Morbid Angel - Formulas Fatal To The Flesh
Chronique
Morbid Angel Formulas Fatal To The Flesh
1998, Morbid Angel a subi de gros changements. Le soi-disant indéracinable David Vincent a finalement quitté le groupe, pour les classiques raisons de divergences musicales. Avec ce départ, plutôt inattendu, Morbid Angel perd son charismatique leader et comme si cela ne suffisait pas, Erik Rutan quitte (momentanément) le groupe pour se consacrer à la création d’un projet nommé Hate Eternal. Il fallait donc trouver un nouveau chanteur/bassiste, capable de combler l’absence de l’illustre David Vincent. Ce remplaçant se nomme Steve Tucker, il officiait dans un groupe de death/thrash résidant à Tampa en Floride, et répondant au doux nom de Ceremony. Pour info, Ceremony et aussi le premier groupe de Pat O’Brien, futur guitariste de Cannibal Corpse.
Beaucoup avaient des appréhensions quant aux possibles chamboulements qu’un nouveau line-up impose. Alors oui, la musique de Morbid Angel a évolué (comme sur tous leurs albums d’ailleurs). Du fait de l’arrivée de ce nouveau chanteur mais aussi dans la composition. En effet, le groupe est à nouveau un trio, comme à la grande époque de Covenant, mais cette fois Trey Azagthoth est le seul commandant à bord du vaisseau. Morbid Angel est plus que jamais le groupe de Trey et c’est lui qui a entièrement composé, produit, écrit les textes et peaufiné les arrangements de Formulas Fatal To The Flesh. On pourrait donc penser que tant de travail pour un seul homme, il va en résulter une bouillie sans inspiration. Mais le sieur Azagthoth n’est pas une simple musicien de session qui compose à la va-vite. On a affaire à un musicien doué d’un génie hors du commun.
Au regard de la pochette, l’impression est nette : il va y avoir du sport. Et cette impression est confirmée dès le premier titre. C’est grosso modo le même genre d’entrée en matière que l’on pouvait trouver sur Domination, mais la comparaison s’arrête là. C’est aussi efficace, mais c’est surtout beaucoup plus brutal. Le son est massif et plus gras. Et cette batterie, tout simplement phénoménale, dotée d’un son de caisse claire plutôt sec mais qui rend à merveille lors des blast-beats. Les blast-beats, parlons-en des blast-beats. Le titre en est rempli, sans le transformer en une indigestion. Ils sont sûrement les plus rapides que ce que le groupe a fait jusqu’à lors. Le rythme est très varié, le jeu de Pete Sandoval est une fois de plus irréprochable. Sa prestation durant tout l’album est magistrale, entre passages écrasants, roulements très rapides sur la caisse claire et une dextérité et surtout une vitesse impressionnante. Des accélérations redoutables sont insérées dans le premier morceau : « Heaving Earth » et autant dire qu’elles font très mal. Au milieu de ce déchaînement musical, le groupe n’oublie de placer ces fameux breaks, toujours aussi percutants, lents et d’inspiration occulte. Les solos ne sont pas en reste, dans la lignée de Domination sauf qu’il colle encore plus à l’atmosphère générale du cd.
Petite nouveauté, pour accentuer le côté divinement maléfique de l’album, Trey Azagthoth a pris soin d’insérer des paroles en sumérien. Pour les novices, le sumérien est la langue parlée par la civilisation considérée comme la plus ancienne de notre planète (fondée environ 3500 avant J-C). Une langue qui fait penser aux incantations que l’on pouvait retrouver sur Altars Of Madness (« Lord Of All Fever And Plague »). La fin du morceau est jouissive, ultra-rapide et laisse présager le meilleur. « Prayer Of Hatred » continue sur la même lancée. Un riff hypnotique rapide, appuyé par une basse ronde qui rend le morceau très incantatoire. Le break qui suit est une tuerie. Ecrasant, c’est le mot avec lequel on peut le qualifier. La guitare fait comme un appel à la prosternation, et n’oublie de poser des solos assez glauques et toujours aussi « cosmiques ». Quant au chant de Steve Tucker, il est certes moins compréhensible que celui de son illustre prédécesseur, mais il colle davantage aux compos plus brutes et déchaînées. Sa voix est plus profonde et gutturale et renforce la violence de chaque titre.
