Ah putain génial un nouveau Deceased ! Je ne sais pas si beaucoup d'entre-vous se sont dit la même chose en apprenant la sortie d'un nouvel album du combo de Virginie mais moi, ça m'a fait sauter au plafond. Et ce n'est pas peu dire quand on ne fait que 1m69 ! Malgré ma découverte tardive de la bande de King Fowley sur son opus précédent, l'excellent
Surreal Overdose (2011), celle-ci a vite obtenu ma sympathie et mon respect. Une musique savoureuse mêlant avec talent thrash/death et heavy metal traditionnel sur fond de thématiques de films d'épouvante, confrontée à un manque flagrant de popularité et de reconnaissance alors que certains groupes récents bidons remplissent des stades, il n'en fallait pas plus pour que j'adoube Deceased. Et puis bon, plus metal, tu meurs ! La carrière des Américains démarre en 1985, d'abord sous la forme d'un death metal grindy primitif sur le premier longue-durée
Luck of the Corpse (1991). Le thrash viendra ensuite s'inviter à la fête des Morts puis, un peu plus tard, le heavy/speed, pour une musique à la fois sauvage, épique et mélodique. Exactement ce que l'on retrouve à nouveau sur
Ghostly White, sorti en novembre via Hells Headbangers Records.
Si la pochette de Raúl González (Horrendous, Resurgency, Gorephilia, Dead Congregation, Ataraxy, Cadaveric Fumes, Master, Sarcasm ...) peut prêter à sourire, elle illustre en tout cas parfaitement la musique et l'état d'esprit de Deceased. Le côté horreur kitsch fait partie intégrante de l'ADN du groupe. Deceased, c'est un peu le King Diamond du death/thrash. Une fois l'opus mis en route par contre, plus personne ne rigole tant la maîtrise, l'inspiration, le feeling et l'efficacité impressionnent. C'est d'autant plus remarquable que
Ghostly White avoisine l'heure de jeu pour seulement huit morceaux soit près de sept minutes en moyenne par titre. Étant plutôt frileux face à des durées aussi longues et connaissant le syndrome des vieux groupes à blablater alors qu'ils n'ont plus rien à dire d'intéressant, j'avoue avoir eu quelques doutes au début. En particulier quand on voit qu'une piste dépasse les treize minutes. On se rappelle toutefois que
Fearless Undead Machines (1997) durait encore davantage et que ça ne l'a pas empêché de s'imposer, pour beaucoup dont votre humble serviteur, comme le meilleur album des Ricains. Et donc finalement, les 54'28 ne posent aucun problème. Au contraire, elles s'avèrent la source d'un bonheur immense pour qui aime le metal, le vrai. On en prendrait même encore davantage tant que Deceased peut conserver un tel niveau d'excellence tout du long ! Mais garder une telle constance dans la qualité sur près d'une heure, c'est déjà un sacré exploit !
Pourtant, la formule du quintette n'a rien de neuf. Très classique, elle se fait même old-school à mort. Sauf que le thrash/death heavisant du combo d'outre-Atlantique, bien que "à l'ancienne", n'a pas d'équivalent. Personne ne sonne comme Deceased et Deceased ne sonne comme personne. On reconnaît tout de suite le style du groupe, sa façon de riffer, les mélodies hantées, les rugissements de King Fowley. Surtout, c'est fait avec un talent peu commun et une aisance insolente. On est pris dans l'univers du groupe dès les premières secondes suivant l'intro horrifique de "Mrs. Allardyce", morceau d'ouverture qui donne le ton, et l'on en ressort que quand résonnent les dernières notes de "Pale Surroundings". Quoique pas vraiment puisque l'on va garder en tête bon nombre d'airs. On aura dès lors qu'une envie, réappuyer sur play ! Il faut dire que ce
Ghostly White se montre d'une efficacité sans pareil. Voilà un opus des plus dynamiques, pêchus et énergiques qui fait la part belle aux rythmiques enlevées entraînantes, entre patterns limite d-beat qui rappellent les racines punk/hardcore dont ne s'est jamais cachée la formation (allez voir leurs compilations de reprises !) et sacro-saint tchouka-tchouka purement thrash. Ça va même jusqu'à blastouiller deux-trois fois. L'ultra-jouissif "A Palpitation's Warning" qui pilonne méchamment en continu pendant plus de trois minutes doit être un des titres les plus bourrins du Deceased récent ! Et sinon, on a le droit à un peu de bon vieux mid-tempo headbangant (début de "Mrs. Allardyce" et "To Serve the Insane", "Endless Well" à 1'47, etc.). Là encore, efficace et jubilatoire en diable !
