Après avoir frappé un grand coup dans le milieu du death metal, ou plus généralement du metal extrême, il était temps pour Morbid Angel de s’atteler à la composition du successeur du monstrueusement divin Covenant. Pour cela, le trio va recruter un jeune et talentueux guitariste âgé de 24 ans, officiant dans l’excellent mais ephémère groupe de death/thrash Ripping Corpse. Ce guitariste, nommé Erik Rutan, figurait dans les traditionnels remerciements et influences de Trey Azagthoth sur le livret de Blessed Are The Sick sorti 4 ans plus tôt.
« Dominate » ouvre les hostilités et démarre sur les chapeaux de roue. L’intro est directe et pour un titre d’ouverture, c’est le titre le plus rapide de l’album qui nous est servi en entrée. Pas de quartier, Morbid Angel maîtrise à merveille les tempos soutenus (fallait-il encore le prouver ?) grâce à la batterie de Pete Sandoval, mixée plus en avant. Le son de guitare a encore gagné en lourdeur et en puissance, il est aussi plus compact, épaulé par la basse. Le label Morrisound est toujours présent mais cette fois-ci sans Tom Morris, Le groupe lui-même épaulé par Bill Kennedy se charge de la production de l'album. Pour en revenir au titre, les riffs sont plus alambiqués du fait de l’arrivée de ce fameux guitariste. Pas que les riffs de Covenant pouvaient étaient simplistes mais on sent qu’un gros travail a été fourni pour rendre les compos plus riches. Les breaks sont toujours présents, lourds et eux aussi plus fouillés qu’à l’accoutumée.
Enfin débarque un des gros morceaux de l’album : l’hymne « Where The Slime Live », véritable titre « casse vertèbres ». Un riff, pachydermique, sur un rythme des plus lancinant. A chaque écoute on a l’impression de se retrouver empêtré dans l’immonde substance verdâtre de la pochette (plutôt immonde aussi). La voix de David Vincent est une fois de plus ultra-puissante, on dirait qu’il chante embourbé dans ce marais, la vase visqueuse lui rentrant dans la gorge (je précise que je ne suis pas en plein trip sur les marécages). Le break au milieu du titre est encore plus écrasant que le début, les riffs se multiplient, le rythme s’accélère et survient ce solo venu de nulle part. Un solo hallucinant au son très difficilement descriptible. Et ce rire tordu pour conclure ce morceau génial.
Comme précisé auparavant les riffs ont gagné en consistance, sont devenus plus fouillés, tout en restant directs. L’intro de « Eyes To See, Ears To Ear » est un bon exemple. Le décalage de son entre les deux guitares est judicieux. Depuis « God Of Emptiness », titre emblématique de Covenant, David Vincent parle, de sa voix rauque et puissante, sur le refrain. Le schéma rythmique est aussi plus fouillé, le tempo est plus varié. Et encore un break, cette fois-ci très sombre digne de Covenant, et un duel de solo entre Trey et Erik où chacun se renvoie la balle.
Les solos, parlons-en des solos. Ils ont considérablement évolué depuis les débuts du groupe et avaient un rôle différent sur chaque album. On a toujours l’impression que parfois la guitare émet des gémissements que seul Trey peut tirer, mais ici, du fait de l’arrivée d’Erik Rutan, les solos se font plus mélodiques d’une part mais aussi plus « cosmiques ». C’est difficilement descriptible mais c’est à partir de Domination que Trey Azagthoth se met à faire des solos avec cet fameuse touche aérienne, bourrés de notes aiguës (n’étant pas spécialiste, les guitaristes ne manqueront pas de mettre un nom sur cette technique, si technique il y a). Autre changement, le retour des titres atmosphériques instrumentaux. Moins kitsch que sur Blessed Are The Sick, ce sont des interludes, décrivant de vastes étendues lugubres et poisseuses (« Melting ») ou un climat astral très réussi (« Dreaming »), le tout à l’aide de tambour, synthé, cloche et autre flûte.
