Mine de rien il s’en est passé des choses en quinze ans de carrière pour la formation de Cologne, qui s’est révélée être parmi ce qui se fait de mieux et de plus original à l’heure actuelle en matière de Death Metal et ses dérivés. Car en seulement trois albums les allemands ont démontré une sacrée maîtrise musicale conjuguée à une grosse prise de risques, tant chacun de leurs disques est différent... notamment le monstrueux et hypnotique
« ...And As We Have Seen The Storm, We Have Embraced The Eye » qui est clairement l’apogée de leur carrière, qui semblait définitivement lancée sur de bons rails. Et puis l’an dernier les choses ont commencé à s’enrayer et en premier lieu via le départ du bassiste Christian Krieger qui a été un choc pour tout le monde, vu que le line-up inchangé depuis la création du groupe semblait absolument indéboulonnable. Si de l’extérieur cela pouvait sembler mineur en revanche en interne cela a créé beaucoup de remous au point que les deux autres membres ont fini aussi par mettre les voiles, laissant ainsi seul aux commandes le chanteur-guitariste Laurent Teubl... qui quelques jours à peine après cette deuxième vague de départ annonçait l’arrêt des activités de CHAPEL OF DISEASE. Si tout cela ressemblait à un énorme gâchis l’annonce de ce nouvel opus a redonné de l’espoir et de la joie à ceux qui avaient hâte d’entendre la suite des aventures de l’entité, qui a trouvé le moyen avant toutes ses mésaventures de repasser par le chemin des studios sous la forme d’un trio (la tête-pensante s’occupant de la basse en supplément), avant que le frontman ne change totalement d’équipe à ses côtés. Du coup on se demandait bien à quoi allaient ressembler ces six morceaux et si l’évolution musicale régulière allait continuer à s’imposer ou si une nouvelle surprise était à l’ordre du jour, et pour aller directement à l’essentiel on peut dire que le combo signe ici un chef d’œuvre absolu qui va encore plus loin que son génial prédécesseur... tout en gardant la même trame musicale.
Car on va retrouver tous les éléments atmosphériques et éthérés qu’il sait si bien mettre en valeur, ainsi que les nombreux arpèges froids et doux calés entre des rythmiques énervées à la fois menées à fond la caisse comme de manière plus tranquille, où la noirceur et la lumière se mélangent entre elles et en y agglomérant nombre d’influences extérieures. Et en premier lieu on peut citer celles du Hard-Rock typiquement 80’s et Fm comme le démarrage de « Echoes Of Light » va le démontrer, et où le grand-écart entre violence et harmonies va être présent de bout en bout, tout en offrant quelques parties tribales et des plans en médium pour faire mal aux nuques et ainsi lancer parfaitement les hostilités. Si tout cela reprend les éléments entendus sur sa précédente livraison l’entité pousse l’idée plus loin encore, tant ce voyage dans les contrées froides de l’espace est encore plus magnifique et démontre qu’il peut facilement côtoyer les éruptions volcaniques dantesques avec les moments de calme gelés dans une glace éternelle. Il n’est donc pas étonnant ensuite que tout aille encore plus fort sur le minéral et épique « A Death Though No Loss » à la montée en pression progressive, avant que tout n’explose totalement autant en violence que par la vitesse (où ça trouve même le moyen de tabasser très fort) et d’où émerge du solo mélodique du plus bel effet (encore une fois le boulot sur les nombreux leads est à pleurer) bien calé entre des moments de gloire guerriers où l’envie d’en découdre est constante, et où l’on se surprend à vouloir résister à toute cette plénitude environnante.
Pourtant après ce démarrage somptueux on pensait que la messe était dite, et malgré cette peur que les gars aient déjà tout donné on va se rendre compte du contraire via le sublime « Shallow Nights » aux accents plaintifs et contemplatifs où les passages mélodiques sont plus mis en avant, notamment via un tempo qui reste très lent et rampant et permet ainsi d’accentuer les ambiances diverses. Voyant quelques claviers discrets mais efficaces faire leur apparition, ceux-ci vont se mêler à des arrangements propices au recueillement où les inspirations Cold Wave et Post Punk se font plus sentir, offrant ainsi une vision mystérieuse et majestueuse où la tristesse est reine mais qui ne tombe jamais dans le pathos ni le kitchouille... ce qui montre encore un peu plus la maîtrise instrumentale et conceptuelle de la part de ses auteurs. Et une fois cette première moitié d’album terminée force est de reconnaître qu’on ne peut qu’être impressionné par la virtuosité déployée ici mais qui ne tombe jamais à côté, tant ça reste fluide et cohérent sans en faire des caisses... et la seconde partie va être exactement identique tout en poussant plus fermement l’expérience sensorielle.
Car même si ça va se montrer plus "accessible" le dynamique et direct « Selenophile » ne va rien perdre de sa densité et ses passages embués actuels qui trouvent leur place au milieu d’accents entraînants qui semblent être tirés des débuts de la bande époque
« Summoning Black Gods ». Montrant là-encore quelques relents typiquement Hard celle-ci montre qu’elle n’a pas totalement oublié son passé récent, vu qu’il réapparait de façon éparse et trouve totalement sa place au sein du penchant moderne, et tout ça avant que ne déboule « Gold / Dust » où là-encore on retrouve quelques plans chauds typiquement JOY DIVISION sur une guitare aérienne que n’aurait pas reniée Mark Knopfler. Avec sa voix posée légèrement caverneuse où l’ombre du défunt Ian Curtis rôde dans les parages, on se retrouve ici aussi sur une vision plus directe sans tomber pour autant dans la facilité, où l’on oscille entre brutalité, envie de headbanguer et fermer les yeux pour profiter de ce voyage porté par les sondes Voyager et Pioneer. Typique dans ce que nous propose la formation celle-ci va conclure les débats par le doux et éthéré « An Ode To The Conqueror » où la voix du leader se fait chuchotée sur fond de rythmique très lente et presque Doom, où le côté planant atteint ici son paroxysme histoire que le défunt puisse partir apaisé vers un autre monde tranquille digne du paradis blanc. Reprenant tout le panel entendu jusque-là la virulence y est presque absente pour laisser place à des instants contemplatifs où la douceur de l’univers cosmique se mêle au vide inquiétant qui y règne, signant ainsi sans doute la plage la plus triste du répertoire des teutons... sans que cela ne leur nuise tant elle trouve facilement sa place au sein des autres.
Du coup on ressort totalement essoré de cette écoute avec à la fois l’impression d’avoir vécu une séance de yoga ou de sophrologie et d’avoir bifurqué vers un terrain chaotique et biscornu, toujours avec ce grand sourire et un plaisir non feint. Le plus dingue dans tout ça est la sensation que ce long-format est hyper bref alors que c’est loin d’être le cas, mais une fois arrivé au bout on a l’impression qu’il vient à peine de commencer, et ainsi on peut avoir un sentiment légitime de frustration qui se compense en le remettant illico à son point de départ. Impressionnant aussi bien personnellement que collectivement cette œuvre fera date dans la discographie des mecs qui signent sans doute déjà la sortie de 2024, et ce quel que soit le style engagé ce qui est un exploit en soi. Si ses auteurs étaient déjà reconnus il n’y a plus aucune raison pour que le certain manque de notoriété dont ils souffrent encore aujourd’hui ne soit aujourd’hui plus qu’un lointain souvenir. A voir désormais ce que donnera l’avenir avec cette mouture totalement transformée et si elle arrivera à se maintenir à un tel niveau dans le futur, tant il semble difficile de pouvoir surpasser ce long-format incroyablement pénétrant et qui semble indépassable... chose que l’on disait déjà il y’a quatre ans et demi du précédent. En tout cas il est certain que cette nouvelle ère va offrir de quoi s’occuper un très long moment tant il faudra de la patience et multiplier les écoutes pour bien saisir chacune des subtilités et notes ici présentes, et finir par intégrer l’ensemble des compositions qui une fois entièrement dévoilées ont encore des choses à offrir. Preuve donc de son incroyable densité et homogénéité permanente qui ravira aussi bien les amateurs de brutalité que d’ambiances raffinées et détendues, et personne n’y trouvera rien à redire.
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