On se fout parfois de la gueule du rap et de son principe de « posse » (enfin, moi je ne le fais pas hein, je parle pour vous) qui, du moins en France, est souvent lié à une démarche mercantile d’occupation des antennes mais le
grind n’a rien à lui envier, la vision capitaliste en moins bien évidemment. Ainsi, à Lyon, un véritable microcosme est en train de se développer autour de musiciens partageant leur temps entre
LOVGUN,
CIVILIAN THROWER et
RAN, trois formations (et probablement d’autres) habitant peu ou prou chez les mêmes labels et semblant avoir pour ambition commune d’explorer toutes les possibilités offertes par le
grindcore. Ainsi, le premier est celui qui en a l’approche la plus moderne, avec sa technique, ses fulgurances et sa prod’ limpide, le deuxième suit la piste des précurseurs des années 80 dans une veine aussi rustre que brutale, le troisième enfin vise davantage le
crust punk anglais, le
d-beat, avec un arrière-goût de vieux
death metal lors de certains riffs, « Morbid Medley » en tête de gondole. Comme dirait l’autre, ils n’ont pas le même maillot mais ils ont la même passion, dévorante, pour l’extrême.
De tous,
RAN est celui qui propose les compositions les plus longues, on ne dépasse pas pour autant les deux minutes, ce qui fait d’«
Atrabilär » un pur produit de la scène
hardcore, un objet qui ne finasse pas, l’équivalent musical d’une baston de rue. On y gueule fort, il y a de grands moulinets de bras et des coups de latte dans les parties sensibles. C’est sans pitié donc, il ne fallait de toute façon pas s’attendre à une débauche de technicité ou à un met raffiné, la pochette (pour le moins intrigante) ne laissant guère de place au doute. Avec de tels arguments, il fallait une production à l’avenant et là aussi le compte est bon : la basse vrombit (ou ronronne sur « Rat Race » par exemple), le chanteur aboie dans un registre brut et sans fard, la guitare cisaille ses riffs minimalistes et le batteur abat un boulot de forcené pour faire exploser les compteurs de vitesse, même s’il sait également plaquer des mid-tempos propices à une
gorilla dance.
Et à bien y regarder, le nom de l’album «
Atrabilär » est particulièrement bien choisi. En effet, ce terme a un pôle négatif et un pôle positif. Nous le connaissons surtout pour sa définition de l’abattement, de la tristesse, de la critique (l’humeur noire), ce qui correspond idéalement au ressenti lors de l’écoute de ces quatorze titres. Mais l’atrabile renvoie également à la fiabilité, la maîtrise de soi et là encore
RAN coche toutes les cases : fiable car de qualité constante pour une brutalité urbaine maximale, sans baisse de régime ou compositions moins inspirées. Maître de soi car la violence est canalisée, compactée pour que chaque note soit une grosse claque à la Bud Spencer.
Un album ni génial, ni merveilleux, juste l’équivalent sonore d’une folle poussée d’adrénaline, c’est déjà énorme.
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