A l'aune de quels critères juge-t-on l'intérêt d'une reformation ? Si la nécessité de ressortir du placard tel ou tel combo relève parfois d'un intérêt strictement commercial pour certaines grosses machines du rock, le plus souvent, la résurrection intervient de façon moins mécanique pour les autres. Dans le cas de BRUTAL TRUTH, un des patrons du circuit grind des années 90, la coupure a été longue (le précédent full length,
« Sounds Of The Animal Kingdom », date de 1997) mais sans que ses principaux membres soient pour autant restés dans le formol. Rich Hoak, le batteur, a fondé TOTAL FUCKING DESTRUCTION et l'increvable Dan Lilker a traîné sa grande carcasse chez S.O.D. et VENOMOUS CONCEPT, projet punk grind monté à l'initiative de Shane Embury et Kevin Sharp. Tout sauf rouillés, les new-yorkais replongent dans le grand bain accidentellement, se fendant d'une reprise pour venir en aide à leurs potes de EYEHATEGOD, dépossédés de leur matériel par l'ouragan Katrina. Suivent une apparition sur la compilation « Grind/Powerviolence This Comp' Kills Fascists » chez Relapse, plus quelques apparitions scéniques de choix sur divers festivals (dont le Hellfest en 2007) avant que BRUTAL TRUTH n'entérine définitivement son retour avec un nouvel album, le bien nommé « Evolution Through Revolution ».
Bien nommé non pas parce que le groupe a changé son fusil d'épaule, expérimenté à tout va ou renié ses racines grind : non, BRUTAL TRUTH est égal à lui même et leurs nombreux partisans seront ravis d'apprendre que leur grind frontal à forts relents chaotiques n'a rien perdu de sa force de frappe, ni son pouvoir de fascination. Loin des délires porn grind d'une grosse partie de la scène, BRUTAL TRUTH fait, de manière moins directe qu'un MISERY INDEX ou un NAPALM DEATH, dans le social et la remise en cause de l'ordre établi. Mais plutôt que d'offrir des repas chauds et de servir la soupe aux chantres du metal de masse, les frappadingues Hoak, Lilker et Sharp préfèrent distribuer des pains à tout va avec toute la finesse qui les caractérise. Brent McCarthy n'ayant pu participer à la fête du gnon, c'est Erik Burke de NUCLEAR ASSAULT qui prend la relève, sans que la face musicale du groupe en soit changée le moins du monde. Le résultat brut, d'une puissance rare, ne souffre aucune contestation : du pugilesque « Sugardaddy » au micro grind vintage de « Branded » (6 secondes montre en main!), BRUTAL TRUTH remet les poings dans la gueule du genre avec une énergie décuplée et un goût prononcé pour le combat de rue. Tour à tour effrayants, jouissifs et hypnotiques, les vingt titres de « Evolution Through Revolution » tissent une trame brutale où l'on retrouve toutes les caractéristiques passées du groupe : blasts incessants (« Lifer »), accélérations déraisonnables compensées par des coups de pédale doomy (« Fist In Mouth ») sur fond de hurlements, breaks de basse imprévisibles et jazzy, guitares noisy alliant férocité hardcore (la très napalmisante « Global Good Guy », le riff monstrueux de « Get A Therapist ... Spare The World ») et interludes ambiant lugubres (« Semi-Automatic Carnation », spécial chair de poule), destructurations à tout va (« On The Hunt »), rien ne manque au programme de nettoyage neuronal par le vide et de décollage de vertèbres à grand renfort de double pédale. Mais la grande nouveauté au regard des efforts précédents, c'est que BRUTAL TRUTH ne souffre plus aucune baisse de régime ni ne sombre dans l'expérimental pénible et hasardeux, comme il pouvait le faire parfois sur
« Need To Control » ou
« Sounds Of The Animal Kingdom ». Dense, suffisament varié et parfaitement équilibré, « E.T.R. » bénéficie en outre d'un tracklisting à l'épreuve des balles. Pour tout dire, malgré l'extrême violence de l'ensemble et le caractère exigeant que recquiert l'écoute d'un tel skeud, « E.T.R. » apparaît comme l'album le plus accessible du groupe, dans le sens ou deux ou trois écoutes suffisent à l'auditeur pour prendre ses marques et s'accrocher aux branches.
Autre changement positif, la production. Jason P.C. (BLOOD DUSTER) est a créditer ici d'un boulot admirable, jamais le groupe n'ayant aussi bien sonné, même sur
« Need To Control » (qui faisait la part belle aux guitares, Colin Richardson oblige). Une production Claire, puissante et équilibrée, avec ce petit grain qui fait toute la différence et garantie l'authenticité de la bête. Alors bien sûr, les nostalgiques de « Extreme Conditions » regretteront que BRUTAL TRUTH n'ait pas renoué un tant soit peu avec ses racines death et livre, sans surprise, un album somme toute assez proche de « S.O.T.A.K. ». Mais l'apparente facilité avec laquelle le groupe a retrouvé son niveau de jeu et la rage dont ils font preuve force le respect, comme l'immense prestation de cet aboyeur de génie qu'est Kevin Sharp, une nouvelle fois très impressionnant derrière le micro. Moins prévisible que "Time Waits For No Slaves" mais tout aussi féroce, "E.T.R." explose les standards de qualité en matière de
come back albums. Indispensable !
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