Porté par une ossature des plus solides tenue par l'endurant batteur salvadorien Dave "Scarface" Castillo qui avait déjà maltraité son tam-tam à la place du King sur le très bon
As The Weird Travel On ainsi qu'avec l'autre groupe du frontman October 31,
Ghostly White offre aussi bien sûr tout ce que l'on peut attendre d'un album de metal. Les guitares sont ainsi à la fête, comme toujours chez Deceased. Le riffing thrash du couple Mike Smith et Shane Fuegel est juste incroyable. Rien à jeter ici malgré la profusion de riffs, même si ceux-ci sont souvent répétés, se mêlant et s'entremêlant dans des morceaux à tiroirs savamment composés. Classique, encore une fois, mais tellement prenant ! Ça, on le doit au feeling mélodique du combo. Très heavy metal, les mélodies se font omniprésentes même sur les séquences les plus sauvages. Elles hantent l'auditeur en restant en tête dès la première écoute et rendent l'œuvre incroyablement addictive. Tous les morceaux ont au moins une mélodie mémorable irrésistible apportée par le riff principal, avec une préférence personnelle pour "Mrs. Allardyce", "Germ Of Distorted Lore", "The Shivers" et "Pale Surroundings". Et quand ce n'est pas sur les riffs, c'est sur les nombreux solos et autres leads que les guitaristes se font plaisir et nous avec. Un vrai régal ! En passant, la mélodie de "The Shivers" à 3'42, on la croirait sortie d'une cornemuse ! Avec un tel riffing, une telle inspiration dans les mélodies et une batterie des plus énergiques, difficile de faire plus efficace. Le morceau de treize minutes, "Germ Of Distorted Lore" qui m'avait effrayé rien que par sa durée m'a lui aussi vite convaincu. Épique, sombre et finalement simple et très digeste, cette pièce-maîtresse est un enchaînement de plans de tueurs. Aucune lassitude à avoir tant Deceased sait captiver son auditoire.
Impossible de ne pas évoquer également la prestation du chanteur compositeur King Fowley, Monsieur Deceased. Je n'ai pas toujours été fan à 100%, surtout lors de mes premières rencontres avec le groupe, trouvant parfois ses beuglements gutturaux trop répétitifs. Force est de constater qu'il livre ici sa meilleure performance. Son chant, bien mis en avant dans le mix, n'a jamais été aussi convainquant, généreux et prenant. Alors oui, il ne varie pas des masses ses intonations mais peu importe. Il mène la danse avec une assurance et une force des plus communicatives. Les vocaux contribuent ainsi eux aussi grandement à l'efficacité et la réussite de
Ghostly White. Le chant féminin fantomatique sur le titre de clôture "Pale Surroundings" se révèle même une très bonne idée, moi qui n'en suis pourtant pas friand. Bon, par contre, les espèces de spoken words à 0'55 et 1'28 sur "Thoughts from a Leaking Brain", ça n'étaient pas indispensables. Une des très rares fautes de goût de l'album !
Sans doute la seule d'ailleurs. Si 2018 a connu son lot de déceptions, certains groupes n'ont pas manqué leur rendez-vous. Deceased n'avait pas sorti d'album depuis 2011 et un
Surreal Overdose admirable. Il a plus que réussi son retour après sept ans d'absence. À tel point que ce
Ghostly White s'impose désormais pour moi comme le meilleur album des Américains, devant
Fearless Undead Machines,
Supernatural Addictions (2000) et
Surreal Overdose. Mais est-ce vraiment une surprise de la part d'une formation intègre et sincère qui n'a jamais déçu ? On ne peut qu'applaudir un groupe qui, après plus de trente ans de carrière, non seulement continue de sortir des disques de grande qualité avec une envie toujours intacte mais arrive même à se surpasser en nous pondant son meilleur ouvrage et l'un des meilleurs albums de l'année. Ce n'est pas peu dire quand on voit la discographie exemplaire du combo, bien trop négligé à mon avis, notamment en France. Riffing thrash au top, mélodies inspirées à foison, rythmiques endiablées, chant fédérateur, ambiance sombre et kitschouille juste ce qu'il faut, vous ne pouvez décidément pas passer à côté du thrash/death/heavy jouissif de
Ghostly White. La grande classe, ce groupe ! On terminera cet hommage avec une pensée pour le batteur Dave Castillo, disparu tragiquement quelques jours avant la sortie de ce septième album. R.I.P. ! Mais peu importe l'ironie du sort frappant un membre décédé d'un groupe qui s'appelle Deceased. Car les morts n'ont jamais été aussi vivants.
4 COMMENTAIRE(S)
20/02/2019 21:20
10/01/2019 21:00
10/01/2019 20:47
Les mecs mettent toujours un paquet d'années avant de sortir un album mais waaah, on sent que c'est bossé et fait avec passion. J'ai pas encore la version physique de ce "Ghostly White" mais sur Surreal Overdose, t'as un pavé de 4 pages dans le livret, écrit par le gros King Fowley qui narre la genèse de l'album. J'imagine qu'il doit y'avoir la même chose dans cette dernière offrande. Si ça c'est pas stylé niveau passion ?!
Les leads de "The Shivers" me hantent encore, le groupe a toujours excellé dans ses mélodies belles à en chialer. Et toujours cette incompréhension face à ce manque de popularité, alors que des étrons comme Nervosa passent deux fois par an en France et font sold out au Klub.
La sortie 2018 en ce qui me concerne
05/01/2019 11:39
Ben je préfère le mix de cet album de 2000. Là, il y a un truc trop vaste, trop ample, j'arrive pas à m'y retrouver dedans, alors que sur Supernatural on a un truc plus compressé, plus "coup de poing dans la tronche", qui mêle au Death une touche Thrash agressive.
En revanche, le chanteur avec sa voix ni tout à fait growl, ni tout à fait Thrash, fait totalement le café !