Internal Rot - Grieving Birth
Chronique
Internal Rot Grieving Birth
Le cas Internal Rot n'avait pas encore été abordé dans nos colonnes. Une belle injustice qu'il convient de réparer séance tenante, le trio Australien produisant un Grindcore que je tendrais à décrire comme étant ultime, synthèse parfaite de la brutalité d'un Insect Warfare et de l'hystérie incendiaire des regrettés Excruciating Terror. Les noms sont lâchés : tu sais d'avance que les vingt-trois minutes de ce "Grieving Birth", paru en 2020 via Headsplit, Iron Lung et Blastasfuk, vont appeler la sueur et les courbatures.
Une virulence qui n'est guère étonnante une fois qu'on s'est penché sur le pedigree de ses membres - belle brochette de mercenaires. L'avion de chasse Christoph Winkler derrière les fûts, coupable de multiples blast-beats aggravés chez Contaminated, Headless Death ou encore Incinerated; Le multi-instrumentiste Brad Smith à la guitare, responsable du label Radical Blarghst et d'un demi-milliard de projets Noisegrind (Blarghstrad, Colostomy Boner, Super Fun Happy Slide...); et le fou-furieux Max Kohane derrière le micro, plus connu pour son rôle de batteur chez les Deatheux de Faceless Burial. Tu vois un peu le tableau ? Treize ans d'existence au compteur, et une intensité qui n'a jamais été prise en défaut. "Mental Hygiene", sorti en 2014 chez Blastasfuk, confirmait déjà le potentiel du combo de Melbourne, et l'efficacité de sa recette, assez unique : une autoroute du blast, certes, mais une manière de riffer à laquelle j'ai peine à trouver un équivalent. Les notes défilent à toute vitesse, typhon incendiaire débité par un Brad Smith qui doit terminer chaque session d'enregistrement les doigts en sang - Hourvari couronné par un "chant" glaireux, monocorde, proprement terrifiant.
On se laisse avant tout attendrir par la pochette, ornée du doux visage de Rebecca Hall, pour mieux se faire croquer les chevilles. Surprise ! Tu chutes au sol, te recroqueville, voué à subir les assauts répétés d'une toute petite meute qui sonne, et frappe, aussi fort d'une armée entière. "Grieving Birth" est vicelard, oui, déjà par sa production, signée Xavier Irvine pour le mix et Mikey Young pour le master. Cradingues au possible, mais sans jamais rogner sur la lisibilité des riffs qui les garnissent, les vingt-deux titres de ce deuxième long-jeu grattent les croûtes, jusqu'au sang - le genre de choses auxquelles on aurait du mal à résister.
Pourquoi aimer se faire du mal à ce point ? Même si les deux formations sont bien différentes, je retrouve chez Internal Rot ce que j'aime à la folie chez les Texans de P.L.F. : chaque composition n'est qu'une pile de lignes de guitare proprement ultimes. Tu sais de quoi je parle : celles qui donnent envie de se frapper le crâne, d'agiter frénétiquement sa main en l'air pour tenter de suivre les frappes supersoniques sur la caisse claire... La marque des grands, en somme. Aussi, il m'est bien difficile d'isoler un titre plutôt qu'un autre, tant l'ensemble est cohérent, homogène dans la fougue. Même lorsqu'il ralentit le jeu, Internal Rot reste phénoménal - écoutez les D-Beats entamant le morceau titre et ceux garnissant "Fermented Mess", le breakdown de la seconde moitié du fantastique "Axelrod's Revenge"... Je le sais, tu le sais, on attend surtout du trio qu'il nous assomme, avec des titres menés pied au plancher : pas d'inquiétude, si "Mental Hygiene" était déjà exemplaire en la matière, "Grieving Birth" se montre encore plus absurde dans la violence : on augmente les bpm, Max Kohane se racle la gorge avec encore plus d'insistance, et SURTOUT ! Ces incessants allers/retours sur le manche (presque érotiques), la "patte" Internal Rot, nous offrent encore de mémorables instants taillés pour faire se déchaîner l'auditoire : "Sensitive Cop", "Eaten by Crabs", "Arroyo", "Deep Pleasure"... Scabreux, la faute à ce son si particulier, mais indéniablement jouissif.
"Grieving Birth" est méchant, dépravé, mais diablement attachant. Difficile de résister à un déchaînement pareil, de dire "non" à des musiciens qui lâchent à ce point les chevaux dans chacune de leurs interventions. Internal Rot signe un deuxième disque qui condense un peu tout ce qui fait le (gros) sel du Grindcore : une technique immense mise au service d'un maëlstrom proprement inaudible pour le commun des mortels - et on en redemande, immanquablement. J'attends avec impatience le troisième !
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