Est-il nécessaire de préciser que nous attendions cette réunion entre Blut Aus Nord et Ævangelist avec impatience ? Quiconque ayant pris le temps de se balader sur notre site sait l'amour que nous portons aux deux projets, étranges, uniques et pourtant proches sur bien des aspects. Quelques lancées des MP3s partagés par Debemur Morti plus tard, le constat est sans appel : « communauté d'esprit » est décidément une expression qui va bien aux deux entités, celles-ci dépassant le patchwork incohérent du format split pour nous plonger dans leurs univers respectifs et cependant liés entre eux, sans besoin d'un recours au Warp.
Ne vous en faites pas : la seule chose semblant ampoulée et artificielle sur
Codex Obscura Nomina sera sa pochette ! Certes mauvais présage – mes excuses à son auteur, mais face au travail développé pour le split entre Blut Aus Nord et P.H.O.B.O.S par exemple, je trouve à son squelette et ses ornements une certaine pâleur...–, elle n'annonce en rien les talents développés le long de ces quarante-deux minutes ! Côté Blut Aus Nord d'abord qui, à seigneur tout honneur, débute par un « Evanescent Hallucinations » affichant rapidement ses intentions : guitares arborant leurs plus difformes notes aiguës, lignes coulantes, à la fois entêtantes, décharnées et abrasives... Oui, la participation de Vindsval donne l'impression de n'être rien de moins qu'un retour à la période
The Work Which Transforms God et
Thematic Emanation of Archetypal Multiplicity ! Une facette expérimentale du projet qui n'avait jamais tout à fait disparu (la première partie de la trilogie
777 vient rapidement en tête) mais qui semble ici prendre tout l'espace de ses mains amorphes nous agrippant pourtant comme rarement. Ce sentiment ne lâchera jamais l'écoute sans pour autant donner à croire que l'homme derrière les instruments se repose sur ses lauriers d'autrefois. En effet, point de redite s'arrêtant là durant les titres « Resonance(s) », « The Parallel Echöes » et surtout la boucherie « Infra-Voices Ensemble », ces derniers poussant les choses, non pas plus loin, mais vers une autre direction tout aussi glauque, religieuse, psychédélique et, chose nouvelle, attaquant autant la cervelle que le corps, par des rythmiques hip hop ployant les nuques. Autrefois présentes subtilement, elles sortent l'artillerie lourde sur ce split, au point de donner une aura nouvelle à la musique du Français, entre groove et abrutissement, ambiance urbaine d'une ville futuriste, mégalopole centrale de planètes sous l'égide du Chaos, et liturgie cherchant à s'élever. Une atmosphère distillée sur un temps court, mais permettant néanmoins à ces quatre titres de surprendre et prendre de bout en bout. Je sais qu'un split est plus qu'un affrontement et qu’élire un gagnant revient à faire d'une œuvre un simple match. Mais devant cette première partie, j'ai l'envie pressante de déclarer Vindsval vainqueur par K.O. !
Attention toutefois de ne pas traduire ce « K.O. » par mauvais. Certes la partie de Blut Aus Nord – se clôturant par le tubesque « Infra-Voices Ensemble » – vous explose à la figure d’entrée de jeu et il est difficile de passer après sans en faire les frais. De plus, la musique de Ævangelist est moins immédiate et toujours aussi nébuleuse, vous faisant penser à un patchwork informe de ce que le groupe a pu faire de mieux depuis ses débuts. Néanmoins, après quelques écoutes à faire la moue et tâtonner à l’aveugle, la lumière filtre au gré du temps, découvrant les moindres détails et connexions logiques de ce long titre fleuve qui dépasse les 22 minutes. Un format plutôt risqué et un travail de composition ardu qui sont chers aux Américains (cf. les deux derniers EPs
Abstract Catharsis et
Dream an Evil Dream), mais aussi un exercice dans lequel ils excellent. En effet, le duo se plaît à tricoter des ambiances aussi cauchemardesques que labyrinthiques – désormais leur marque de fabrique – et à pousser les auditeurs/rices dans leurs derniers retranchements. Sans surprise, l’introduction instrumentale de « Threshold of the Miraculous » vient vous cueillir avec ses nappes sonores cosmico-tentaculaires. Les riffs discordants couplés aux vocaux caverneux et inhumains amplifient la sensation de malaise ainsi que la perte de repères progressive, le tout mis en relief par des cassures et changements de rythmes nombreux. Une première partie horrifique renvoyant à l’album
Omen Ex Simulacra qui ne dépaysera donc pas les fans de la formation. Toutefois, des petites particularités vont se greffer à l’ensemble, faisant prendre petit à petit un autre tournant au morceau : le chant clair envoûtant (dont les parties en français feront sourire les francophones, ayant irrémédiablement pensé à Cristina Cordula) ou encore le passage plus atmosphérique et entêtant (à partir de 9:16). Les musiciens, tels des caméléons, effectuent leur mue au fil des minutes mais de façon cohérente et ordonnée malgré l’aspect décousu – au premier abord – de l’ensemble, préparant intelligemment le terrain pour la seconde partie à venir. Plus novatrice, intéressante et – paradoxalement – à visage humain (tel
Enthrall to the Void of Bliss), celle-ci fait écho avec les titres de Blut Aus Nord. En effet, la complémentarité entre les deux groupes saute aux yeux, de même que l’influence des Français sur les Américains. Ævangelist s’affranchit un peu plus des codes, injectant, entre deux périples spatiaux, des notes plus éthérées, singulières, langoureuses et rythmées accompagnées de chant clair. Une musique toujours aussi imagée mais renvoyant davantage ici à l’univers de « Dark City » que de Lovecraft.
Des valeurs communes, une même vision de ce que doit être le Black Metal, une folie créatrice, des musiciens qui ne font qu’un avec leur musique, se rapprochant de l’Art total, voilà ce que sont mais aussi ce que partagent Blut Aus Nord et Ævangelist. Des entités à la fois nébuleuses et terriblement attirantes qui sont en constante évolution, cherchant à s’affranchir des frontières tout en gardant leur essence, quitte à expérimenter sans taper juste à tous les coups (le titre de Ævangelist parfois proche de montagnes russes où le très haut côtoie le passable). Voilà également ce que vous offre le split
Codex Obscura Nomina, résultat réussi de cette très attendue – et logique – rencontre entre Charybde et Scylla.
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