Malgré un nom aussi citadin, ne vous y trompez pas : Rome n'est ni italien, ni un groupe d'ailleurs. Il s'agit en réalité du projet solo du luxembourgeois Jérôme Reuter officiant à la base dans le groupe de rock Mack Murphy & the Inmates (Mack Murphy c'est lui) et acteur de formation. Imaginé en 2005, Rome trouva rapidement preneur auprès du label suédois Cold Meat Industry qui regroupa ses premières démos au sein d'un EP intitulé
"Berlin" édité début 2006. Quelques mois plus tard sort ce premier album "Nera", perpétuant un style froid et épuré, entre ambient et néofolk, sur fond d'apocalypse.
J'ai été un peu déçu en découvrant l'intérieur de l'objet, vide, ni livret, ni image. En dehors de l'artwork principal, seuls les titres des morceaux et une phrase en italien apparaissent en relief. Mais ce minimalisme visuel n'est que le reflet d'une musique élaborée dans cette même direction artistique, une musique qui évolue dans un certain dépouillement, une extrême simplicité pour porter un regard cynique sur l'humanité et la guerre. Glacial, austère, "Nera" n'a rien d'un album facile d'accès. Les premières écoutes se révèlent éprouvantes, on peine à cerner la vision et les lamentions du maitre d'oeuvre, entre atmosphères froides, lancinantes et ambiances guerrières au rythme martial. Mais au fil des heures, les tiraillements sonores se font plus familiers, voir touchants parfois et le chaos qui régnait laisse rapidement place aux émotions.
Comme je vous la disais précédemment, la musique de Rome ne cherche pas la surenchère. Avec quelques notes de guitare, de piano, quelques samples et quelques mots, Jérôme Reuter nous plonge dans son univers sombre et pessimiste où l'espoir devient un luxe, inaccessible. De cette musique, seule cette voix grave et profonde pouvait convenir pour ne pas briser l'atmosphère, un chant froid et monotone pour enfoncer un peu plus le clou de la lourdeur. Les citations et autres extraits d'archives de guerre qui parsèment l'album, ajoutent un peu plus à ce sentiment de malaise qui plane sur "Nera". Même s'il demeure quelques longueurs, l'ensemble est au final, parfaitement équilibré dans ses instrumentations (électronique/acoustique) et ses ambiances, tantôt lourdes, tantôt plus mélancoliques.
"Nera" est un album réfléchi, aussi bien un défi et une épreuve pour l'auditeur, qu'une réflexion sur la guerre vue par les vaincus et les angoisses de l'homme. On croit longtemps y être insensible, que cet album manque de quelque chose jusqu'à ce qu'un moment d'errance ramène à votre esprit les mélodies de ces complaintes. Sans crier gare, ces 44 minutes de pur désespoir vous impriment la cervelle et la marquent au fer rouge, notamment des titres comme "Reversion", "Das Unbedingte" ou "Hope Dies Painless" (aaaahhhh...) dont les leitmotivs assureraient sans mal la BO de vos moments les plus sombres. En attendant une suite peut-être plus grave encore, "Nera" devrait déjà contenir assez de mal-être pour entretenir votre état psychologique instable. A découvrir.
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