« J'ai fait un rêve qui a duré 3 nuits, la troisième nuit j'étais emmené dans une maison qui m'avait déjà été présentée dans les deux autres rêves. J'ai été conduit dans une chambre en haut où le plâtre des murs avait été enlevé, il n'y avait plus que des briques. Mais dans les briques, il y avait du sang et de l'eau gelés... En même temps que l'eau fondait, le sang s'égouttait. C'était le mur des sacrifices. A l'image du rêve où le sang et l'eau s'égouttent, la vie se déroule et forme un ruisseau qui s'écoule au gré de n'importe quel chemin. C'est la toile d'araignée. On est piégé, on est « gelé » mais ça va fondre inévitablement. Je crois en la destinée ».
C'est cette vision désabusée et fataliste de la vie qui a inspiré à Douglas Pearce, célèbre fondateur de DEATH IN JUNE en 1981 et sulfureux leader de cette entité jusqu'à aujourd'hui l'album
The Wall of Sacrifice, pierre angulaire de la vaste discographie du Britannique. D'abord parue au format vinyl ultra limité en 1989, c'est son luxueux label New European Recordings qui sortira cette œuvre en CD en 1991. Une œuvre complexe, torturée, peut-être la plus noire et nauséeuse de toutes celles de l'instable tête pensante du plus renommé combo de Neofolk anglais. Une œuvre que l'on sent influencé par les pensées malsaines du bonhomme, plus que n'importe quel autre, d'autant plus dans l'alternance entre morceaux plus acoustiques et morceaux bruitistes. D'une part, la guitare est extrêmement minimaliste sur tout le disque : une seule et unique guitare dans quasiment tous les morceaux, sur laquelle se perche cette voix hypnotisante du martyr Pearce. Pas ou très peu d'accompagnement du genre trompettes, xylophone ou autres instruments que l'homme démocratisera dans ses albums suivants : ici, il est véritablement à nu, seulement caché par ses masques de théâtre et sa guitare. Son arme, outre la dague qu'il exhibe sur l'artwork magnifique de cet album, c'est la sueur qui se dégage de ses atmosphère tantôt martiales, tantôt mélancoliques à crever. Et il fait passer l'auditeur d'un état à l'autre sans transition...
Et c'est avec un morceau très difficile à appréhender que le leader attaque son album, par un véritable mur de sons sentant le souffre et le sinistre. Chants militaires superposés à des voix d'enfants puant l'innocence, notes fragiles de piano, « The Wall of Sacrifice » est un bloc indigeste de climats étouffants, de pôles presque désagréables qui se rencontrent pour guider la lente marche vers le fameux mur décrépi décri par notre poète dans son interview. Le Britannique arrive à recréer l'ambiance d'un rêve / cauchemar, avec ce mariage improbable d'éléments opposés qui sonne tellement onirique. Ce mélange mental étourdissant prépare le malheureux auditeur à aborder l'album, comme une terre d'Europe que l'on aurait labouré jusqu'à ce qu'elle devienne totalement inféconde. Un morceau schizophrène de 17 minutes qui exalte entièrement l'imagination, tantôt la tirant vers le haut, tantôt l'écrasant violemment entre ses notes totalitaires. Le moindre sample touche l'âme, comme si la personne qui parlait ou communiquait était dans la même pièce que nous, comme si les Bon, cet ensemble comporte certes certaines longueurs, la démarche totalitaire du créateur Pearce étant très difficile à suivre parfois. Et l'homme, lorsqu'il s'essaye à l'Ambient, peut être soit brillant (
The World That Summer), soit bien plus contestable (la fin raté de
All Pigs Must Die)... pour cet album, notre homme est en réussite, à l'image de l'autre grande réussite martiale « Bring In The Night » dans laquelle il pousse le minimalisme à son paroxysme, avec cette simple voix qui lance un message cryptique et invariable. A cela s'ajoute le très planant « Heilige Leben » qui diffuse des chants fantomatiques sur une simple note d'orgue pour un effet garanti... la conclusion du disque, « Death Is A Drummer » est encore plus radicale, puisque toute présence humaine y est absente, comme l'annonce d'ailleurs « Bring In The Night » si on écoute bien ses paroles très hostiles envers l'Homme en général. J'y ressens comme le lent écoulement de glace et de sang de ce mur du sacrifice, puisque la structure du morceau évoque carrément une matière visqueuse, plongeante et dégoulinante.
C'est aussi cet opus qui confirme le virage Neofolk adopté par le dictateur Pearce depuis quelques albums. Ses morceaux diffusent de plus en plus une mélancolie compressée, sobre et humble. Les morceaux Neofolk de ce disque s'en ressentent : notre homme se retrouve de plus en plus dans cette voie. Le véritable chef-d’œuvre « folk » n'est pourtant pas seulement à chercher du côté du perçant « Fall Apart », ballade culte de Douglas Pearce et grand moment d'émotion de sa discographie. Même si ce refrain obsédant touchera au cœur n'importe quel auditeur amateur de ce groupe, avec ce
« And why did you say that things shall fall ? And fall and fall and fall and fall apart... » qu'on se surprendra à avoir dans la tête en permanence une fois l'écoute du disque réalisée -et qu'il faudra évacuer en s'arrachant les cheveux un par un-, le cœur de l'album et son essence se trouvent pour moi dans le morceau « In Sacrilege », opportune collaboration avec David Tibet de CURRENT 93 dont la voix fantomatique est reconnaissable parmi mille. Duo total (à la fois aux guitares et aux voix), ce morceau über envoûtant exprime également la solitude la plus impénétrable de deux âmes en perdition. La voix de Tibet claque comme des coups de fouet : c'est un registre saccadé dans lequel il excelle et l'homme habite ce morceau comme un gardien de prison cruel... le mur, la prison, cet album fleure bon l’asile psychiatrique ! La « réponse » de Pearce à son frère ne se fait pas attendre avec un « Hullo Angel » de toute beauté, dernière salve Neofolk lancée dans un océan de brume renforcé par le morceau Ambient qui suit. Pierre angulaire,
The Wall of Sacrifice l'est donc assurément : on sent la volonté chez Douglas Pearce de se vider de certains troubles récalcitrant pour passer définitivement à autre chose par la suite. Bien que ce ne soit pas son chef-d’œuvre absolu, surtout en comparaison avec ce qui suivra après, cela reste un grand disque de Neofolk, à la fois pour les morceaux du genre qu'il contient et pour ses expérimentations salvatrices... dans tous les cas, ce partage sanguin des cauchemars du soldat Pearce a quelque-chose de très intense et constitue une expérience dont on ne sort pas indemne !
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