De ce que je peux lire sur les différents réseaux sociaux, les choses commencent à bien fonctionner pour les Parisiens de
MAUDITS : davantage de concerts, parfois dans des lieux surprenants (Opéra de Reims, Ministère de l’Economie et des Finances en novembre 2023), des mini-tournées qui sortent de l’hexagone pour visiter les territoires frontaliers, un passage au
Grand Paris Sludge 2024 mais, surtout, une reconnaissance publique qui commence à être conséquente notamment en dehors de la sphère simplement
metal. Et pour cause : la musique du trio est à multiples facettes, elle s’éloigne toujours plus du
post metal instrumental initial. Chaque sortie est pensée comme un pas supplémentaire vers un ailleurs à explorer, désormais plus accessible (sans que cela soit un reproche), l’écart stylistique entre le premier LP éponyme et ce «
Précipice » me semblant en cela significatif. Moins
doom, avec notamment des influences
ANATHEMA moins marquées (la période
« Eternity » principalement), un accroissement des atmosphères cinématographiques, le
post rock progressif des Français a désormais largement de quoi séduire les amateurs de formations telles qu’
EXPLOSIONS IN THE SKY ou encore, dans une moindre mesure,
GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR. Il faut que j’arrête de picoler ? Ah bon ?
L’album s’ouvre sur deux grosses pièces de onze minutes (« Précipice Part I » ; « Seizure ») qui m’amènent à établir deux constats. D’une part,
MAUDITS a grandement amélioré sa façon de composer des morceaux longs : les riffs sont moins répétitifs, la formation privilégiant la progression constante, le colimaçon sans fin. D’autre part, la présence quasi systématique d’un violoncelle, même si elle est assez commune dans ce genre musical, amène une réelle valeur dans la transmission des émotions, son usage étant parfaitement dosé et toujours à propos. D’ailleurs, en y ajoutant « Précipice Part II » (quatorze minutes) qui monte comme du
TOOL dans sa période
« Lateralus », nous pouvons dire que nous avons là l’ossature principale de «
Précipice » et si je suis moins friand de l’interlude « Pretium Doloris », trop ambiant, il assure néanmoins une intelligente transition avec « Séquelles », une composition brève, très rythmée, qui remet un peu de dynamisme dans un ensemble à dominante somme toute contemplative. Car c’est finalement ce qui me manque un peu au fil des écoutes, des séquences où force et puissance se mêleraient. Certes, il y en a, le final de « Précipice Part II » par exemple ou encore le cœur pulsatile de « Vielä Siellä, et elles rappellent que le guitariste officie en parallèle dans des formations
black metal (
ZELOT,
KRV,
THROANE), mais elles sont finalement trop rares, le romantisme acoustique de « Lights End » me perdant sur une falaise surplombant l’abysse, sans eau ni nourriture.
En revanche, le gros atout du groupe me semble plus que jamais résider dans sa section rythmique impeccable, le travail de
Christophe Hiegel à la batterie étant purement excellent. Il apporte à la fois énormément de densité sur les passages les plus enlevés et en même temps il a une finesse de jeu qui ajoute de la technique là où les guitares se perdent parfois trop dans les effets climatiques et les arpèges. De plus, le fait qu’il n’hésite pas à basculer sur une version électronique de son instrument ancre également
MAUDITS dans une inspiration
trip-hop qui assoit définitivement les aspects filmiques (« Vielä Siellä ») de la musique du trio.
Evidemment, un disque de près d’une heure nécessitera plusieurs écoutes pour être pleinement compris, apprécié, mais, à mon sens, la formation n’est jamais meilleure que lorsqu’elle met en avant son identité
doom metal car, en studio, les parties ambiancées s’avèrent peut-être trop éthérées pour moi là où leur interprétation
live doit assurer une meilleure appropriation par l’auditeur. À ce titre, l’écoute du «
Live Session at Opéra de Reims » risque de s’avérer indispensable pour pleinement cerner les multiples personnalités du groupe.
Mais c’est aussi cette ambivalence qui fait le charme de la personnalité attachante de
MAUDITS, le trèfle qui lui sert d’emblème illustrant
in fine idéalement les objectifs que se fixent les compositeurs : foi, espoir, chance, amour. Il y a un peu de tout cela dans «
Précipice », que je ressens comme un album de voyage intérieur : on tombe mais avec un phénomène de gravité inversée où la chute est une élévation, le fond du précipice un sommet. Dans ce registre parfois pompeux, le LP fait bien plus que bonne figure, il instaure la formation comme l’un des fers de lance hexagonal d’une musique instrumentale peut-être peu technique mais extrêmement raffinée, le soin apporté aux arrangements subtils affirmant la maîtrise du propos et, surtout, une vision précise des auteurs quant aux sentiments qu’ils souhaitent partager. Car c’est avant tout cela la musique, de l’émotion, qu’on la trouve dans la
pop, le
brutal death ou le classique.
Je ne peux cacher que j’éprouve une sympathie sincère pour les membres de ce projet, que j’ai eu le plaisir de rencontrer du temps de
THE LAST EMBRACE, maintes fois chroniqué, live réporté et interviewé sur un autre webzine, cela biaisant probablement un peu mon ressenti quant à l’aventure
MAUDITS. Cependant, en tentant de faire fi de ce paramètre, je ne peux que reconnaître de grandes qualités à ce nouvel album et au parcours général du trio. Nous sommes face à une formation qui refuse la stagnation, qui officie dans une musique pas vraiment populaire (les trucs instrumentaux, on ne peut pas dire que cela cartonne) et qui prend le risque de ne séduire personne : encore trop
metal pour l’auditeur généraliste, pas assez pour le métalleux lambda, les meilleures compositions sont les plus longues alors qu’on n’a plus le temps d’écouter, c’est méditatif dans un monde qui privilégie l’acte, c’est parfois vaporeux comme un
PINK FLOYD (« Seizure ») ou sonne comme le bruit blanc de tes songes informes (« Pretium Doloris »), ça peut swinguer tout en étant dissonant (« Séquelles »), l’identité est finalement dure à cerner mais pourtant bien présente car, quelle que soit la tonalité, quel que soit l’angle, cela reste du
MAUDITS, le fait d’avoir une pâte sonore étant déjà en soi une belle réussite de nos jours. Donc oui je mets une bonne note, pour le style, pour la persévérance, pour les efforts fournis, pour le batteur, pour l’élégance.
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène