On commençait presque à s'inquiéter pour Matron Thorn. L'Américain exilé en Finlande ne donnait que peu de signes de vie depuis le drama Ævangelist, sur lequel on ne va pas s'appesantir outre mesure. C'est qu'il nous avait habitué à un rythme de sorties fort soutenu, l'animal - et quand je dis "soutenu", entendez "j'ai oublié de prendre ma Ritaline". Et les quelques palpitations de son encéphalogramme restaient bien timides, ses dernières productions sonnant au mieux passable, au pire complètement quelconques :
"Nightmarecatcher" et
"Dream an Evil Dream III" sous le patronyme
Ævangelist,
"Purgatory Drive" avec
Benighted in Sodom,
"Eternally Yours" avec
Hex Arcana...
Alors forcément, quand les transalpins d'I, Voidhanger Records annoncèrent, parmi leur
batch de Mars, l'arrivée imminente du premier long-format de
Skrying Mirror, j'ai accueilli la nouvelle avec un sourcil légèrement relevé et un soupir de lassitude -
"Encore... Bon...". Rarement déçu par les productions de Luciano Gaglio, et plutôt séduit par les promesses de cette belle pochette (œuvre de Naya Kotko
*), j'ai pris mon courage à deux mains, mon cul par les anses, plongeant tête la première dans le bain bouillonnant. J'aurais peut-être dû me mouiller la nuque avant...
"Omnimalevolence" n'est pas mauvais, loin s'en faut. En même temps, Matron Thorn a su s'entourer de bons mercenaires pour sa mise en boîte. L'on retrouve dans le projet le chant glaireux si particulier de Kevin Yearout (
Conduit of Chaos,
Dionysian Rites,
Nexwomb...) qui signe également les paroles, et le frappeur fou Manuel Garcia, compagnon de longue date de Jordan - puisqu'ayant participé de près à
Ævangelist,
Benighted in Sodom ou encore
Carrie White Burns in Hell. Conçu, enregistré, mixé et masterisé entre Tampere, l'Oklahoma et Londres, ce premier long-jeu de
Skrying Mirror promettait un retour dans les cauchemars les plus sombres de son géniteur. Un beau bestiau d'une quarantaine de minutes, à situer quelque part au carrefour d'un
Portal et des plus belles heures d'un
Ævangelist. Ambiance position fœtale et lacération faciale aux ongles mal coupés, la larme à l’œil. La
tracklist traduite donne directement le ton : Néant, fractales, désir, tentatrice, famine, lumière, intraveineuse, abjurateur, échec... Tout un programme, et un bon résumé de la carrière de Matron Thorn, finalement.
Skrying Mirror accouche dans la douleur d'un disque qui pique, heurte et happe. Une base Industrielle bien présente, renforcée par cette production opaque, ce son de batterie si particulier (qui a remplacé la caisse claire de Manuel Garcia par un ballon de gym Kipsta ?), garnie de riffs à la soude, tirant tantôt sur le Death, tantôt sur le Black Metal.
"Omnimalevolence" porte bien son nom, méchant qu'il est, sur les bords et au milieu. Un pot-pourri de sentiments négatifs, la faucille sous la gorge des angoisses nocturnes, la terreur qui tord les tripes, les cent pas dans un appartement désespérément vide, impatient d'on-ne-sait-quoi - sauf de pouvoir s'extirper de la déprime. Qu'il galope sans souci de quoi ou qui se trouve sur sa route (le single "Fractals" et ses guitares dolentes) ou ralentisse le tempo pour mieux faire courber l'échine (le sublime "Temptress"),
Skrying Mirror partage le poids de son fardeau au long des neuf titres composant ce premier
full-length. Spirales de lignes mélodiques qui reviennent
ad nauseam, à en faire pleurer les pierres, vocaux souffreteux au service de paroles fleurant bon la crise d'adolescence, matraquage permanent de la rythmique, comme cette petite voix dans la tête qu'on aimerait faire taire.
Oui, au-delà de s'infliger pareille punition volontairement, l'on pourra bien reprocher à
"Omnimalevolence" quelques gimmicks pas toujours judicieux (ces arpèges lavasses qui reviennent plus souvent qu'on ne le souhaiterait, par exemple) et un côté scolaire, impersonnel, parfois assez appliqué. Néanmoins, l'homogénéité, et l'intensité des sentiments qu'il procure force un certain respect - étonnant, pour un disque complètement mort à l'intérieur. Pas d'espoir, pas plus que de rédemption au programme,
Skrying Mirror, c'est le chemin de croix, chat à neuf queues dans une main, et boîte de mouchoirs dans l'autre, les joues, le dos creusés par des sillons profonds... Sans oublier toute la bagagerie de Roissy collée sous les yeux. Tout le monde ne sera pas forcément sensible au propos très noir de
Skrying Mirror, néanmoins, ce premier essai est largement transformé - et ses menus défauts le rendraient presque encore plus attachant. Une belle découverte.
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