Blut Aus Nord - Hallucinogen
Chronique
Blut Aus Nord Hallucinogen
J’ai beau me dire qu’il ne faut jamais rien attendre de Blut Aus Nord, le projet m’ayant plus d’une fois étonné, je ne peux m’empêcher d’avoir quelques suppositions quand approche l’heure de découvrir une de ses nouvelles œuvres. Cela a été le cas pour Hallucinogen dès la parution de son illustration signée Dehn Sora, ayant tout de suite créé quelques hypothèses sur ce qu’elle habillait. De l’espace, des couleurs inhabituelles, des formes inconnues, végétales et extraterrestres à la fois... Qu’attendre de ce disque, sinon une expérience psychédélique inédite de la part du Vindsval crew ?
Au moins, je ne me suis pas trompé sur une chose : Hallucinogen est, comme affiché, hallucinogène, montrant les Français s’essayer au trippant, le groove, la dynamique, le « toujours plus haut », devenant leurs sacerdoces quarante-neuf minutes durant. Pour le reste, rien ne m’avait préparé à cela. Blut Aus Nord, ce groupe un peu en roue libre ces derniers temps, ouvre encore une nouvelle porte, là où il commençait à devenir dangereusement familier, presque, à son échelle, « convenu » ? Il mélange ici, subtilement, hard rock, black metal forestier, chœurs religieux, rock psyché, pour en faire une seule et même pâte à modeler au gré de ses envies ! Rien ne pouvait laisser penser à ces expérimentations-ci, pas même les quelques indices laissées dans d’autres essais (quelques clés sur Memoria Vetusta III – Saturnian Poetry et 777 – Cosmosophy, rien de plus). C’est donc une nouvelle fois ébahi par l’entité que j’ai découvert cet album, par cette capacité à se renouveler tout en suivant une logique interne faisant sens sur l’ensemble de sa longue discographie.
Car Blut Aus Nord, que ce soit sur Ultima Thulee, The Mystical Beast of Rebellion, MoRT et tant d’autres pierres posées soutenant son architecture globale, a toujours été empreint d’une envie de fuite en avant dans l’imaginaire, un besoin de quitter la vie réelle et ses claudiquements, ses àpeuprès et ses pastoutàfaits, suivant la ligne des Pessoa et Verlaine (les poèmes saturniens, vous l’avez ?) pour voir dans la création artistique le seul état vital véritable, que cela soit dans le morbide ou dans l’émerveillement. Et Hallucinogen est bien le disque où cela se révèle avec le plus de force. Que ce soit lors de la sensible « Anthosmos », le transcendée « Mahagma », la flamboyante « Nebeleste », le tout magnifiquement uni par un batteur s’échappant avec nous à coups de blast beats et rythmes filant de leurs flots, on se retrouve prisonnier d’une rêverie aux sensations inédites, un mariage intense où Ulver, Drudkh, Fleurety et Monster Magnet ne forment plus qu’un seul monde mirifique, conté par des apôtres tout-puissants (ces voix, impalpables et victorieuses, ne sortant médaillées qu’à la toute fin de « Cosma Procyiris »).
Et pourtant, que tout cela est simple, naturel dans son surnaturel ! Hallucinogen a la beauté des poésies claires et foisonnantes dans le même temps, où le plaisir se prend aussi bien dans la rencontre d’une ligne (le début de « Mahagma », je ne m’en remets pas) que dans le hors-texte, ce que l’auditeur peut imaginer dans ses respirations. Il y a ici des moments qui se défilent et laissent cependant rêveur, d’autres qui s’inscrivent dans la durée mais se renouvellent à chaque fois, comme un univers dont on ne perçoit que les parties, le tout paraissant immense, impréhensible, obsédant, cette musique extérieure devenant celle de l’intérieur, les émotions des panoramas qu’elle dessine devenant intimes.
Son voyage aux frontières des possibles, Hallucinogen le transmet charnel, sensuel, donnant une corporéité à ses ambiances. Directement jouissif, il laisse l’esprit voguer en son sein, solidement attaché à ses riffs inévitables. Certes, on pourra noter quelques moments de flottement, incertains, lors de « Sybelius » ou encore « Nomos Nebuleam », ainsi qu’une acmé si haute qu’elle surplombe l’ensemble, « Anthosmos » et « Mahagma » rendant à « Haallucinählia » l’exercice de la succession difficile. Mais il y a tant d’harmonies inattendues ici qu’il est excessif de se centrer sur les quelques dissonances que contient ce nouvel album, marquant une nouvelle étape pour Blut Aus Nord. Une splendeur.
| lkea 28 Octobre 2019 - 5104 lectures |
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