« Déjà » ? Voilà ce que nous nous sommes dits en apprenant l'arrivée d'un nouvel album d'Ævangelist, un an à peine après la sortie du prédécesseur
Writhes in the Murk. Une surprise à laquelle s'est ajoutée celle de voir que le présent disque n'allait pas sortir cette fois sous la bannière de Debemur Morti mais 20 Buck Spin, label bien connu par les amateurs de bizarreries diverses et variées (Obsequiae, Oranssi Pazuzu ou encore Vasaeleth...). Dans les deux cas, le duo Matron Thorn / Ascaris paraît avoir eu des envies d'Amérique, voyant les choses en grand jusqu'à une pochette intrigante où le noir et l'or se côtoient comme une annonce d'un longue-durée majestueux en tous points. Mais les créateurs de monstres tels que
Omen Ex Simulacra et
De Masticatione Mortuorum In Tumulis se sont-ils montrés une nouvelle fois à la hauteur des attentes, forcément élevées après trois œuvres les plaçant comme meilleurs peintres du Chaos ?
Autant vous le dire de suite, la première écoute nous a laissés perplexes. Non pas que la formation délivre quelque chose de mauvais ou foncièrement différent de ses autres œuvres, mais l'ensemble semble décousu. Un fait qui sera bien vite confirmé avec le temps. Car au-delà d'une musique toujours sombre et cauchemardesque partant dans tous les sens mais suivant une parfaite logique, Ævangelist semble ici nous offrir une sorte de best-of. D'où ce manque de cohésion passant de titres qui auraient pu se trouver sur leur second album avec « Arcanæ Manifestia » ou encore « Cloister of the Temple of Death », des morceaux plus novateurs en milieu de parcours et les dernières pistes fortement imprégnées par
De Masticatione Mortuorum In Tumulis. Seule la harpe – petite nouveauté – donne un peu de corps à
Enthrall to the Void of Bliss, se détachant en filigrane le long de ces 56 minutes et faisant office de fil conducteur. Cette dernière apporte d'ailleurs de nouvelles teintes aux compositions, toujours aussi glauques et opaques, ajoutant même au malaise – sur « Cloister of the Temple of Death » notamment. Car sous ses atours tant classieux que lumineux, à l'image de l'artwork, celle-ci va se fondre dans la cacophonie ambiante, délivrant des notes discordantes et nauséeuses à souhait.
Une première rencontre nuancée donc, là où le duo entraînait auparavant directement dans son maelstrom des auditeurs ne pouvant que succomber. Mais dire qu'il s'agit ici du disque le moins maîtrisé d'Ævangelist est décidément peu lui faire honneur,
Enthrall to the Void of Bliss s'avérant tout aussi retors, trouble et intéressant que ses grands-frères. Poursuivant cette direction vers une musique plus lisible, sous influences – mille visages hurlants ne faisant qu'un, où l'amateur s'amusera à pointer les bouches et yeux d'Urfaust, Axis of Perdition ou Spektr –, développée sur
Writhes in the Murk, ce quatrième album trouve sa personnalité dans des élans plus rock donnant une allure d’opéra malfaisant naissant sous nos regards, le Warp une nouvelle fois chargé de la scénographie. Impossible de résister à « Gatekeeper's Scroll », ce tube sensuel, épique et déglingué ou l'urbaine « Alchemy », plongée de la formation dans des ambiances plus terre-à-terre mais tout aussi horrifiques et obsédantes qu'autrefois, dont les accointances avec le dark ambiant rappellent ce frisson après avoir entendu l'alarme rugissante des jeux Silent Hill, les murs des immeubles se teintant de rouge-sang... Si l'accoutumance n'est sans doute pas pour rien dans ce côté plaisant que nous ressentons à l'écoute de titres comme « Emanation » ou « Levitating Stones » (véritables bonheurs glauques), Matron Thorn et Ascaris ont encore accordé plus de place à cette jouissance naissant du Chaos sur leur nouvelle œuvre. Seulement, la décision de donner à entendre toutes leurs créations réunies éteint un peu la satisfaction générale, étant donné l'étrangeté de certains choix, dans le mauvais sens du mot cette fois (le début de « Arcanæ Manifestia » par exemple). À habituer les langues à la finesse, on en vient à risquer de les décevoir plus facilement : c'est ce que fait
Enthrall to the Void of Bliss, par un manque de constance et de cohérence qui n'aurait été dommageable pour personne d'autre, sauf un groupe à la hauteur d'Ævangelist.
Le duo délivre un quatrième album « surprise » de qualité, déployant son univers à la fois tentaculaire et perturbant. Cependant il aurait certainement gagné à développer davantage les nouveautés disséminées ici et là ainsi que l'aspect plus humain que vous retrouvez à mi-parcours avec – entre autres – « Gatekeeper's Scroll ». Car au jeu des comparaisons, cette dernière œuvre d' Ævangelist souffre quelque peu de son manque d'homogénéité, ne pouvant prendre place aux côtés des anciennes réalisations du groupe. Toutefois les amateurs de musiques extrêmes schizophrènes trouveront leur compte,
Enthrall to the Void of Bliss se démarquant nettement de la masse. Ovni parmi les ovnis.
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