Spoiler alert : cette chronique sera un nouveau dithyrambe dédié à Ævangelist. Le duo Matron Thorn/Ascaris n'est pas prêt de laisser vacant son trône des terreurs spatiales – désolé si je m'emporte pour certains mais après deux disques de la taille de
De Masticatione Mortuorum in Tumulis et
Omen Ex Simulacra, la place est méritée pour moi. Pourtant,
Writhes in the Murk, derrière une apparente accessibilité, laisse au départ penser que l'artiste s'est laissé prendre par la facilité, capitalisant simplement sur les trouvailles de ses précédentes créations dans une synthèse qui laisse un goût de pas assez après deux œuvres jusqu'au-boutistes dans leurs différentes démarches. Qu'on se rassure, il n'en est rien et ce troisième longue-durée montre une nouvelle fois qu'il ne faut pas enfermer les Ricains dans quelconques idées préconçues ! Ils sont toujours les maîtres et nous, les invités de leurs domaine hostile, féroce, affreux, mais dont on ne souhaite jamais s'échapper.
Un opus assez déroutant au premier abord où semble régner une confusion ambiante ainsi qu'un fil conducteur des plus ténus. Cependant, passé le deuil de la bestialité cosmique de ses prédécesseurs, cette déception naissante va laisser place à la surprise,
Writhes in the Murk se dévoilant sans cesse avec le temps. Ainsi vous décelez ici des riffs rock basiques et entêtants sur « Hosanna », là des ambiances nautiques vous conduisant dans les Bermudes à bord d'un bateau délabré avec « Disquiet » pour seule compagne. Ævangelist fait donc sa mue – tout en conservant sa personnalité propre – se révélant plus terre-à-terre mais aussi enjôleur grâce notamment aux vocaux féminins enchanteurs beaucoup plus présents et l'apparition du saxophone sur le troublant « Ælixir ». A l'image de leur magnifique artwork – rappelant le cultissime manga
Spirale de Junji Ito – la musique des Américains vous happe et transporte dans un univers aussi singulier que mélancolique, faisant tournoyer vos plus douloureux souvenirs.
Un monde de tourments où, pour la première fois, on distingue des formes connues, s'entrelaçant dans une orgie où l'on est pris d'abord contre son gré, puis avec plaisir. Cependant, pas de quoi non plus avancer que les compositions du duo sont plus convenues sur
Writhes in the Murk, les entités discernables (Urfaust lors des passages en chant clair de « Hosanna » et « Præternigma » ; Spektr dans les quelques moments jazzy parsemant « The Only Grave », « Ælixir » ou encore le morceau-titre) étant assez hors-du-commun pour ne pas taxer la formation de « banale », ni même de « copieuse » : Ævangelist se sert de ces quelques rappels pour troubler autrement qu'auparavant, dans une symbiose au visage plus humain qu'autrefois mais modifiant, insidieusement, notre perception des choses, entre sauvagerie jouissive et caresses pernicieuses naissant du Chaos (l'orgasme « Harken to the Flesh »).
Contrairement à leurs premiers albums –
Omen Ex Simulacra en tête – où le duo se plaît à brutaliser l'auditeur par cette violence primaire venue d'outre-espace, il se fait sur ce dernier plus vicieux à la manière d'un bon film d'horreur japonais. L'ambiance est d'ailleurs posée dès le premier titre, à la fois lugubre et dérangeante mais aussi très enivrante, vous enveloppant de son fin voile noir. Un côté hypnotique qui est renforcé par des rythmiques efficaces, vous faisant inlassablement dodeliner de la tête, tout comme les longs passages atmosphériques des plus spectraux excitant l'imagination. Certes les passages death belliqueux, menés par la voix growlée toujours aussi caverneuse d'Ascaris, sont nombreux, savamment utilisés mais beaucoup moins monolithiques. Néanmoins, si Ævangelist arrive haut la main à vous faire ployer sous cette violence somme toute psychologique, l'étau se desserre quelque peu arrivé en fin d'album avec un
Writhes in the Murk en deçà des autres morceaux, pêchant par sa longueur.
Si
De Masticatione Mortuorum in Tumulis est la pestilence infiltrant l'espace, son successeur la guerre nous contaminant de sa fièvre, alors
Writhes in the Murk est la luxure où trouver à se repaître, un éveil des sens où le cerveau hésite entre le plaisir de découvrir de nouvelles sensations et l'horreur qu'elles entraînent. Bien que notre préférence reste pour la bête
Omen Ex Simulacra, le voyage vaut clairement – et une nouvelle fois – le détour. Qui sait ? Peut-être y entendrez-vous votre chair vibrer...
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