Faut-il voir dans la période récente de Blut Aus Nord une manière particulière d’être à contre-courant ? À une époque où le black metal était rigoriste, Vindsval et ses compères – les tout aussi mystérieux GhÖst et W.D. Feld – s’évertuaient à casser les codes. Aujourd'hui, alors que la musique ressemble de plus en plus à un terrain de jeu où tout se mélange et se recréé en permanence, la nouveauté comme but principal, les voilà qu’ils valorisent la tradition et leur héritage propre. Quitte à ne plus surprendre.
Certes,
Ethereal Horizons n'est pas à proprement parler un disque que l'on rencontre tous les jours. Mais il est un disque qui se sert du connu pour évoquer l'inconnu, parle d'exploration plus qu'il ne l'effectue lui-même. Blut Aus Nord capitalise sur la part belle de sa musique, rapprochant les deux derniers volets des
Memoria Vetusta de
Hallucinogen pour n'en faire qu'une seule œuvre. La filiation se devine aisément et ceux ne trouvant leur plaisir qu’à encapsuler en seront pour leur frais, sûrs d’eux et de la relative inutilité de cet album – mais depuis quand un album doit être « utile » ? – passant rapidement à une saveur inédite jusqu’à la prochaine.
La stagnation dans l’excellence est bien ce que propose ce disque-anniversaire, fêtant les trente ans de la formation : Vindsval, comme Justin Broadrick (un de ses maîtres à penser), préfère user désormais de certaines palettes sonores créées par sa main en fonction de ce qu'il souhaite transmettre comme ambiance plutôt que partir à l'aveugle comme cela pouvait être le cas à l'époque de la césure
The Mystical Beast of Rebellion /
The Work Which Transforms God. On reconnaît ces voix aériennes, simplement plus mélodiques qu’autrefois (« Shadows Breathe First » ou « The Ordeal ») ; ces guitares qui visent la majesté des astres en mouvements (il y a du
Krallice période Years Past Matter sur « The Fall Opens The Sky » et « What Burns Now Listens ») ; ces relents progressifs et presque psychédéliques, peut-être encore mieux utilisés que sur
Hallucinogen car se mêlant naturellement à l’ensemble et non pas comme une plate récitation de Pink Floyd quitte à devenir incohérent (suivez mon regard…).
L'impression d'être devant un classique de la littérature de science-fiction édité par Folio au regard de la pochette – pas si moche quand on l’attache aux illustrations des romans d’Isaac Asimov, Dan Simmons ou Arthur C. Clarke, dont elle paraît une allusion – n’est pas fortuite :
Ethereal Horizons a des airs d’œuvre située et datée, assumant son classicisme à l’échelle de Blut Aus Nord. Autant être honnête : cette recherche de perfection dans la continuité est ce qui lui va le mieux aujourd'hui. Vindsval me semble moins réussir à dépasser ses expérimentations d'autrefois quand il s'essaye au glauque (cf. les
Disharmonium), et exceller dans la peinture picturale qui n’oublie pas l'émotion. Et il y en a en pagaille ici, dans cette méditation qui n’oublie pas l’extase, regarde et s’émerveille de la grandeur et de la terreur qu’inspire l’espace, les dessins de Maciej Kamuda à l’intérieur du livret comme représentations de la diversité des mondes parcourus. Une fois accepté le fait d’être devant une création qui ne redéfinira pas les codes mais en usera habilement, on s’étonne même de la sérénité avec laquelle tout cela se traverse malgré des soubresauts qui n’épargnent pas le cœur (ce passage enfiévré et tragique de « Seclusion » succédant à une accalmie).
Les paroles de
Ethereal Horizons, difficilement lisibles en raison de la police d'écriture trop fine (s'il y a une chose à déplorer dans le travail de Maciej Kamuda, c'est cela), parlent d'arrêter d'attendre, d’arrêter de désirer, pour devenir flot parmi les flots. Un objectif que s'est donné Blut Aus Nord jusque dans sa musique, belle et contemplative du chemin parcouru au lieu de chercher de nouvelles routes à prendre. L’ailleurs est laissé à plus tard, la fin de « The End Becomes Grace » terminant de façon presque trop tranquille cette petite heure par des points de suspension plutôt qu’un dernier riff servant de grand final. Un cliffhanger frustrant, particulièrement quand les promesses d’une suite à ce qui est joué ici pourraient ne jamais se concrétiser, comme on en a l'habitude avec Vindsval. Peu importe : tant que Blut Aus Nord sortira des albums aussi réussis que celui-ci, je ne serai pas de ceux râlant à un manque d’innovation. Aux trente prochaines années !
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