Napalm Death - Utopia Banished
Chronique
Napalm Death Utopia Banished
We are their cattle, we are being bred for slavery ...
Les cinéphiles avertis, amateurs de versions originales et de vieux films de SF auront peut être identifié le sample présent au démarrage de la piste 14 de l'album, “Awake (To A Life Of Misery)”. Et si j'ai mis une bonne dizaine d'années pour faire la filiation entre “Utopia Banished” et “They Live!” (“Invasion Los Angeles” en VF) de John Carpenter, le lien entre deux oeuvres pourvues d'une même conscience sociale est on ne peut plus logique : en bons francs tireurs, les anglais ne pouvaient qu'apprécier un cinéaste hors normes pour qui la remise en cause de l'ordre établi constitue l'essence même de son cinéma. Le change your life derrière lequel les membres de NAPALM se font tirer le portrait au dos du CD est pour le moins explicite, mais Barney et consorts n'ont attendu personne pour changer la donne musicale après un “Harmony Corruption” en forme de faux départ pour les nouveaux venus Mark Greenway (chant), Mitch Harris (guitare) et Jesse Pintado (guitare). Car de l'avis même des intéressés, l'album le plus death de leur discographie, bien qu'auréolé d'une grande réussite commerciale, est assez éloigné de ce qu'ils avaient en tête au moment de passer à la moulinette floridienne. Critiqués par les puristes du grind pour avoir cédé aux sirènes du death pur et dur, les membres de NAPALM ont probablement manqué d'assurance et d'expérience lorsque Scott Burns a pris les commandes. En résulte un album à part, que j'apprécie énormément mais qui manque un peu d'intensité au regard de “Scum” et “F.E.T.O.”, dont la radicalité du tempo et l'extrême brièveté des titres donnait au genre grindcore ses lettres de noblesse.
Les quelques compos disséminées au démarrage de la compilation “Death By Manipulation” laissaient présager un retour aux affaires plus brutal (“Mass Appeal Madness”! Incontournable) mais le départ de Mick Harris, le batteur originel, pour divergences musicales, n'augurait rien de bon pour NAPALM DEATH. Pourtant, malgré tout le respect que je dois à l'inventeur du blast-beat, son remplaçant s'avère bien plus qu'à la hauteur, Danny Herrera apportant une plus value certaine en terme de technique et de vélocité. Plus complet, plus rapide et certainement mieux traité par un Colin Richardson toujours à son affaire lorsqu'il s'agit d'affoler les compteurs, Herrera est pour moi LE batteur de NAPALM DEATH, et point barre, “Utopia Banished” étant à mes yeux la pierre angulaire qui manquait aux anglais pour s'imposer définitivement comme les patrons de la scène. Ultra violent, abrasif à souhait, d'une intensité incroyable et bardé d'incessants changements de rythme, “Utopia Banished” est en plus une usine à débiter du riff par palettes entières, une machine infernale dont le pouvoir de fascination ne fait que s'accroître titre après titre. Album très technique qui ferait presque passer “Harmony Corruption” pour du doom, “Utopia”est aussi ce que l'on trouve de plus proche de ce que NAPALM DEATH a récemment proposé sur “Smear Campaign” ou “The Code Is Red”. En termes extrêmes tout d'abord, la paire de guitaristes Harris/Pintado imposant définitivement sa marque de fabrique et les growls de Barney, bien secondés par les screams caractéristiques de Mitch, basculant pour de bon dans la pure animalité. En terme de tracklisting ensuite, “Utopia” proposant un pendant introductif à un titre comme “Weltschmerz” ainsi qu'une incursion en territoire noisy où le tempo se voit considérablement ralenti - “Contemptuous”, sorte de “Morale”, “Omnipresent Knife In Your Back” ou encore “Atheist Runt” avant l'heure - le temps d'un morceau.
Les nouveaux venus dans la sphère NAPALM, désireux de piocher dans le back catalogue, sont donc plus que priés de jeter une oreille sur ce qui reste comme la livraison la plus radicale du combo de Birmingham, l'intro bruitiste “Discordance” sonnant ici comme un avant goût de l'enfer industriel et du 24/7 rat race cher à la classe ouvrière. Le tumulte des guitares en fusion à 2:22 sur la pugilesque “The World Keeps Turning” ne trompe d'ailleurs personne, NAPALM DEATH délivrant avec la fougue qu'on lui connaît un foudroyant successeur au classique “Suffer The Children”. Riffs géniaux, breaks dévastateurs et blasts incessants forment une recette gagnante appliquée de bout en bout par le groupe, l'auditeur pris dans la tourmente n'ayant guère que quelques rares solis chaotiques auquels se raccrocher (sur “I Abstain” et “Juidicial Slime”) avant de finir sa course au pilon sur “Judicial Slime” et sa basse harassante à 2:04, l'ultra brutale “Distorting The Medium” n'offrant une terre d'asile mid tempo à compter de 0:55 que pour mieux préparer le terrain miné d'une fin de programme donnant dans le tout rapide et l'excès de barbarie, “Exile” et “Awake (To A Life Of Misery)” en tête. Autre particularisme à signaler, “Utopia Banished”, album très homogène où le niveau s'avère on ne peut plus élevé, est d'assez loin celui ou Jesse Pintado, plus en retrait par la suite par rapport au tandem Harris/Embury, a le plus composé. Ça se ressent dans les riffs, bien plus death, qui contrebalancent idéalement la touche hardcore amenée par Shane Embury, ceux ci étant en nombre suffisant pour faire le bonheur d'une demi douzaine de formations en manque d'idées pour leur premier full length. Ne souffrant aucun temps mort (mais alors vraiment aucun!!!), ce “Utopia Banished” aussi harassant que monstrueusement jouissif a des airs d'album ultime pour un NAPALM DEATH qui a sans doute poussé la machine jusqu'à la limite de ses capacités, ses membres revenant à plus de simplicité sur un “Fear, Emptiness, Despair” qui inaugurait avec réussite la période indus du groupe.
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