Le temps est à la synthèse musicale et, de ce point ce vue, Bongripper a une longueur d’avance sur tout le monde. Depuis
The Great Barrier Reefer, le groupe de Chicago est du genre à n’en avoir aucun, tout occupé qu’il est à établir des passerelles entre stoner, sludge, ambient, drone, doom, post-rock et autres composantes de la saga familiale « Haine, lose et mocheté ». Pourtant, la plupart de ses productions peinent à être autre chose qu’anecdotiques au mieux sympathiques, soit par manque de consistance (les bruitistes
Heroin et
Hate Ashbury), soit par péché d’orgueil (
Satan Worshipping Doom, où ça riff à plein tube sans faire totalement mouche – on en reparlera) selon l’adage « Que t’aies le cul entre deux ou quarante-six chaises, tu pèteras toujours dans le vide ». Très fin. Bravo Ikea.
Hippie Killer est le contre-exemple de ce que tu viens de lire, Bongripper y parvenant à toucher de sa douille les objectifs liant ses œuvres entre-elles : être expérimental sans le paraître, le fun primant sur l’assemblage d’influences diverses. Crossover mais rigolo comme un
Godzilla contre Megalon, il transforme en exutoire ce qui est habituellement de l’ordre du pompeux à l’image de « Reefer Sutherland » et ses envolées tendant vers la contemplation sans assoupir grâce à des lignes de basses mélodiques dont un Pelican devrait s’inspirer. Ultra-puissants avec leurs guitares allant droit au but (« Terrible Bear Attack », seul morceau avec voix rappelant la déflagration d’un Buzzov•en période
At A Loss), les Ricains déploient leur talent à t’écrabouiller avec des compositions enfumées bloquant ta glotte à coup de botte (« Her Highness »).
Les noms de morceaux trisomiques, l’artwork de mauvais goût (avec en sus un disque illustré par un hippie à la cervelle détruite semblant sortir du nanard Blood Freak) ainsi que les parties grasses appelant au bouncing paume vers le haut (le début d’« Osaria » ou « The People Mover ») montrent que Bongripper est plus là pour te malaxer la nuque puis la briser que t’ouvrir aux espaces transdimensionnaux et ce, malgré une abondance d’aérations psyché (« Droid Developper », calmant le jeu après « The People Mover ») ou le post-rock « Charlie, Burt Reynolds Has Got Shit On You », plus mélancolique que son patronyme le laisse penser. L’absence de chant – toujours un choix risqué – est rattrapée par des instruments labiles, les passages d’un style à un autre se faisant au sein des titres et sans impression de collage.
Bien que plus accessible que son prédécesseur par un partage en dix parts là où
The Great Barrier Reefer obligeait à une attention sans coupure,
Hippie Killer souffre tout de même de trop grandes longueurs pour vraiment emporter. Il s’étiole à partir de la deuxième moitié de « Charlie, Burt Reynolds Has Got Shit On You » vers des sphères drones asphyxiantes sans grand intérêt qu’il nomme « Thanks For Sticking Around » (par lucidité ?). Après tel ennui, s’enfiler les roues du char d’assaut en calage constant de « Her Higness » est trop épuisant par rapport à la non-prise de tête que l’œuvre offrait auparavant. Bongripper est savamment stupide, qu’on se le dise, mais avec comme contrepartie une absence de retenue oubliant l’auditeur, la formation souhaitant remplir sa galette au maximum (la fameuse limite des quatre-vingt minutes est atteinte).
S’il n’y avait qu’un Bongripper à retenir, ce serait celui d’
Hippie Killer. Son défaut d’être trop bourratif passe derrière l’écoute de moments explosifs ou gracieux d’une efficacité à toute épreuve. L’autre manque est de s'arrêter au premier degré (une ambiance homogène ? Kékidi ?) au risque de ne pas dépasser le stade du plaisant mais bon, t’as vu la pochette ? Avec un visuel aussi débile, tu devines que la profondeur n'est pas leur truc !
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