Metallica - Load

Dans la famille des albums controversés, je demande Load de Metallica. Il s'en est en effet passé des choses depuis cinq ans et la sortie de l'album éponyme des Mets qui les fît rentrer dans le music business. Critiqué par les fans de la première heure mais globalement acclamé, le black album fut la grande réussite commerciale des Four Horsemen. Cinq ans après, Metallica sort enfin un nouvel opus. Jamais le groupe n'avait attendu si longtemps entre deux sorties. Mais à la lecture du livret, c'est le choc. La bande à Hetfield s'est, sacrilège, coupé les cheveux, porte désormais du maquillage, arbore des vêtements très mode et se la joue rock stars à fond. Des interrogations se portent même sur la sexualité de Kirk Hammett. Ah qu'il est loin le temps de Kill 'Em All et ses ados boutonneux pleins de rage! Rien que la pochette affiche déjà un énorme changement: un nouveau logo, très moche, et une pochette affreuse d'un artiste mélangeant sperme et sang. Ca commençait très mal...côté musique, l'évolution est tout aussi surprenante: si Metallica disait au revoir au thrash, Load fait carrément ses adieux au metal pour s'engager dans une voie heavy rock bluesy inattendue. Pour beaucoup, c'est la fin de Metallica. Pourtant, si l'on veut bien occulter le passé du groupe et ne juger que ce Load en lui-même, voilà un album certes pas exceptionnel mais rafraîchissant, audacieux et attachant.

Load est en fait surtout handicapé par une durée exagérément longue (près d'1h20 et encore, ce devait être à la base un double album avec Reload!) et un tracklisting déséquilibré. C'est un nouveau Metallica que l'on écoute et Load est comme le premier album d'une nouvelle ère avec toutes les maladresses que cela comporte. Si l'on regarde bien, seuls quatre titres s'avèrent excellents: "Until It Sleeps" et sa mélodie magnifique, le très catchy "Hero Of The Day" qui s'énerve un peu plus par moment, "Mama Said" (le meilleur titre de Load), ballade acoustique aux influences country qui me donne des frissons et la sous-estimé "Thorn Within" aux mélodies de voix géniales. D'autres morceaux valent le détour comme "The House Jack Built" et son refrain accrocheur, la très entraînante "Wasting My Hate" ou "Bleeding Me" et "The Outlaw Torn", même s'ils traînent trop en longueur et incarnent à eux-seuls les travers de Load. Toutes les compositions ont leurs charmes de toute façon mais certaines s'en tirent quand même mieux que d'autres. Cela dit, quatre titres sur quatorze, le ratio est faible, Metallica ne nous avait pas habitué à tant de largesse. Amputé d'un tiers, Load aurait ainsi été beaucoup plus appréciable. Deux autres problèmes ensuite, des effets parfois sur la voix d'Hetfield très dispensables et souvent irritants ("Bleeding Me", "Cure") ainsi que des soli peu présents et rarement convaincants, pleins d'effets wah-wah stériles. On a connu Kirk Hammett plus inspiré, ancien shredder endiablé qu'il était.

Hé oui Metallica a évolué, ses quatre membres se sont tous ouverts à d'autres styles musicaux et fréquentent désormais d'autres milieux. Principalement composé par Ulrich et Hetfield, Load montre bien les nouveaux horizons qu'ont exploré le frontman et le batteur ces dernières années: blues, rock, country (ah ce "Mama Said"!) et même rock sudiste. Le blues étant l'apport majeur ici avec un feeling bluesy dans pratiquement tous les titres, notamment par des leads brèves et discrètes pas toujours maîtrisées mais dans l'ensemble plutôt réussies ainsi que des soli qu'on aurait aimé plus développés. La musique de Metallica se base dorénavant sur des riffs en mid-tempo (plus aucune partie rapide) assez lourds, entraînants et très appuyés par la grosse caisse (et pour ça pas si différent du black album), enrichis par les mélodies bleues sus-mentionnées. Et la plupart de ces riffs se révèlent bien sympathiques ("Ain't My Bitch", "2x4", "The House Jack Built", "Until It Sleeps", "King Nothing", "Hero Of The Day", "Cure", "Poor Twisted Me"). Quant à la batterie d'Ulrich qui a toujours été prise pour cible (injustement pour moi), elle fait encore une fois son boulot. Simple, efficace, groovy, elle crée l'ossature parfaite sur laquelle peuvent se poser les riffs d'Hetfield et Hammett. On n'en demande pas plus!

Load apporte également dans ses bagages une jolie surprise. Jamais en effet on avait si bien entendu la basse de Jason Newsted qui joue un rôle plus important que sur le black album (ne parlons même pas d'...And Justice For All!). "King Nothing", "Hero Of The Day", "Bleeding Me", "The Outlaw Torn" et une place globale dans le mix digne du talent de l'ex-Flotsam And Jetsam, la basse a enfin un terrain de jeu conséquent. Toutefois, Newsted n'est crédité sur aucun morceau, lui qui restera toujours à l'écart de la composition, ce qui contribuera fortement à son départ cinq ans plus tard.

Quant à l'indétrônable James Hetfield, le grand frontman reste toujours aussi impeccable avec pourtant un registre élargi. Beaucoup moins de hargne qu'auparavant logiquement (quoique le bonhomme garde toujours une part d'agressivité et de virilité dans ses intonations) mais beaucoup d'émotions véhiculées par sa voix unique. On croisera dès lors tout un tas de belles mélodies de voix mémorables que ce soit sur les couplets ou les refrains ("Until It Sleeps", "King Nothing", "Hero Of The Day", "Bleeding Me", "Thorn Within", "The Outlaw Torn"), le point d'orgue étant "Mama Said" où Hetfield fait preuve de beaucoup de justesse sur un morceau aux paroles fortes et personnelles. Belle surprise de voir qu'Hetfield n'a ainsi rien perdu de son talent de parolier. On pourra juste trouver dommage que la plupart des lyrics n'apparaissent pas dans un livret décidément bien inutile.

Lynché en place publique, Load ne mérite donc pas tout cet acharnement. Loin d'être parfait, notamment en raison d'une longueur excessive et d'une hétérogénéité maladroite, l'album nous présente un Metallica sorti du metal et explorant les terres moins arides d'un heavy rock aux accents bluesy. Metallica n'a jamais pondu le même album et n'en a toujours fait qu'à sa tête. Load en est la plus belle preuve. Quelques morceaux excellents, d'autres sympathiques et certains plus anecdotiques (j'ai toujours eu un peu de mal avec "Ronnie" sauf quand il s'agit de Ronaldinho), les quatorze titres ont toutefois tous leurs charmes et leur propre identité. Et si Bob Rock est accusé d'avoir noyé Metallica dans son influence de gros producteur, il a néanmoins donné à Load un son puissant et équilibré parfait pour ce type de production. Je n'adule pas cet album mais je n'ai pas honte de le dire, je l'aime beaucoup et y suis beaucoup attaché, tout en gardant une place bien plus chaude pour les albums pré-Metallica. Peut-être que si j'avais suivi Metallica depuis ses débuts j'aurais moi aussi fait la tronche et tiré une croix sur mon groupe fétiche mais en 1983, j'étais encore dans les couilles de mon père alors vous m'excuserez d'avoir un recul différent mais sans doute indispensable pour juger l'opus à sa juste valeur.

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