Death Strike - Fuckin' Death
Chronique
Death Strike Fuckin' Death
Paul Speckmann a toujours été un gars très occupé. Né à Chicago en 1963, il fait ses débuts dans le milieu en 1983 avec la première démo du groupe War Cry. Mais plutôt que de poursuivre, il décide avec l’aide du batteur Bill Schmidt de former son propre groupe histoire d’explorer des territoires plus agressifs que celui d’un Power/Doom qui ne lui sied guère. Les deux forment ainsi Master dans la foulé. Après avoir auditionné sans succès pas moins de vingt-six guitaristes, Bill Schmidt décide d’aller voir ailleurs, laissant ainsi Paul Speckmann avec sa bite et son couteau. Juste ce qu’il lui fallait pour former Death Strike. Pour l’aider dans cette nouvelle aventure, celui-ci fait appel aux services des guitaristes Chris Mittlebrun (recalé l’année précédente lors des auditions pour Master) et Kirk Miller (alors âgé de seulement 16 ans) et du batteur John Leprich.
Ensemble, le groupe n’enregistrera officiellement qu’une seule démo intitulée Fuckin' Death avant de faire à nouveau un peu de ménage dans ses effectifs (exit Kirk Miller et John Leprich, welcome back Bill Schmidt) et reprendre au passage le nom de Master. Sortie en janvier 1985, cette unique démo sera éditée en LP quelques années plus tard par Nuclear Blast avec en guise de supplément quatre morceaux restés jusque-là inédits ainsi qu’un nouvel artwork particulièrement badass. Il faudra cependant attendre 2010 et Dark Descent Records pour qu’enfin voit le jour une version CD agrémentée pour l’occasion de quatre autres titres (dont deux inédits) en mode « rehearsal ».
Si l’on cite à juste titre Possessed comme les instigateurs du Death Metal avec leur premier album sorti en 1985, il ne faudrait pas pour autant oublier Death Strike qui était là à la même époque. Ce sont malheureusement ces histoires de line-up et de contrat non respecté qui joueront contre Paul Speckmann et ses acolytes puisque s’il a été enregistré lui aussi en 1985, le premier album de Master ne sera finalement rendu public qu’en 1990. Malgré tout, personne ne pourra démentir le rôle de précurseur qu’a joué à l’époque Death Strike dans l’underground même si son nom n’est pas celui le plus cité lorsque l’on évoque les origines du Death Metal.
Encore très largement inspiré par les premiers élans de la scène Thrash, notamment ceux d’un certain Slayer, ainsi que par les groupes les plus agressifs de la NWOBHM (Motörhead et Venom en tête), la formule dispensée par le groupe de Chicago prend la forme d’un proto-Death Metal relativement simple et surtout particulièrement dépouillé. Auréolés par une production sommaire qui a pourtant plutôt bien vieillit malgré cette batterie dont les peaux semblent flotter à chacune des attaques de John Leprich, les quatre premiers titres de ce vrai/faux album se concentrent sur l’essentiel à coup de tchouka-tchouka (plus ou moins rapides) et autres rythmes Punk ultra entraînants, de riffs thrashisants plutôt simples mais alors toujours hyper efficaces, de solos foutraques à l’image de cette musique dépouillée ("The Truth" à 1:34, "Mangled Dehumanization" à 1:00, "Re-Entry And Destruction" à 1:41, "Pay To Die" à 1:46) et des lignes de chant arrachées et pleines de véhémence d’un Paul Speckmann déjà bien en verve ("Open your eyes. Clear your fuckin' mind. Remove that disguise deep in your mind", "They send you to churches and sick institutions. Brainless excuses for mindless abuses"). Le tout servi dans une atmosphère sombre et vicieuse assez typique du son de Chicago (Cianide, Abomination, Macabre, Contagion…). On pourrait presque parler d’une version non-Grindcore de Repulsion tant les deux groupes partagent à mon sens une approche assez similaire.
Composé à peu près à la même époque, les quatre morceaux suivants (ceux qui ne figurent pas sur la démo Fuckin’ Death parue en 1985) s’inscrivent pourtant dans un registre quelque peu différent. Au-delà de cette production plus soignée dont le défaut de batterie évoqué plus haut a été corrigé, Death Strike se plait cette fois-ci à évoluer sur des tempos nettement moins soutenus et plus lourds comme en témoigne à juste titre la durée des compositions qui flirte en moyenne avec les six minutes. Moins immédiat et plus sournois, le Death Metal de Death Strike y côtoie des sonorités Doom tout en nous offrant encore par moment de belles accélérations témoignant de cet intérêt évident pour le Thrash, le Heavy Metal burné et la scène D-Beat anglaise (Discharge, G.B.H., The Exploited...). Et si je ne suis pas forcément très client de cet exercice de réinterprétation auquel aime se prêter Paul Speckmann ("Man Killed America" ici, "America The Pitiful" sur On The Seventh Day God Created... Master), le reste s’avère particulièrement bien senti à commencer par l’excellent "The Final Conflict" sur lesquels les leads dispensés en première partie instaurent un climat encore plus moribond qu’à l’accoutumé.
Si cette première démo n’a jamais eu la portée d’un Seven Churches, elle n’en demeure pas moins l’un des premiers témoignages d’un genre qui n’en était alors qu’à ses tout premiers balbutiements. Et si la frontière avec le Thrash semble encore particulièrement mince, on sent tout de même que ce qui caractérisera plus tard le Death Metal et déjà là en filigrane (ces riffs plus sombres, la lourdeur de certaines compositions, le chant arraché encore très Punk dans l’esprit mais tout de même agressif…). Bref, le témoignage d’une époque aujourd’hui révolue et un classique à l'aura peut-être moins forte que certains mais aux compositions certainement tout aussi redoutables d'efficacités (compositions que l'on retrouvera d'ailleurs pour l'essentiel sur le premier album de Master).
| AxGxB 15 Juillet 2019 - 1373 lectures |
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