Je ne suis pas particulièrement adepte de la spéléologie musicale mais nombreux sont ceux qui aiment à déterrer une merveille oubliée des temps jadis, le groupe obscur qui n’a produit qu’une seule démo en dix exemplaires mais dont tout le monde affirme les avoir vus en concert. Aussi, je me permets d’agiter sous vos yeux ébahis, tel un chiffon rouge sous le regard haineux d’un taureau, le seul et unique album d’
ASPID, ou
Аспид pour les russophiles.
Comment ? Vous ne connaissez pas ce quatuor russe qui n’a sorti qu’un seul album, «
Кровоизлияние » (autrement appelé «
Extravasation »), en 1993 sur le label
Ritonis, label qui abritait également
Коррозия Металла ? Vous n’avez décidément aucune excuse, d’autant que ce dernier a encore sorti une compilation en 2022. Mais trêve de galéjades, cela vaut concrètement quoi
ASPID en 2023 ? J’ai envie de dire, tout dépend ce que vous recherchez. Si ce sont de pleines brouettes de violence, de la technique à haute vélocité, des arrangements symphoniques ras la gueule, passez votre chemin nobles auditeurs ! N’oubliez pas que l’on est en 1993 et en Russie. Certes, vous pourrez toujours me dire que deux ans plus tard,
HIERONYMOUS BOSCH sortait son premier album («
The Human Abstract ») et que ça pesait un maximum, il ne faudrait cependant pas faire de l’exception, la règle.
ASPID pratique donc un
thrash que l’on qualifiait à l’époque de
techno, non pas parce que les mecs faisaient concurrence à Gala mais tout simplement parce que les compositions étaient globalement plus travaillées que la moyenne, avec en général un bassiste bien en évidence qui pouvait aisément voler la vedette aux guitaristes, genre
Steve DiGiorgio dans
SADUS ou
Tony Choy dans
ATHEIST, de longs passages faits de rythmiques évolutives et un riffing globalement plus complexe que ce qui se pratique chez le commun des mortels. Oui,
ASPID cochait absolument toutes les cases, et d’une fort belle manière qui plus est. Tout d’abord, la production reste encore aujourd’hui irréprochable mais, me concernant, c’était une certitude, ne supportant quasiment plus les trucs modernes surgonflés aux hormones de croissance animale. Dit autrement, les Russes ont plus un physique à la Bruce Lee qu’un corps hypertrophié de bodybuilder occidental et ce qui gigote dans leur calcif n’est pas aussi chétif que chez Garbit (petit emprunt à MC Jean Gabin, chanson « J’t’emmerde »). Une production simple comme cela se faisait à l’époque, pensée avant tout pour valoriser les musiciens, des compositions à tiroir truffées de rythmiques saccadées, syncopées, des solos lumineux, même le fait que le tout soit chanté en Russe ne dérange pas l’oreille plus que cela car le timbre est parfait pour le registre pratiqué, avec des mélodies justes, cohérentes avec l’instrumentation. Franchement, cela vaut largement les débuts d’un
CORONER et les fans de
VEKTOR seraient bien inspirés de se pencher sur «
Кровоизлияние ». Evidemment, c’est moins technique, moins rapide, moins puissant, mais
ASPID avait finalement déjà tout dit il y a vingt ans.
Pour un disque dont je n’attendais rien et que je m’apprêtais à remiser au fin fond de la liste des choses à écouter, me voilà tout sauf Gros-Jean comme devant : c’est exactement le genre de
thrash metal que j’affectionne : fin, subtil, recherché dans ses structures, passionnant de bout en bout. Excellente découverte !
5 COMMENTAIRE(S)
21/04/2023 01:14
ils sortent de nul part, balancent cette petite bombe maitrisée de bout en bout, très technique et pro, ils ne sortent que ça et disparaissent.
20/04/2023 20:13
Est-ce à dire qu'il faudrait réhabiliter la scène russe des 90's ?
Bah c'est vrai que c'était une scène un peu "fermée", je suis loin d'être un spécialiste mais y'a eu clairement de bons trucs.
20/04/2023 19:50
Est-ce à dire qu'il faudrait réhabiliter la scène russe des 90's ?
20/04/2023 10:56
20/04/2023 10:34