Foutu Ævangelist. Juste quand on pense qu'il commence à voir trop grand, au risque de se galvauder –
Enthrall to the Void of Bliss, bien que satisfaisant, n'offrait pas tout à fait cette surprise à laquelle les Ricains nous avaient habitués avec leurs œuvres précédentes –, le voilà nous sortant des cartons, mine de rien, une nouvelle brèche où se perdre, entre horreur et délice. Sans détour,
Dream an Evil Dream est une preuve supplémentaire qu'il ne faut rien attendre des créateurs de
Omen Ex Simulacra à part l'excellence, faisant leur un exercice casse-gueule sur le papier (le morceau-titre-fleuve, un cliché de toute formation dite « expérimentale ») en le mutant en voyage de première classe vers le Warp et ses différentes incarnations offrant le frisson de l'inédit. Une véritable excursion spatio-temporelle .
Car Matron Thorn et Ascaris aiment une fois de plus s'amuser à plier le temps ici. Originellement improvisée,
Dream an Evil Dream s'est vu retravaillée cette année, des samples, effets et chants se greffant à la structure de base. Une décision judicieuse, tant tout gagne en profondeur grâce aux meuglements incantatoires et volontairement sous-mixés d'Ascaris, au point qu'Ævangelist, cette entité immédiatement reconnaissable, arrive à se renouveler le long de ces trente-huit minutes. Question espace, le maître du Chaos paraît ici avoir choisi la Lune comme terrain à conquérir, ses guitares calcaires se délitant continuellement dans un ciel que l'on imagine dépourvu d'air. Un attachement à l'étouffement langoureux qui rappelle dans son âpreté et sa répétitivité la lourdeur de la Menteuse telle que peinte dans le deuxième disque de la réédition de
The Mystical Beast of Rebellion de Blut Aus Nord.
À l'écoute de cet EP, la fraternité entre les deux formations ne fait plus aucun doute et l'impatience créée par la sortie prochaine de leur split en commun grandit,
Dream an Evil Dream déclinant parfaitement des atmosphères similaires au projet français tout en conservant cette patte particulière, à la fois excessive et morbide, qu'Ævangelist ne doit qu'à lui-même. Une traversée dans son univers dont on ne retient aucun moment mais dans laquelle on se plonge à maintes reprises, la séance se terminant toujours dans une étrange sérénité malgré une interprétation qui n'a que faire de la géométrie classique (les instruments constamment en décalage les uns avec les autres). Si cette pièce manque éventuellement d'un pilier central sur lequel reposer l'ensemble, son ambiance nocturne et sa musicalité à-part, à la fois plus séduisante et pernicieuse qu'autrefois, en font un add-on nécessaire pour qui aime s'oublier quelques instants en compagnie des Ricains. Un plaisir de plus, clairement pas innocent, mais vécu en plein consentement. Les pierres, en lesquelles nous transforme Ævangelist sur
Dream an Evil Dream, ne sont pas réputées pour savoir dire « non », de toute façon.
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