Napalm Death - Apex Predator - Easy Meat
Chronique
Napalm Death Apex Predator - Easy Meat
Honnêtement, la régularité avec laquelle Napalm Death enchaine les bons albums en deviendrait presque blasant. Non mais c’est vrai, depuis combien de temps les Anglais n’ont-ils pas sorti un mauvais album (si tant est qu’ils en aient déjà sorti un) ? Franchement, ça nous gâcherait presque une partie du plaisir… Ce petit pincement du bas ventre qui accompagne l’incertitude de la découverte d’une nouvelle cuvée dont on ignore encore la qualité. C’est donc sans grande surprise que nos Anglais préférés nous assènent ici un quinzième album studio d’une qualité égale à ce dont le groupe nous a habitué depuis presque trois décennies maintenant, toutes périodes stylistiques confondues. Si je choisissais la facilité, j’utiliserais la fameuse accroche
« si vous avez aimé le précédent vous aimerez celui-ci » et je pourrais presque m’en tenir là tant ce raccourci se vérifie à 100% ici. Mais par conscience professionnelle (et surtout parce que l’album le mérite, faut pas déconner !), développons un brin.
Album très largement inspiré par la terrible catastrophe du Rana Plaza, « Apex Predator – Easy Meat » nous renvoie une fois de plus en pleine face les dérives de nos sociétés ultra-consuméristes où la recherche du profit n’a pas de limite, pas même celle de la valeur de vies humaines. Napalm Death a toujours été un groupe engagé et ça ne changera pas. L’esclavagisme moderne n’est pas un thème nouveau pour Barney et ses sbires mais il trouve là une bien triste illustration (
« For I am a product inferior to inferior product, I am snarled in the links of your supply chains »). L’introduction éponyme nous mettra dans l’ambiance avec ses presque quatre minutes (un peu longue peut-être) d’un brouhaha indus et glauque faisant monter la pression jusqu’à l’explosion « Smash A Single Digit » qui rassurera tous ceux (s’ils y en avaient) qui se demandaient si le groupe n’allait pas finir par baisser en intensité. La réponse tient donc en une minute et vingt-cinq secondes et est clairement « non ». Si le discours de Barney est ici tout ce qu’il y a de plus commun pour le groupe, la musique suit, elle aussi, sans dévier d’un degré, le droit chemin des productions précédentes du combo. Trouver les différences entre
« Utilitarian » et « Apex Predator – Easy Meat » reviendra donc grosso merdo à un exercice sans intérêt d’importunage de diptère. Tout au plus pourrait-on ressentir un sentiment d’urgence un peu plus marqué peut-être, probablement lié au nombre important de titres autour des deux minutes mais le fan lambda ne sera absolument pas désarçonné. Le quartette de Birmingham reprend donc son grind-death décapant habituel (la balance penchant désormais sévèrement du côté grind avouons-le) avec toujours autant de hargne, d’intensité, de violence, de conviction, bref de tout ce qui fait que l’écoute de cet album vous donnera envie d’exploser vos meubles à coup de masse d’arme. Napalm Death continue judicieusement de nous asséner ces passages irrésistiblement headbanguants (« Smash A Single Digit » à 1’06, « Stubborn Stains » à 1’25, « Cesspits » à 3’15) et ces riffs de boucher à vous frapper la tête contre les murs (« Metaphorically Screw You » à 45’’, « How The Years Condemn » à 36’’, le début de « Cesspits », « Stunt Your Growth » à 55’’, le début de « Hierarchies »), le reste n’est que boucherie d’avalanche de blasts à vous mouliner la substance grise. « Dear Slum Landlord » sorte de lamentation, de complainte du bidonville, représentant le seul îlot de ‘’douceur’’ tout au long de ces quarante-sept minutes de folie furieuse se terminant sur une reprise des Suédois de G-Anx.
Nouvel album et nouveau coup de maître donc pour Napalm Death qui continue son sans-faute avec cette déconcertante facilité qui leur va si bien. Album empreint de lutte des classes et de violence sociale (les titres sont d’ailleurs magnifiquement illustrés à l’intérieur du livret), « Apex Predator – Easy Meat » ne devrait ni surprendre ni décevoir personne. Si l’on considère en plus les récentes démarches de Barney auprès du nouveau président indonésien Joko Widodo (grand fan du groupe) pour annuler l’exécution de plusieurs condamnés à mort pour trafic de drogue, on peut décemment se poser cette question : alors Mark ‘’Barney’’ Greenway, prochain prix Nobel de la paix ? En tout cas « Apex Predator – Easy Meat » pourra quant à lui lorgner sur le podium des meilleurs albums de l’année.
NB : la tracklist est celle de l’édition limitée mediabook.
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