Derrière cette pochette, toujours pas un groupe de doom / death metal à tendance gothique mais…
Attendez ! Les choses seront cette fois bien différentes que pour
The Apotheker. Si ce premier album de Laudanum avait pu convaincre de son sludge AOC modernisant ce qu’il faut le genre sans le dénaturer, gardant en tête l’objectif d’exploser les nôtres,
The Coronation, lui, ne présente pas le même respect que pour les lettres écrites par Dystopia ou Grief. À croire qu’il ne s’agit pas là du même groupe tant cet ultime longue-durée – dans tous les sens du mot, celui-ci étant le dernier des Ricains – possède une forme à des années-lumières de son prédécesseur ! Cette affirmation n’est d’ailleurs pas tout à fait fausse, le couple Becky et Judd Hawk ayant sévèrement remanié son line-up, s’entourant de Nathan Misterek (hurleur de Graves at Sea, ici également au micro) et Greg Wilkinson (Brainoil).
Soit deux noms qui ne sont pas exactement n’importe qui, contribuant grandement à cette anomalie qu’est
The Coronation. Inutile de tenter toute comparaison excessive avec
The Apotheker malgré un style proche sur le papier, tant Laudanum a muté, devenant une entité d’une noirceur peu commune. Adieu rouge brûlant et peinture d’une Amérique prise dans ses contradictions ; Bonsoir gris-bleu des heures sans lumières et terreur nocturne enveloppante et mordante de froid. Bonne nuit pour personne, l’état hypnotique induit par ces quarante-neuf minutes étant celui d’une paralysie du sommeil.
Conçu comme un seul morceau découpé en plusieurs mouvements – du moins est-ce l’impression qu’il donne tant tout coule et nous avec –,
The Coronation transmet en effet le sentiment d’être conscient et incapable de bouger, à la manière des ces nombreux passages statiques, suggestifs, prenant leurs influences dans les scènes dark ambient. Si ceux ayant découvert le projet originaire d’Oakland – comme un certain Neurosis, soit de quoi imaginer un peu plus cette ville comme un champs de ruines fantomatique – à leur début pourront se souvenir des quelques passages samplés et bruitistes de
The Apotheker, la surprise restera de taille : prenant une grande part de ce disque, ils ne sont pas à voir comme des habillages mais bien comme constitutifs de l’atmosphère de ce disque.
Une atmosphère spirituelle et cauchemardesque, mettant en musique ce frisson à la nuque que l’on ressent parfois sans en connaître l’origine. Ne cherchez pas dans le coin de votre œil l’horreur qui se terre dans vos oreilles, celle de ce sludge devenu démon des lits où notre esprit cherche le repos. Une voix stridente, aussi sadique qu’horrifiée, ne laisse aucun doute sur ce qui fait lever les poils durant l’écoute de
The Coronation, de même que cette basse qui clapote constamment, point d’ancrage à des guitares cherchant la lévitation. Se créé dans ce paradoxe un malaise fascinant, difficilement traduisible, évoquant un mélange entre délice – osons dire qu’il y a de la beauté dans ces mélodies qui strient notre cervelle de leur mélancolie – et torture, soutenu par une production « noir de jais », abyssale mais laissant apparaître quelques légers reflets, augmentant par contraste leur pouvoir (ces moments où les guitares surgissent…).
Atriarch, Sink, Amber Asylum – dont Becky Hawk sera plus tard, ce n’est pas un hasard,
la batteuse –, Lurker of Chalice, The Gault... Voilà auprès de qui on a envie de mettre ici Laudanum, ce dernier ayant transfiguré son sludge pour l’emmener de l’autre côté. Pour autant,
The Coronation demande un certain investissement, ne s’inscrivant pas parfaitement à toutes les occasions. Parfois trop longitudinale, la tension qu’il cherche à créer s’étiole en fin de disque, là où on aimerait entendre ces guitares et cette harpie arracher un peu plus les lambeaux de nos rêves.
Une légère frustration, qui ne doit pas minimiser ce qu’a réussi Laudanum avec
The Coronation. On aura beau réfléchir à un exact équivalent à ce disque, aucun ne viendra en tête, les quelques ponts jetés dans ce texte n’étant là que pour exprimer une fraternité d’esprit. Verre à moitié vide : dommage que le projet ait explosé en plein vol car, en poursuivant cette ligne, il aurait pu devenir un grand pour qui aime sa musique comme on aime ses cauchemars. Verre à moitié plein : à boire comme un rare et savamment distillé poison, de ceux destinés aux plus étranges et maladifs palais. Neurasthéniques de tous les pays, vous savez ce qui vous reste à faire.
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