Ce qui suit n’est que pur bonheur. L’intro de « Nothing But Fear » est toujours aussi bien exécutée, avec le même léger décalage que sur « Eyes To See, Ears To Ear ». Le rythme est lent au début pour accélérer progressivement et arriver sur un blast ravageur. C’est cette fameuse peur qui l’air de rien, se resserre et s’empare de vous, pauvre auditeur pour ne plus vous quitter. Le break, imperial, arme presque systématique et imparable, fait mouche à nouveau. « Dawn Of The Angry » est une de mes favorites. Le rythme est très marqué, appuyé par un très gros riff. Le refrain est accrocheur, le blast toujours présent, comme à l’époque Covenant, puis arrive une véritable cassure rythmique au milieu du titre. La machine repart, toujours aussi imposante, sur une partie très catchy qui donne envie de taper du pied. Les solos s’alternent toujours autant inspirés par ce je-ne-sais-quoi de cosmique, sur un rythme bien thrash. La fin du titre à des airs godofemptinessiens. Assurément un des meilleurs titres de l’opus. « This Means War » est comme son nom l’indique, très guerrière. Tout est presque plus « techniques », le rythme n’est pas évident à suivre au début. Quelques ralentissements mid-tempos savamment dosés pour un titre rapide de facture classique.
Enfin arrive le moment ou Domination s’essouffle légèrement. « Caesar’s Palace » apporte son lot de changement avec une longue intro au synthé appuyé par un gémissement guitaristique. La lourdeur est majestueuse, mais voilà le riff principal ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de « Blessed Are The Sick / Leading The Rats ». Donc pour l’originalité, on a vu mieux, la fin et le refrain sont calqués sur le même schéma, et mis à part l’intro et quelques breaks, c’est à peu près la même chose mais avec un son bien meilleur. Pour ce qui est de « Inquisition (Burn With Me) », on reprend le même effet sur la voix que sur « Where The Slime Live », le refrain à la
« Blessed Are The Sick », on ajoute un rythme lent (presque trop), des solos et ça donne un titre que je trouve dispensable car la recette est trop facilement appliquée. Sur ces deux derniers titres, on a connu le groupe plus inspiré. Ces deux compos ne sont pas vraiment mauvaises mais l’une n’est pas très originale et pour l’autre, on a vraiment l’impression qu’ils ne se sont foulés pour la faire.
Et comme Covenant, on a droit à une fin merveilleuse. Ici c’est « Hatework » qui joue le rôle de grand final. L’intro est tout bonnement géniale, on dirait une marche militaire pour une légion de guerriers infernaux. Le synthé et les cloches, lugubres et glauques et là, David Vincent nous sort une voix gutturale digne d’un chef de guerre haranguant ses troupes. Par moment on croirait que c’est Frank Mullen (chanteur de Suffocation pour les incultes) qui est aux vocalises. L’ambiance est haineuse et guerrière, tandis que Pete Sandoval bat toujours la mesure. Le riff consolide l’ensemble, toujours d’une pesanteur incroyable, avec des nappes de claviers utilisées judicieusement. C’est une marche, vers une place macabre, une fin inexorable. Le temps d’un solo et tout redevient calme. Tout simplement hallucinant.
L’arrivée d’Erik Rutan a permis au groupe d’explorer de nouveaux horizons. Le rythme est généralement lent, même s’il reste quelques titres rapides et les compos ont gagné en densité. Elles sont plus élaborées que sur Covenant mais tout en restant efficaces et puissantes. Domination reste globalement une œuvre inspirée (peut-être pas la plus) entre morceaux brutaux sur la première partie et morceaux beaucoup plus lents laissant place aux ambiances dans la seconde partie. Une seconde partie entachée par deux titres de qualité et d’originalité moindres même si cela reste acceptable pour un groupe de ce calibre et que le titre final nous fait vite oublier cet écart. C’est aussi le meilleur album du point de vue du chant, David Vincent est au meilleur de sa forme, sa voix puissante est très compréhensible et donne à chaque titre une redoutable efficacité. Même si le côté infernal d’Altars Of Madness a quasiment disparu et que la profondeur de Covenant n’est pas égalée, Domination s’écoute en boucle jusqu’à avoir sombré dans les abîmes suffocantes que l’album esquisse au fur et à mesure de l’écoute. Et pour finir sur une note plus légère, ne le fuyez pas à cause de la pochette, ce serait dommage de passer à côté d’un des meilleurs albums du groupe.
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