J'en étais sûr - ou du moins, je continuais à y croire, désespérément. Et cette sortie surprise me rassure : Pig Destroyer n'est pas mort.
C'est pourtant l'impression qu'il a donné pendant près de dix ans. Bandant de plus en plus mou, depuis l'assez moyen
"Book Burner" de 2012, en constante dégringolade, sautant de sortie en demie-teinte en galette fadasse, jusqu'à atteindre les tréfonds de la paresse (je vous renvoie à mon papier traitant de
"The Octagonal Stairway"). Où Diable avaient pu passer la fougue et l'hystérie des débuts ? Restée enfouie au profit d'expérimentations pas très heureuses ? Ou bien la bande de J.R. s'est complètement assagie, leurs fulgurants débuts n'étant plus qu'à considérer en tant qu'errements de jeunes musiciens qui se cherchent ?
"Pornographers of Sound" et ses 23 titres prouvent deux choses : Non, la source ne s'est pas tarie, et les tauliers n'ont pas usurpé leur réputation, malgré quelques faux pas. Et surtout, les titres post-
"Book Burner" sont effectivement, purement, et simplement mauvais. L'exercice du live est particulièrement utile pour s'en rendre compte : enchaînez "Sourheart", bombe issue de
"Terrifyer", avec le médiocre "Concrete Beast" (sorti de la cuvette
"Head Cage"), on constate assez rapidement que ce n'est pas un fossé, mais un océan qui sépare le Pig Destroyer d'antan de l'actuel. Passons.
Enregistré
live au Saint Vitus au cours du mois d'Octobre 2019, devant un auditoire conquis d'avance,
"Pornographers of Sound" est à prendre comme un véritable best-of de Pig Destroyer, faisant le tour de sa riche discographie en trois quart-d'heure. Démontrant que même avec des cordes vocales complètement flinguées, J.R. sait toujours être menaçant. Malgré les errances, le duo de base Hayes / Hull, complété par l'impérial Adam Jarvis derrière les fûts, le
running gag Blake Harrison aux samples (utiles, cette fois) et de leur bassiste tout frais, Travis Stone, démontre que le ventre et les barbes ont eu beau pousser, les nerfs sont toujours à vif.. Au-delà des compositions post-2012, vraiment moyennes, c'est une leçon de Grindcore, aussi belle que simple, qui nous est administrée. Le son est fantastique, les musiciens carrés malgré quelques petits pains discrets, rendant les morceaux les plus incendiaires particulièrement efficaces, en témoigne la douloureuse doublette "Scarlet Hourglass" / "Thumbsucker". Liés entre eux par un jeu de samples toujours très à-propos, la setlist s'enchaîne sans réel temps mort, hormis les interventions d'un J.R. visiblement très content d'être devant son public - plaisir partagé ! Même les passages les plus expérimentaux prennent une dimension toute particulière : "Jennifer", interlude bruitiste à voix robotique, sonne ainsi particulièrement morbide. Et quel plaisir d'entendre la foule reprendre en cœur les deux dernières phrases de ce titre, restées mythiques :
"This is beautiful. This is Art." Non, le grand PxDx n'a jamais complètement disparu. Il est certes un peu usé, mais sait encore administrer de solides torgnoles.
Cet album live possède également un petit arrière-goût particulier. Souvenez-vous du temps où le mot "concert" n'était pas qu'un concept abstrait, mais quelque chose de réel et récurrent. Je ne sais pas si les gars de Pig Destroyer, pas plus que ceux de l'auditoire, ont eu un espèce de sixième sens, ou si c'est moi qui me monte un char énorme, mais je trouve à ce
"Pornographers of Sound" une incroyable urgence. Comme si le groupe donnait tout ce qui lui restait, quitte à en frôler l'épuisement (
"I'm definitely gonna need a cigarette from somebody after this set..."), parcourant l'ensemble de ses disques pour que personne ne se sente exclu; Avant de se faire enfermer, interdiction complète de faire vivre ses compositions sur scène, et vibrer son public. L'album porte bien son nom : il est obscène. Obscène de générosité, de violence, il en met partout, se vide littéralement, pressentant l'aridité des deux années à suivre - et ce n'est malheureusement qu'un début... Un retour en forme de baroud d'honneur qui mettra tout le monde d'accord. Merci, messieurs.
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