David Eugene Edwards - Hyacinth
Chronique
David Eugene Edwards Hyacinth
Il fallait au moins ça pour me motiver à écrire à nouveau sur un album. Il fallait au moins lui.
Début 2019 (déjà...) je vous racontais ma passion pour le premier album de Wovenhand. J'y évoquais comme je le pouvais cette sublime mystique du Sud à laquelle je suis naturellement si peu sensible, demeurant irrévocablement attaché aux Nord immarcescible (j'aime toujours autant me la péter avec des mots que tu connais pas). Je vous parlais de ce souffle du désert, des immenses espaces brûlés par un intolérable soleil mais qui, envers et contre tout, exhalent toujours une haleine habitée.
Oui, certes, il n'y a que David Eugene Edwards pour m'atteindre en chantant ces latitudes.
C'est d'ailleurs bien de lui qu'il est question aujourd'hui. Pas de Wonvenhand ni de Sixteen Horsepower, mais bien du sieur en personne. Avec le chapeau et le bandana, les santiags, le banjoline, les Ray-Bans, les fringues de seigneur des routes de l'Ouest, le presque mulet et la gueule de prophète des canyons.
Je n'avais pas pris la peine d'écouter son premier album solo qui n'en est pas vraiment un, puisqu'accompagné du teuton Alexander Hacke. Impasse peu engageante, flemme. En revanche, D.E.E sortait en Septembre 2023 un second album (vraiment solo cette fois-ci) chez les éternels Gliterhouse (où il aura cotoyé les inénarrables Monster Magnet de Dave Wyndorf, imaginez une seconde la collaboration devant laquelle on est passé...). Hyacinth, derrière sa pochette superbe, est un compendium d'expérimentations et de recettes éprouvées tout à la fois, vraiment aventureux et complétement typique du bonhomme en même temps.
La grosse innovation ici, c'est la très fort influence post-indus du disque, et dans son sillage naturel un aspect gothique encore plus marqué qu'à l'ordinaire. David sort d'ailleurs sa voix la plus caverneuse et grondante, soupire et déclame ses stances d'aruspice souvent drapées dans la reverb et le delay sur des compositions plus apocalyptiques que jamais. Et là normalement, si vous m'avez déjà lu sur ce site, vous pouvez sentir le rapprochement à venir gros comme une maison d'Hugh Hefner. Dont acte.
Voix des abysses incantatoire, tentatives expérimentales et progressives, atmosphère de fin du monde et profession de foi goth. Oui. Je parle encore d'eux, mes fabuleux errants métaphysico-oniriques, j'ai nommé Fields of the Nephilim. Et avant que mon obsession ne reprenne pathologiquement le dessus, j'affirme sans biais aucun que ce dernier D.E.E est clairement et indubitablement influencé par les anglais, c'est l'évidence même. Plus précisément, par la période Mourning Sun, apports électroniques eschatologiques obligent. La voix et le style de chant en particulier ramènent sans aucune tergiversation possible aux watchers. David Eugene Edwards is the new Carl McCoy.
Hyacinth est un disque lourd. Pesant, grave et chargé. "Seraph" ouvre le prêche avec une terrible fièvre. Entame qui crie "la fin est proche, repent!". Plage atmosphérique en tension, battements électroniques étouffés, râles d'outre-tombe de David, accords de guitare simples et balançant, puis alchimie du tout. Brillant et brûlant. "Howling Flower" suit sur une ligne plus classique, ballade folk qui n'aurait pas dépareillé sur le Mosaic de Wovenhand. "Celeste", une des meilleures pistes de l'album, mêle les aspects les plus caractéristiques de la carrière de D.E.E et les essais plus inventifs de ce disque, aboutissant à un remarquable équilibre. Le surplomb orageux demeure, mais le firmament s'incline vers la terre pour une union féconde, permettant la naissance d'une émotion austère, contenue, pudique mais intense et profonde. Même chose pour "Through the Lattice", qui infuse un soupçon de mélodies orientalisantes dans sa trame atmosphérique faite de pads lointains et de beats percussifs sous l'onde.
Inutile de vous dérouler le tracklisting complet. Sachez seulement que l'album ne faiblit jamais. Allez, tout juste un semblant d'inflexion sur "Lionisis", sans grands dommages, la composition restant très bonne. Les pièces marquantes ne manquent pas tout au long du disque, qui passe donc sans aucun temps mort en 43 adroites petites minutes de feu, de soufre et de poussière. Vous n'y trouverez aucune trace de gras ou de longueurs, pas le moindre appendice superflu. La messe est dite, on referme le psautier, et on s'en retourne ailleurs hanté par la parole de l'augure.
D.E.E est parvenu à quelque chose de rare. Il réussi à mélanger sans le moindre faux-pas ses trente années de carrière avec un nouveau faisceau d'influences que l'on sentait déjà poindre par moments, mais qui explose ici dans toute son ampleur. Le geste et le risque sont à saluer, le résultat se révère. D'une certaine manière, tout ceci me fait penser au Monotheist de Celtic Frost, en remplaçant le terrain folk par des racines metal primitives.
Hyacinth est ambitieux, élégants, charbonneux, kabbalistique, puissant, subtil et poignant. Il rejoint le panthéon des disques qui parviennent à invoque avec justesse la grande Fin, l'aboutissement des temps, le point de chute du Cycle. Vous le savez ou l'aurez compris, ce type d'atmosphères me saisit tout particulièrement, raison pour laquelle je ne pouvais naturellement que me retrouver en génuflexion devant une telle œuvre. Difficile de prédire ce vers quoi se tournera David après un accomplissement de cette trempe. Faisons confiance, ayons la foi. Il saura mener la barque de son talent sur le Styx de ses inspirations. D'ici-là, souvenez-vous que "les rivières du ciel sont asséchées".
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène