Désolé pour les autres mais le titre d’album death de l’année 2015 reviendra à Gorod. Cette phrase qui aurait pu me servir de conclusion aura au moins le mérite de mettre les choses au clair d’emblée et d’éviter la sempiternelle
« s’il y a bien un album qu’on attendait cette année bla bla bla… » même si l’idée est bien là car au fil d’une discographie ne souffrant à ce jour d’aucun faux pas, Gorod s’est imposé comme l’un des deux ou trois incontournables de la scène death française et internationale (où l’on aimerait réellement voir le groupe percer). Et si « A Maze Of Recycled Creeds » était cet album, celui de la consécration ? C’est bien évidemment tout le mal que je leur souhaite et ce serait tout naturel tant ce dernier bébé possède sans aucun problème la carrure pour cela (les précédents l’avaient déjà vous me direz mais le succès n’obéit pas toujours à la logique sinon Zubrowska remplirait Bercy à l’heure actuelle). Pourtant, sans aller jusqu’à parler de doutes, les récents changements poussaient légitimement certains à se poser quelques questions sur ce nouvel opus. Finalement, « A Maze Of Recycled Creeds » c’est un peu le changement dans la continuité.
Changement de batteur tout d’abord bien évidemment. Il va sans dire l’importance de la section rythmique dans un groupe de death technique et le départ (forcé) de Sam Santiago fut évidemment un coup dur tant le bonhomme avait imposé sa patte et sa frappe sur les dernières réalisations du groupe. Sur ce point vous pouvez être rassuré ; si Karol Diers (inconnu pour ma part jusqu’ici) a peut-être un style un peu moins exubérant que son prédécesseur il ne souffre aucunement de la comparaison, à l’aise dans toutes les différentes facettes musicales du groupe et apportant la dose de groove indispensable à tout album de nos Bordelais préférés. L’autre changement qui pourrait paraitre secondaire (mais qui pour moi ne l’est pas) est bien sûr cette métamorphose du logo. Si j’ai eu du mal à me faire un avis sur ce relooking plus moderne (que je ne trouve finalement pas désagréable mais j’aimais beaucoup le logo originel), j’avoue avoir eu un léger serrement dans la gorge, les changements de logo s’accompagnant parfois d’une nouvelle orientation musicale pas toujours des plus réjouissantes (remember « Load » ?). Heureusement, pas de revirement stylistique hasardeux à déplorer ici mais toutefois quelques évolutions plus ou moins notables, à commencer par le chant. Proposant une palette vocale plus large que jamais, Julien nous offre sa prestation la plus variée à ce jour, de l’écorché criard au growl des plus viril en passant par le chant scandé (je ne parlerais pas comme certains de ‘’chant clair’’ qui a connotation particulière) et les spoken words. Toutefois ne vous y trompez pas : si les vocaux sont globalement plus variés, le rendu parait plus extrême que sur
« A Perfect Absolution ». Souvent doublées (growl + chant éructé) les parties vocales mettent ici bien plus l’accent sur l’aspect guttural, comme pour faire taire certains détracteurs. Saluons ici en outre le travail effectué concernant les paroles, une nouvelle fois extrêmement recherchées. S’articulant autour du thème de l’auto-endoctrinement en prenant pour toile de fond la fraternité de la Rose-Croix (ou Ancient et Mystique Ordre de la Rose-Croix [A.M.O.R.C.], d’où « A Maze Of Recycled Creeds ») et notamment un certain Joséphin Péladan, personnage un peu grotesque, les neuf titres vous immergeront dans le monde sectaire rosicrucien où le manque d’esprit critique peut très vite vous faire sombrer dans un sinistre engrenage. Il souffle donc une aura quelque peu mystique sur cet album, magnifiquement illustrée par ce classieux artwork et magnifiée musicalement par des arrangements aux petits oignons notamment ces nappes de synthés bien plus présentes qu'auparavant et enveloppant nombre de compos avec un rendu parfois très aérien totalement pertinent (le début de « Inner Alchemy », la fin de « An Order To Reclaim », « Syncretic Delirium » à partir de 2’50 et ses leads cosmiques finales).
Rassurez-vous toutefois, si ces quelques légers changements donnent à « A Maze Of Recycled Creeds » une saveur toute particulière, la patte du groupe y est toujours reconnaissable entre mille, ce death technique ultra chiadé, technico-mélodique aux forts accents groovy et servi par un son de guitare lui aussi tout de suite identifiable. Vous retrouverez donc ici tout ce qui nous fait adorer Gorod et je m’incline à nouveau devant le travail absolument monstrueux d’une paire Mathieu Pascal/Nicolas Alberny qui fait une fois de plus des merveilles. D’une complexité évitant habilement l’hermétique, le riffing est tout simplement magistral ; que ce soit dans des tremolos quasi nordiques et evil à vous glacer le sang bien souvent sur fond de blasts (au début de « Temple To The Art-God » ou sur « Celestial Nature » à 1’36 et 2’53), des riffs groovy à vous dévisser les cervicales (« Temple To The Art-God » à 1’49, le début de « Inner Alchemy » et « From Passion To Holiness », « Rejoice Your Soul » à 1’46), quelques réminiscences plus thrashy (« Dig Into Yourself » à 1’27 et 2’43) et bien évidemment cette orgie de leads en tout genre dont regorgent tous les titres (et qui permettent au groupe de se passer de solos en tant que tel), de contrepoints grandioses (« Celestial Nature » à 3’29) et de passages technico-mélodiques à couper le souffle (« Temple To The Art-God à partir 2’05 et surtout ce passage sur « Inner Alchemy » à 1’05 absolument génialissime et transcendé à 1’19 par ce qui restera pour moi l’un des tout meilleurs plans de la discographie de Gorod à ce jour). Des compos évidemment toujours saupoudrées de guitares aux accents funky ou jazzy (« From Passion To Holiness » à 48’’, « Rejoice Your Soul » à 2’48) et secondées par la basse sautillante et groovy d’un Barby encore très en forme (« Rejoice Your Soul » !). Nos Bordelais semblent ici évoluer sur un petit nuage et enchainent les plans avec une déconcertante facilité, se permettant même des petits plaisirs comme ce gimmick d’ « Amicalement Vôtre » venant naturellement intégrer « From Passion To Holiness » ou encore de revisiter totalement le « I Put A Spell On You » de Jay Hawkins sur « Rejoice Your Soul » (celle-là vous la ressortirez pour briller en société).
« A Maze Of Recycled Creeds » serait-il alors un album exempt de tout défaut ? On pourrait presque répondre « oui » à cette question mais pour justifier cette note qui frôle la perfection sans l’atteindre réellement je me dois de relever ici une ou deux scories (mais je vous préviens je me suis forcé !). Allez on pourra peut-être trouver que le début de « The Mystic Triad Of Artistry » sonne un poil trop ‘’moderne’’ (voire deathcore aïe !) ou encore que le début de « Rejoice Your Soul » fait presque plus penser à « Falling Away From Me » qu’au Jay Hawkins hurlant et puis allez pour la forme je vous accorderais un petit « la batterie sonne un chouïa trop plastique » mais c’est vraiment pour justifier ce paragraphe…
Après une bonne trentaine d’écoutes au compteur, « A Maze Of Recycled Creeds » se dessine potentiellement comme le meilleur album de Gorod à ce jour avec des titres qui deviendront à n’en point douter des classiques incontournables (bordel de merde ce « Inner Alchemy » !!), je lui laisse affronter l’épreuve du temps avant de me prononcer définitivement mais vraiment sans aucune crainte tant on assiste tout au long de ces quarante-huit minutes, presque bouche-bée, à une démonstration musicale nous présentant un groupe (devrais-je dire « un homme » ?) dont le talent de composition frise ici le génie (la richesse de composition est telle que vous aurez de toute façon déjà mouillé trois fois le caleçon en moins de quarante secondes dès le début de « Temple To The Art-God »). Ce serait un doux euphémisme que de qualifier « A Maze Of Recycled Creeds » d’album solide, toujours est-il que voilà le quintette sérieusement armé pour aller tutoyer les plus hautes cimes du death metal mondial. Il ne peut en être autrement.
PS : l’album s’achève sur une version alternative instrumentale de « An Order To Reclaim » au grain de guitare plus abrasif mais amputée de sa fin plus saccadée.
7 COMMENTAIRE(S)
16/11/2015 19:07
Ben là, c'est pareil... Après une bonne 30aine d'écoutes au compte-tours de mon mange disque, j'apprécie le retour à des compositions que je ne peux que décrire comme "plus convaincantes" que celles du précédent (lesquelles, globalement, me font peu d'effet). Les cavalcades guitaristiques, les passages groovy "Trepalium-like" et les progressions savamment orchestrées me renvoient à l'émotion qui accompagnait mes premières écoutes de Process... C'est du bon Gorod, et donc, du très bon Death Tech.
Mais globalement, c'était un peu mieux avant (le changement de chanteur).
15/10/2015 22:26
Mais au risque de me répéter, je ne pourrai sans doute jamais pleinement apprécier Gorod avec Julien au micro. Son horrible voix hardcore m'arrache les tympans, mais au moins ses growls sont meilleurs qu'avant, et j'ai un peu moins de mal à le supporter sur ce nouvel album. Quand il ne fait que growler, j'irais même jusqu'à dire qu'il s'en tire plutôt bien. Il reste pourtant LE défaut majeur du groupe pour ceux qui comme moi n'aiment que les vocaux death metal dans leur death metal.
Un retour solide musicalement, mais qui reste un bon cran derrière les premiers albums. Les fans du Gorod vintage n'y retrouveront toujours pas complètement leur compte.
12/10/2015 15:59
12/10/2015 14:04
Ah oui ! A moins que la page promo de Listenable ne se soit emmêlé les pinceaux sur les titres mais j'en doute.
Après tu l'apprécies peut-être tout simplement pas autant que moi mais perso ce passage m'a rendu dingue. Tu ne le trouve pas génial ???
edith : c'est le passage qu'on retrouve à 5'06.
12/10/2015 13:35
12/10/2015 13:28
11/10/2015 22:52
(Avec le changement de line up j'avais bcp de craintes)