l’époque, non seulement peu de groupes étaient capables de rivaliser avec une telle vitesse d’exécution mais ce qui fait de Covenant un album culte des plus cultes, ce sont les riffs de Trey. Plus directs, encore plus lourds que ceux qu’on pouvaient entendre sur Blessed Are The Sick et plus rapides que ceux d’Altars Of Madness, ils se font entêtants tel une litanie incantatoire (ça fait beaucoup de « t » j’avoue) sur « Vengeance Is Mine » et « Lions Den » ou encore accrocheurs et efficaces sur « Blood On My Hands » (une de mes favorites) et sa rythmique presque thrash.
Autre fait remarquable, le jeu presque « groovy » de Pete Sandoval sur « Sworn To The Black ». Tendez bien l’oreille sur ce titre car cela prouve qu’il n’est pas nécessaire de blaster à tout va pour rendre une chanson brutale et efficace. Le break fait mouche encore une fois et relance la machine, toujours plus intense via des blasts imparables. Enfin « Angel Of Disease », recolle aux influences d’Altars Of Madness car datant déjà de démos antérieures. Le chant redevient plus black, les tempos sont variés et on est de retour aux incantations dignes de Lord Of All Fever And Plague (« Praise the beast »).
A présent, on attaque le grand moment de l’album, ce qui a fait de Covenant une icône définitivement culte : le doublé « Nar Mattaru / God Of Emptiness ». « Nar Mattaru » est le seul titre atmosphérique de l’album et autant prévenir, c’est le calme avant la tempête. Des nappes volatiles de claviers, pour le moins étranges et mystiques, des cloches qui tintent et une froideur glaciale avant l’apocalypse finale tant attendue : « God Of Emptiness ». C’est LA grosse expérimentation du groupe. Un riff, lent, torturé, prémice de l’orientation poursuivie sur Domination. Une lourdeur terrassante, suffocante et maladive. Ici point de rapidité, le néant et la désolation s’installent tout au long du titre. Le chant écorché et rageur, alterne avec une voix parlée monocorde du meilleur effet. Puis arrive ce break génial où Trey arrache les pires gémissements à sa guitare, pour un final des plus torturé du même acabit. Les ténèbres vous encerclent et vous emportent, laissant derrière elles le chaos.
Que reprocher à Covenant ? On a beau chercher et on arrive à la conclusion qu’il n’y a rien à redire, tout est parfait. Covenant est le cd caractéristique du style de Morbid Angel (et aussi celui qui s’est le plus vendu dans l’histoire du métal extrême, plus de 500 000 exemplaires). Une alternance de passages lents lugubres et de parties très rapides ponctuées de solos et de breaks toujours aussi percutants et inspirés. On est de retour aux influences de l’immense Altars Of Madness mais avec une production bien meilleure. Plus homogène et inspiré que Blessed Are The Sick, tout en étant très varié dans les structures, Covenant est plus brutal, plus torturé et plus mûr que ces prédécesseurs. Les ambiances résident dans les titres mêmes ce qui explique la quasi-disparition des titres atmosphériques instrumentaux. Cet album est un pur chef d’œuvre puissant, sombre et malsain, d’inspiration occulte, composé de mains de maître, à placer aux côtés d’Altars Of Madness.
| Scum 24 Septembre 2005 - 7510 lectures |
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