Brutal Truth - Sounds Of The Animal Kingdom
Chronique
Brutal Truth Sounds Of The Animal Kingdom
Au sortir du deuxième conflit mondial, une poignée de visionnaires créèrent un nouveau mode d'expression basé sur l'impulsivité, la rage et l'anti-conformisme. Pas le true black, ça c'était après la guerre du golfe, mais bel et bien l'action painting. Ce nouveau genre pictural, dont Jackson Pollock était la figure de proue, semait la confusion chez les amateurs d'art et autres peintres du dimanche, lesquels voyaient soudain voler en éclat le cadre traditionnel de la représentation. Fini les bonnes vieilles perspectives d'antan, terminé le figuratif (jugé trop old school) et bienvenue dans le monde réel ; à la violence des projections de peinture s'ajoutait une représentation frontale, in your face, représentative de la crise existentielle de l'homme moderne. Un postulat d'avant garde qu'aurait ainsi résumé le visiteur lambda, adepte des croûtes champêtres : « Ça ressemble à rien, c'est de la merde ! ».
Quarante ans plus tard, si monsieur lambda avait par malheur croisé le chemin de BRUTAL TRUTH, la sentence aurait sans doute été la même : « Je comprend rien, c'est du bruit ! ».
Pourtant, comme Pollock en son temps, le groupe de Dan Lilker (ANTHRAX, S.O.D., NUCLEAR ASSAULT) et Richard Hoak (TOTAL FUCKING DESTRUCTION) cherche à projeter de l'ordre et du sens dans un monde de plus en plus dépourvu d'humanité. Un an avant CANNIBAL CORPSE, les new yorkais ouvraient grand les portes d'une galerie du suicide, exposant à la face d'un monde agonisant les 22 compositions de ce "Sounds of the Animal Kingdom" prophétique. Un vernissage en forme de jugement dernier, comme en atteste l'artwork au dos du CD : la ville de New York et son terrifiant reflet, une interminable rangée de tombes, fusionnant dans une symétrie quasi parfaite. Et non loin du viseur de ce qu'on devine être une arme de destruction massive, les Twin Towers !!!
Le monde civilisé est ici balayé d'un foudroyant revers à deux mains par des musiciens au sommet de leur art. Les trois premières esquisses de ce tableau de maître (Dementia, K.A.P., Vision) propulsent l'auditeur dans un cadre urbain régi par la violence et la guérilla, impression renforcée par une production organique au rendu très live. Le sentiment d'urgence grandit au fil des déflagrations et des cris de guerre insurrectionnels du très affûté Kevin Sharp, qui tiennent autant de la décharge d'adrénaline que d'une rafale de AK-47, le groupe reprenant les choses là où "Kill Trend Suicide" les avait laissées.
Mais que fait la police ? partie chercher de l'aide en haut lieu, sans défense devant ces riffs jazzy à la limite de la déstructuration, parfois groovy, toujours killer. Après un démarrage aussi sec, on mise alors sur un album de grind dans la grande tradition, égrainant cinquante tonnes de blasts et de cris en moins de temps qu'il n'en faut à NAPALM DEATH pour sortir un classique.
Mais c'est là que BRUTAL TRUTH fait très fort. Les action grinders, qui ont plus d'une couleur à leur palette, enrichissent la toile de variations meurtrières comme le lugubre "Blue World", plage ambiant répétant en boucle un jingle intemporel, entre deux bourrasques balayant la terre dévastée ; seuls perdurent ces cœurs féminins à caractère publicitaire dont on ne sait même plus à quel code barre ils se réfèrent. La suite du programme emprunte un peu à la période indus de NAPALM (Diatribes), à GODFLESH voire MORGOTH (Odium), pour cette omniprésence d'un basse vrombissante, ce festival de dissonances en tous genres et cette ambiance de fin des temps collant la chair de poule. Le malaise est palpable, et ce ne sont pas les quelques tueries hardcore (Callous, Fisting) qui changeront quoi que ce soit à la noirceur du tableau. Ce voyage au bout de l'enfer s'achève par une mise à mort des plus éprouvante : "Prey", sample de "Average People" tournant en boucle, fait l'effet d'une partie de roulette russe ; on sait qu'on va y rester mais reste à savoir quand, le morceau durant plus de 21 minutes !!!
La cover de ce 4ème véritable album (qui devrait trôner dans le bureau de chaque cadre sup qui se respecte) justifie à elle seule l'acquisition de cet album ; un artwork puissamment évocateur pour un groupe défiant les lois de la rythmique et du son, sans se défaire de l'arsenal rythmique qui a fait sa réputation (ça reste des morceaux, on est pas chez FANTOMAS non plus). 10 ans après sa sortie, SOTAK n'a rien perdu de son attrait. Si le primitive future que nous promet BRUTAL TRUTH fait encore peur à entendre, c'est sûrement qu'il est très proche de la vérité. Forcément brutale !
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