Trois ans après le très ambitieux
"...And Justice For All", Metallica est de retour. Estimant avoir fait le tour niveau thrash, les Californiens ont maintenant d'autres ambitions. Une nouvelle page du groupe s'ouvre ainsi, pour le malheur de certains mais pour la plus grande joie de beaucoup d'autres. C'est en effet un Metallica indéniablement plus grand public, plus "commercial" qui se présente à nous. Cette ouverture à une audience plus large est symbolisée par le célèbre Bob Rock (Motley Crüe, Bon Jovi...) qui s'est chargé de la production de ce 5è album des Mets, tout simplement intitulé "Metallica" et qui sera rapidement surnommé le "black album" en raison de son artwork très sombre.
Premier constat: la production est claire et très puissante, à mille lieux de celle de
"...And Justice For All" qui desservait les compos. Bob Rock a vraiment fait des merveilles et c'est avec une grande clarté que ressortent tous les instruments, des guitares puissantes à la batterie qui claque, en passant par la basse ronronnante et enfin audible de Jason. Autre fait marquant qui amplifie la prise de distance par rapport au précédent opus, la simplicité des morceaux. Alors que ceux de
"...And Justice For All" étaient complexes, riches et (trop?) longs, ceux de "Metallica" sont beaucoup plus directs, plus simples. Finit le temps des "chansons à tiroirs" et leurs riffs à foison, la plupart des titres sont maintenant centrés sur un seul riff: "Enter Sandman", "Sad But True", "Don't Tread On Me", "Of Wolf And Man", "The God That Failed"... Ce qui pourrait passer à première vue pour de la facilité montre en fait une recherche attentive DU riff efficace car ceux qui nous sont présentés sont énormes. Ils n'ont qu'un but: ne plus jamais quitter notre esprit dès la première écoute et il faut avouer que ça marche formidablement bien. Comment résister au riff lent et lourd de "Sad But True" ou celui, bondissant de "Wherever I May Roam? Le rythme est ainsi bien souvent lent ou mid-tempo, le temps des vitesses vertigineuses de "Fight Fire With Fire", "Damage Inc. ou "Dyer's Eve" est loin et ce n'est qu'à de rares occasions qu'on peut se rappeler que Metallica était un groupe de thrash. Deux morceaux jouent ce rôle: "Holier Than Thou" et "Through The Never" avec leurs riffs plus agressifs et plus rapides, sans toutefois atteindre la furie des anciens morceaux.
Et oui qu'on se le dise, Metallica a évolué et prend une direction plus "hard-rock de stades". Beaucoup de fans de la première heure vont alors lâcher le groupe, dégoûtés par ce qu'ils jugent être un retournement de veste manifeste. La présence de deux ballades sera leur principal bouc-émissaire. Metallica s'était déjà adonné à ce type de chanson mais jamais à un tel niveau. La première, "The Unforgiven" est en fait une power-ballade où seul le refrain, qui donne des frissons, est ultra mélodique. La seconde, "Nothing Else Matters" est l'incarnation de la ballade rock: absence presque totale de guitares électriques, gratte acoustique, mélodie très prenante, orchestrations pour sublimer le tout (d'ailleurs gérées par Michael Kamen, décédé en 2003 et chef-d'orchestre sur S & M), chant très doux, paroles "sentimentales". Ce morceau est magnifique, bouleversant, grandiose et les détracteurs qui qualifièrent à l'époque le groupe de "tapettes" peuvent bien aller se faire empapaouter.
Bizarrement, l'accouchement du black album (malgré sa relative simplicité) s'est fait dans la douleur. Les Four Horsemen sont restés pratiquement un an en studio pour enregistrer ce qui va rester comme le grand succès commercial du groupe avec 11 milions d'albums vendus dans le monde. Les chiffres de vente ne sont pas toujours (et même rarement) une marque de qualité mais pour ce genre de musique il me semble que si. "Metallica" a évidemment touché un public plus large en raison de son côté plus accessible mais pas seulement. Le talent des musiciens, encore une fois, y fait beaucoup. Peu de groupe peuvent se targuer d'avoir un tel don pour la composition. Je pense notamment aux soli, toujours aussi nombreux et qui sont comme d'habitude de pures merveilles. C'est d'ailleurs le seul point commun avec la période thrash des Mets, Kirk met toujours le feu à sa guitare. "Holier Than Thou" (2'45), "Wherever I May Roam" (4'15) et surtout "The God That Failed" (2'44) et "My Friend Of Misery" (4'17) vous mettent littéralement à genoux.
Quelque chose qui me fait également plaisir est le retour de la basse. Totalement occultée sur
"...And Justice For All", celle-ci fait un come-back retentissant et nous montre que Jason est bien plus qu'une simple doublure de Cliff Burton. La basse est présente tout du long mais certains passages sont particulièrement marquants: le break de "Holier Than Thou" à 3'12, l'intro lourde de "The God That Failed" et bien sûr celle, belle à en pleurer, de "My Friend Of Misery", qui reste pour moi le meilleur morceau du black album et un des tous meilleurs de la discographie si riche de Metallica. Le break atmosphérique à 3'30 est absolument fantastique, un grand moment de musique, sublimé par le solo phénoménal de Mr. Hammett. "My Friend Of Misery" est d'ailleurs le premier titre sur lequel Jason Newsted est crédité (il n'y en aura malheureusement peu d'autres, ce qui sera la principale raison de son départ en 2001).
Riffs simples mais géniaux, soli fantastiques, basse impressionnante, il manque encore une donnée importante de la réussite de Metallica, qui s'est développée petit à petit au fil des albums, je veux bien sûr parler du chant et des paroles de James Hetfield. De mieux en mieux maitrisées et de plus en plus métaphoriques, les lyrics sont très intéressantes et couvrent une plus grande palette de thèmes que
"...And Justice For All". Les analyser sur 10 pages serait futile (enfin personnellement ça ne me dérangerait pas mais je doute que vous me suiviez!) mais un petit aperçu est quand même légitime pour rendre hommage à un des tous meilleurs paroliers du genre. Peurs enfantines dans le tube planétaire "Enter Sandman", le besoin de se cacher derrière un masque et les regrets que l'on peut en éprouver dans "Sad But True", les dérives d'un groupe en tournée et les parasites qui gravitent autour dans "Holier Than Thou", l'attentisme, la non-prise de choix qu'on finit par regretter amèrement dans la sublime "The Unforgiven", la vie en tournée, le lien étroit avec les fans, le besoin de partir à l'aventure dans "Wherever I May Roam" et son intro aux sonorités égyptiennes, la volonté de se battre pour ses droits dans "Don't Tread On Me". Cette chanson avait d'ailleurs créé une petite polémique suivant laquelle Metallica serait un groupe pro-guerre, ou tout l'inverse, selon les détracteurs. Les États-Unis sont en pleine guerre du Golfe et de nombreux GI's vont arborer des insignes du groupe. En fait le titre de la chanson fait référence aux Culpeper Minutemen, des révolutionnaires de Virginie de l'Ouest pour qui la paix passe forcément par la guerre. D'où le célèbre vers "To secure peace is to prepare for war". Mais revenons à nos moutons: "Through The Never" montre James se posant des questions existentielles sur la place de l'homme dans l'univers, "Nothing Else Matters" prône l'ouverture aux autres, "Of Wolf And Man" évoque le rapprochement entre l'homme et la nature, le retour aux sources. "The God That Failed" est très personnelle, James parle de sa mère, endoctrinée chez les scientistes, et qui n'a pas voulu soigner son cancer, étant persuadée qu'un dieu allait la guérir. "My Friend Of Misery" se moque des pseudos grands penseurs et enfin "The Struggle Within" parle de démons intérieurs. On le voit donc bien, des sujets divers, des tons divers et beaucoup d'introspection et de propos personnels. C'est réellement avec cet album que James commence à se lâcher et à s'ouvrir dans ses paroles. "Nothing Else Matters" et "The God That Failed" en sont les plus beaux reflets. Cependant, de belles paroles n'ont aucun effet si le chant n'est pas à la hauteur. Il n'en est rien ici car James est à présent un grand chanteur, fini les hurlements des années 1980. Sa voix est utilisée comme un instrument à part entière comme pour "The Unforgiven et "Nothing Else Matters". Le chant est globalement plus chanté, moins rude qu'avant et les mélodies de voix sont un vrai plaisir à l'oreille. Qui aurait crû ça après "Hit The Lights"?
Après ces critiques dithyrambiques, je me dois de mettre quelques bémols qui font que "Metallica" s'avère malgré tout moins bon que les quatre précédents albums des Californiens. D'abord, même si un groupe ne survit qu'en évoluant, je regrette sincèrement l'époque thrash, cette furie communicative qui constituait un des grand attraits du groupe. Cet album est trop clean, trop "professionnel". Certes les compos sont très travaillées mais il manque un petit quelque chose qui faisait de "Kill 'Em All
", "Ride The Lightning", "Master Of Puppets" et
"...And Justice For All" des références d'un genre que Metallica ne pratique plus. Ensuite, le jeu de batterie de Lars me semble un tantinet rébarbatif, notamment sur les passages lents. Et pour la première fois, je trouve certains morceaux seulement passables, alors qu'auparavant chacun m'émerveillait. Je n'aime que modérément "Enter Sandman", "Through The Never" et j'ai beaucoup de mal sur "The Struggle Within", qui malgré son intro militaire très sympathique me déplait dès que le chant ignoble fait son apparition.
C'est avec le black album que Metallica est devenu le monstre que l'on connait aujourd'hui. 11 millions d'albums vendus, 5 singles, de nouveaux fans au-delà de la sphère métallique, une tournée gigantesque dans les stades du monde entier, une reconnaissance à tous les niveaux. Les Mets ont décroché le jackpot. Et même si, comme le groupe le reconnait, "Metallica" a sans doute bénéficié d'un contexte favorable au rock à grosses guitares (Nirvana, Guns'N Roses...), cet album reste d'une grande qualité. Pourtant, il ne me fait globalement pas le même effet que les précédents, pour des raisons personnelles que d'autres ne partagent peut-être pas. Je terminerai sur cette distinction importante:
"Master Of Puppets" est le succès artistique du groupe tandis que "Metallica" n'est que le succès commercial, et ça, ça fait toute la différence.
13 COMMENTAIRE(S)
17/11/2016 20:41
06/03/2015 22:18
13/08/2005 20:48
J'adore Enter Sandman cependant...
29/03/2005 13:28
26/03/2005 15:26
26/03/2005 11:46
J'ai toujours entendu plusieurs sons de cloches en ce qui concerne le nombre de ventes du black album: 7 par ici, 10 par là, 11 là-bas et même 25 par endroits. Mais le chiffre qui revient le plus c'est 10-11 c'est pour ça que j'ai mis celui-là. De toute façon le principal c'est qu'on comprenne qu'il s'est plutôt bien vendu
@Nicotcecool: désolé mais j'ai jamais accroché sur Struggle surtout au niveau du chant
26/03/2005 11:32
que dire de plus sinon ke moi aussi j'adore cet album!! c'est vrai peut-être pas autant ke "master" ou "justice" mais bon...c'est une autre époque qui s'ouvre!
par contre je suis pas d'accord sur: "Je n'aime que modérément "Enter Sandman", "Through The Never" et j'ai beaucoup de mal sur "The Struggle Within", qui malgré son intro militaire très sympathique me déplait dès que le chant ignoble fait son apparition. " ...j'adore ces 3 chansons surtout "struggle within" et son solo de malade mental!!(visible sur la video "1an 1/2 part 1"
26/03/2005 10:58
Je suis pas vraiment sûr de moi mais je pense que tu peux rajouter quelques millions d'albums vendus...
26/03/2005 3:36
Bonne chronique, mais jugement un peu dur je trouve ^^ Employez le mot commercial est trop péjoratif je pense, surtout en ce qui concerne Metallica, et si on par de ce principe ST anger serait mieux C'est vraiment dur d'avoir une opinion concrette sur ce putain de groupe ^^ Bien jouer pour la Chro
25/03/2005 19:51
25/03/2005 18:47
edit: ha oui par contre perso j'adore "The Struggle Within"!
25/03/2005 17:59
un putain d'album quand même le regret est que le groupe s'est plus ou moins vulgarisé avec ces fameuses balades rendant cet album si accessible mais j'ai du mal a le critiquer car tout comme les precedents je le trouve si bon !!
le fait qu'ils aient "retourner leur veste" ne me gene pas plus que ca du moment que c'est toujours de la qualité....mais bien sur contrairement a master of puppets il m'arrive de paser des chansons ...
25/03/2005 17:31