Tout s’enchaîne à merveille, « Bill Ur-Sag », d’une structure somme toute classique et diablement efficace. C’est une fois de plus très rapide, emmené par un Mister « Commando » déchaîné. Le refrain est une fois de plus en sumérien, la terre tremble, les Anciens remontent de leurs tréfonds infernaux. Vient le premier morceau « lent » de l’opus, « Nothing Is Not » et son riff lent et à la fois imposant. Le chant de Steve Tucker est énorme, il fait penser à celui de « Where The Slime Live » (chanson qui a beaucoup inspiré le groupe, comme on le verra par la suite). Et cette fin, tout simplement géniale, ou Trey plaque un riff toujours aussi lent mais c’est Pete Sandoval qui varie le rythme. Des passages assez classiques, en passant par le mid-tempo lourd, et autres schémas rythmiques habilement saupoudrés de double. En tout cas une fort belle trouvaille que de finir un morceau de cette manière.
Les morceaux atmosphériques sont toujours présents, « Disturbance In The Great Slumber » très cosmique avec ses claviers dérangeant, « Hymn To A Gas Giant » joué d’une manière difficilement descriptible à la guitare, ainsi que les trois derniers clôturant l’album. Quant au reste, ça joue toujours aussi vite, mais légèrement moins inspiré que le formidable trio d’ouverture. « Umulamahri » ressemble légèrement à « Where The Slime » allant même jusqu’à utiliser les mêmes effets sur la voix à la différence que Morbid Angel a pris soin de placer un break effroyable de brutalité. Après un solo toujours aussi torturé, un riff saccadé nous casse les vertèbres le tout appuyé par un blast furieux. Rajoutez-y des solos et c’est reparti pour un tour. Cette partie est assez atypique mais a véritablement sa place dans un tel album. « Hellspawn : The Rebirth » est purement brutale, on est de retour à la l’époque Altars Of Madness mais en beaucoup plus rapide.
Comme précisé auparavant, Morbid Angel explore de nouveaux horizons et emmène l’auditeur en terre inconnue. Deux morceaux incarnent à merveille ce nouveau paysage : « Covenant Of Death » et « Invocation Of The Continual One ». Le premier s’achève dans une désolation totale, faite de mélodie (oui oui) lancinante et macabre, le second est quasiment épique. Pendant presque 10 minutes le groupe nous fait traversé de vastes étendues suffocantes. Le chant est doublé et souvent en sumérien avec Steve Tucker et Trey Azagthoth avec sa voix très « black », les parties sont nombreuses, pour s’achever sur des mélodies infernales et très chaotiques, mais je préfère ne pas trop en dire et vous laisser savourer ce superbe morceau.
L’impression que l’on pouvait avoir au début est nettement confirmée, le ton s’est durcit, la rapidité d’exécution est incroyable. C’est un concept album, issu de l’esprit occulte de Trey Azagthoth. Cet album traite de la chair et de la création (et autres sujets difficilement compréhensibles pour les pauvres mortels que nous sommes). La musique de Morbid Angel a donc gagné en brutalité, tout en restant très riche. Le groupe sonne plus brut que ce qu’on pouvait entendre sur Domination, et se déchaîne littéralement dans ces compos. On a presque l’impression que Trey était frustré sur Domination et qu’il a laissé libre court à son génie créatif pour aller plus vite mais aussi pour procurer des sentiments que sa musique ne pouvait pas dégager avec David Vincent, ayant une très forte personnalité. Alors pourquoi pas la note maximale me direz-vous. La fin du cd n’est pas des plus réussie, là où Domination s’achevait de manière magistrale, trois titres instrumentaux se succèdent et tranchent beaucoup trop avec le reste du cd. C’est aussi plus brutal que le reste de leurs albums, donc par moment ça manque de variété. Mais le trio d’ouverture ainsi que le contenu plus riche qu’on ne peut le penser valent à eux-mêmes l’achat de cet album composé de main de maître par un des musiciens les plus inspirés du métal extrême.
| Scum 15 Octobre 2005 - 6727 lectures |
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