Gravetemple - Impassable Fears
Chronique
Gravetemple Impassable Fears
Le frisson. Il est toujours ce qui départage, en musique comme ailleurs, ce qui nous marque de ce qui se passera de nous. Toujours cette porte d'entrée qui donne envie de pénétrer la pièce. Et, toujours, la seule chose qui compte quand s'aborde une œuvre comme Impassable Fears.
Le frisson, je l'ai clairement ressenti à l'écoute de ce nouvel album de Gravetemple. Je l'attendais particulièrement, son line-up aussi alléchant que potentiellement annonciateur de désastre m'ayant fait craindre le pire comme espérer le meilleur. C'est que Stephen O'Malley et Attila Csihar n'ont pas forcément brillé ensemble récemment, cf. Kannon, dernier essai de Sunn O))) plat au possible. Leur apparente intention d'offrir une lecture drone, abstraite, au bord de l'improvisation, du death metal aurait donc très bien pu se classer rapidement avec ces exercices intellectuels, mais aucunement émotionnels, qu'on range après quelques écoutes tout en les racontant aux autres, comme une exposition prétentieuse mais de bon ton d'apprécier.
Seulement, on laissera pour cette fois les clichés attachés à l'art contemporain. Car – bonheur ! – frisson il y a. D'abord en la personne de ce batteur tentaculaire qui, à lui seul, donne à Gravetemple toute l'aura malfaisante, carnassière, que l'on est en droit d'attendre quand « death metal » est une expression qui vient directement en tête. Aucun blast, « simplement » une accumulation de frappes désarticulées, de rythmes avançant sur milles jambes, de claquements tantôt faméliques, tantôt assourdissants, dévorant l'espace autour d'eux. Contrat rempli : par sa seule performance, Oren Ambarchi écrase, violente et fait halluciner comme dans les plus prégnants cauchemars de Grave Miasma tout en s'échappant dans une cacophonie qui plonge dans l'horreur par touches, comme se dessinant au fur et à mesure de coups de pinceau (dont l'artwork de Denis Forkas, rappelant fortement le travail de Hieronymus Bosch, peut très bien se voir comme le rendu final).
Sûr, pour tout conceptuel que Impassable Fears peut paraître, sa sauvagerie, sa faim de tout, en font une expérience aussi grouillante que n'importe quel album de death metal à l'atmosphère obligeant à sortir son couteau pour trancher la nuit et ses spectres. Pourtant, dans les formes que notre cerveau dessine à partir de ce noir absolu, impossible de ne pas reconnaître d'autres nuances que celles citées plus haut. En effet, Gravetemple évoque Ordo ad Chao de Mayhem au-delà de toute autre référence, ses sons désordonnés ainsi que le chant de Attila, fêlé, paniqué, autoritaire, pris dans une folie qu'il instaure en maîtresse de ce monde de terreur, rappelant le dit-album de manière détournée. Aidé par Stephen O'Malley et ses notes glissantes, graves, fourmillantes, donnant une texture de rêve global à ses prédications, le hurleur montre qu'il n'a rien perdu de son talent pour, sans forcer le trait, devenir le seigneur des sommeils épuisants, où l'agitation de l'esprit se cache sous un corps catatonique.
Le frisson. C'est ce qui nous parcourt de l'intérieur à l'écoute de Impassable Fears. C'est ce qui fait voir cet univers magique, improbable, tortueux et tortionnaire, les infra-basses en échos de l'infra-monde. C'est aussi ce qui fait penser que Gravetemple laisse parfois une trop grande place à la suggestion, s'avérant si mouvant, si fuyant, qu'il ne s'apprécie pas toujours à la même échelle. Tels ces films atmosphériques réclamant un investissement extérieur de la part de leur spectateur, ces trente-cinq minutes pourront être aussi bien un fond sonore inquiétant qu'une plongée dans une musique où emprisonner ses pensées. Mais, à aucun moment, elles ne laisseront indifférent.
| lkea 28 Juin 2017 - 1466 lectures |
|
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène