Blut Aus Nord - 777 - Cosmosophy
Chronique
Blut Aus Nord 777 - Cosmosophy
L’enfant de The Desanctification a relâché son étreinte. Dans une nouvelle pirouette manipulatrice, l’innocent ne manipule plus, laisse le corps désarticulé et écorché par Sect(s) errer dans l’espace en lui apportant la réponse au mystère créé par les deux volets précédents. L’explication n’est pas dans le noir entre les étoiles mais dans celles-ci, brillantes, cruellement pures, cruellement lueurs sans chaleur, leur lointaine explosion faisant caqueter le Solitaire de mille interrogations nouvelles. Le mystère n’est plus. Les questions sont immenses.
Et les réponses ne sont pas forcément celles que l'on attendait. Définitivement blanc, sobre et simple, voilà comment se présente le dernier acte de la trilogie de Vindsval. Viscéralement désanctifié de tout ce qu'a pu être Blut Aus Nord auparavant, Cosmosophy lorgne tranquillement sur le gothique, la cold wave, l'industriel et le krautrock. Ici la notion spatiale voulue par le one man band se veut remplie de luxe, de calme et de volupté, pas comme le chaos d'un trou noir, mais plutôt comme le Khaos, l'espace entre la Terre et les cieux. Tout est infiniment étudié pour donner une impression aérienne à l'auditeur. Claviers lents et monocordes, rythmes mid-tempos, guitares lentes et hypnotiques ; vous l'aurez compris, rien de violent et peu de rapidité au programme. Le cosmos, le vide, le rien mis en musique...
Un rien pourtant rempli de références et rapidement obsédant, cette dernière caractéristique liant de nouveau une discographie hétéroclite. Vindsval le marionnettiste s’affranchit de tout carcan, saute des guitares spatiales d’un Oranssi Pazuzu à la fragilité new wave d’un Killing Joke circa Brighter Than A Thousand Suns (qui se suggère lors de nappes océaniques à la froideur si sucrée qu’elle vire à l’amertume) et libère également l’auditeur dans une pornographie de sentiments montrant que si la base de Cosmosophy est un petit pas pour l’essai perpétuant l’adoucissement de son prédécesseur, elle est un bon de géant pour l’humanité, Blut Aus Nord n’ayant jamais paru si proche de celle-ci. Ce ne sont non plus les éléments mais l’homme perdu dans ces derniers qui vibre sous les voix claires mélancoliques et étrangement guerrières de « Epitome XIV », un homme débarrassé de sa machinerie, éclipsant l’aura massive de Godflesh pour celle du The Cure de la période esseulée, un homme quittant le terrestre par dégoût (personnifié par le début décadent de « Epitome XV » s’essayant au rap avec paroles entre l’incantatoire et le grotesque – une preuve de plus de sa suprématie à décliner un baroque typiquement black metal sous des formes originales) et s’enfuyant dans le dénuement jusqu’à des compositions à mille lieux des chamboulements de Sect(s), voire simplifiant leur contenu davantage que The Desanctification à l’image de la lead de « Epitome XVII » succédant à des vocalises aux mélodies similaires. Une immédiateté synonyme de cohérence et non facilité, la progression vers les éclatements de « Epitome XVI » et « Epitome XVII » mettant à leur place chaque pièce écoutée – et l’œuvre, chaque volet.
Non. Même si certains vont jouer les tristes sires face à ce nouveau bloc musical compact offert par le théoricien de l’esthétisme malsain, l'intensité qui habite ce dernier album du Normand est difficilement niable. Simple ne veut pas pour autant dire simplet et ceci est ici prouvé : malgré ces guitares tournant en boucle de longues minutes (finalement, un peu à la Burzum, à croire que Blut Aus Nord diffuse subtilement ses premiers amours dans ses dernières œuvres...) qui en énerveront plus d'un, on se retrouve happé par cette spirale du progrès, presque Hugolienne. Une lente ascension commence donc, alternant les passages et les façons de monter vers les cieux de l’hyperespace musical que ce soit avec sérénité comme dans « Epitome XVI » et ses guitares semblant écrites par une entité ombragée impalpable mais qui pourtant empeste la vie et l'humanité (les mains sur la pochette ?) ou ce slam-rap mystique et poisseux qui finit par aboutir sur une rythmique majestueuse et paradoxalement martiale dans son exécution (la lumière blanche dans les arcanes des racines entrelacées ?). Il serait impossible de le nier : dans notre scène actuelle, personne ne manie si bien le mélange entre planant et martial. Non, personne ne peut encore mixer la froideur des abysses et la chaleur des cieux d'une manière aussi convaincante que Blut Aus Nord. Mais pour autant, n'oublions pas de citer les quelques défauts de cette production (parce qu'il y en a quand même...) ! Tout d'abord, un certain délit de remplissage - surtout sur les deux dernières pistes - avec quelques riffs qui semblent tout droit sortir des disques précédents. Pour un chapitre qui a pour but - entre autres - de fixer le « Rien », remplir le vide, ce n'est pas nécessairement un bien... Par ailleurs, notons que Cosmosophy s'inscrit dans une trilogie, or ce dernier acte se situe plus comme un The Desanctification plus aéré et éthéré. Une sorte de volume deux au carré s’envisageant avec peine en tant que troisième volet et conclusion du concept 777.
Même si Blut Aus Nord nous laisse sur l’idée qu’il en a encore sous le manteau, le pli levé laisse rêveur de voûte céleste. Encore une pirouette, l’ultime cette fois : l’impression finale est de n’être qu’au début des pérégrinations de la formation. Comme Sect(s), Cosmosophy s’inscrit autant comme pierre définitive d’une trilogie à vie propre qu’un teaser grand luxe où déchainer ses passions, les attentes étant plus que titillées. L’heure sera bientôt aux pronostiques, bien que nous savons depuis longtemps qu’escompter quelque chose du Français appelle le contre-pied, celui-ci plaçant la liberté au dessus de tout autre symbole. Le mystère n’est plus. Les questions...
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