Daeva - Through Sheer Will And Black Magic
Chronique
Daeva Through Sheer Will And Black Magic
Révélé à la face du monde en octobre 2017 avec la sortie sur 20 Buck Spin d’un EP intitulé Pulsing Dark Absorptions, Daeva signait en fin d’année dernière son grand retour avec la parution cette fois-ci d’un premier album qui, disons-le franchement, s’est fait quelque peu attendre. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet et puisqu’il s’agit de leur première chronique ici sur Thrashocore, laissez-moi vous présenter Daeva comme il se doit.
Fondé en 2016 par Steve Jansson et Justin Bean (qui a depuis quitté le navire), le groupe évoluera dans un premier temps sous la forme d’un trio avant de procéder assez rapidement à quelques réajustements nécessaires. Aujourd’hui Daeva compte dans ses rangs trois membres des excellents Crypt Sermon (Steve Jansson à la guitare, Franck Chin à la basse et Enrique Sagarnaga à la batterie) ainsi qu’un certain Edward Gonet (ex-Infernal Stronghold) derrière le micro. Ce line-up qui n’a pas bougé depuis 2018 a fait en octobre dernier un retour fracassant avec la sortie de Through Sheer Will And Black Magic, un premier album de Black / Thrash particulièrement virulent que l’on ne pouvait décemment pas passer sous silence aussi longtemps…
Avant toute chose, saluons une fois encore l'excellent travail de Patrick Zöller plus connu sous la patronyme de Karmazid (13th Moon, Andavald, Bezwering, Chevalier, Lamp Of Murmuur, Urfaust, Venefixion...) qui à l’occasion de cette collaboration a semble-t-il opté pour une approche relativement différente de ses précédentes compositions. Si vous êtes habitués à son travail, vous l’aurez probablement déjà remarqué, celle-ci s’avère en effet nettement plus colorée et offre également au passage un petit peu plus de relief et de profondeur qu’à l’accoutumé. Une oeuvre contemporaine qui pourtant semble déjà obsolète avec ses couleurs diluées, presque pastel et sa composition grouillante et chargée. Pour autant, elle est bien de celles qui accrochent l’oeil et invitent l’auditeur un petit peu curieux à la découverte. Côté production, les Américains ont fait appel à un autre collaborateur talentueux puisque c’est Arthur Rizk qui signe l’enregistrement, le mixage et le mastering de ce premier album pour un résultat propre et équilibré mais au caractère néanmoins bien trempé.
Évoluant dans un enregistre qui laisse bien peu de place à la prise de risque ou ne serait-ce qu’à une quelconque originalité, Daeva n’est clairement pas de ceux qui révolutionneront quoi que ce soit avec leur formule. Cependant, à défaut de bouleverser le petit monde du Black / Thrash, les Américains vont lui redonner ses lettres de noblesse en optant pour un approche incisive et nerveuse entrecoupée tout de même par quelques séquences mid-tempo judicieusement amenées. Un choix intelligent puisqu’il permet de calmer le jeu de temps à autre et ainsi d’apporter un petit peu de relief et de profondeur à une recette qui sinon aurait probablement souffert d’une trop grande linéarité pour espérer convaincre sur la durée (trente-six minutes ici).
De fait, Through Sheer Will And Black Magic brille naturellement par cette dynamique soutenue menée pour l’essentiel à coup de riffs et autres fulgurances a priori pas bien compliqués (même si ça tricote sévère) mais terriblement efficaces et autres cavalcades pour le moins effrénées et haletantes sur lesquels va venir se poser la voix arrachée, « lointaine » et bardée de réverb d’Edward Gonet. Une association évidemment déjà vue et entendue un nombre incalculable de fois auparavant mais qui fonctionne ici à plein régime grâce à une succession de riffs qui puent le vice et la bagarre ("The Architect And The Monument", "Arena At Dis", "Loosen The Tongue Of The Dead", "Fragmenting In Ritual Splendor", "Luciferian Return"...), d’ajouts mélodiques discrets mais extrêmement bienvenues (les solos de "The Architect And The Monument" à 1:55, "Arena At Dis" à 1:48, "Passion Under The Hammer" à 1:39, "Fragmenting In Ritual Splendor" à 2:13, "Polluting The Sanctuary (Revolutions Against Faith)" à 1:46 ainsi que toutes ces petites dissonances et autres mélodies qui apportent à la musique de Daeva une atmosphère quasi religieuse très inspirée par ce que l’on peut entendre dans le Black Metal Orthodoxe...) et de blasts et autres coups de boutoirs hystériques à rendre débile n’importe quel prix Nobel (les entames en fanfare de "The Architect And The Monument", "Arena At Dis" et "Fragmenting In Ritual Splendor", "Loosen The Tongue Of The Dead" à 0:31, "Polluting The Sanctuary (Revolutions Against Faith)" à 0:44...). Bref, une formule largement éprouvée que Daeva déroule ici sans accrocs.
Bien entendu, comme les quatre américains ne sont pas que des brutes, ces derniers prennent plaisir à lever le pied histoire tout de même de varier les plaisirs et d’offrir autre chose que de quoi se taper la tête contre les murs en balançant par la fenêtre les meubles du salon. On trouve ainsi tout un tas de moments plus posés qui permettent à l’auditeur de reprendre son souffle mais surtout à Daeva de développer d’autres atmosphères tantôt plus lumineuses ("Fragmenting In Ritual Splendor" à 0:16, "Luciferian Return" à 2:23...) tantôt plus menaçantes ("Intro (Emanations)", la dernière minute de "Passion Under The Hammer", "Luciferian Return" à 4:45...). Bref, exactement ce qu’il faut pour rompre avec ces nombreux assauts aussi intenses qu’infernaux évoqués plus haut.
Si Daeva sait effectivement lever le pied de temps à autre c’est essentiellement poignée dans l’angle que le groupe américain mène sa barque. Se faisant, la formation redonne des couleurs à un genre dont les têtes de gondoles d’antan (coucou Deströyer 666) ont eu la mauvaise idée de calmer drastiquement le jeu quitte à devenir véritablement ennuyant… Pas de ça chez Daeva qui régale par l’intensité et l‘urgence de ses attaques implacables, par ses mélodies soignées, par ses ambiances vraiment prenantes et par ses atours Black Metal (entre sonorités Orthodoxe et approche plus primitive à la Bathory, Hellhammer et Celtic Frost) particulièrement prononcés (en tout cas bien plus que la plupart des groupes évoluant dans ce registre bâtard). Bref, une sortie à ne pas louper.
| AxGxB 14 Mars 2023 - 858 lectures |
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